Mais au fait, quel impact a vraiment l’inflation sur le budget de l’Etat ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Que rapporte l'inflation à l'Etat ?
Que rapporte l'inflation à l'Etat ?
©Ludovic MARIN / POOL / AFP

Bonne ou mauvaise affaire ?

L’inflation rapporte-t-elle plus à l'État qu’elle ne lui coûte ?

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Atlantico : On parle beaucoup de l’inflation mais on oublie souvent de se poser la question de savoir ce qu’elle rapporte à l’Etat. Qu’en savons-nous ?

Philippe Crevel : L’inflation, c’est-à-dire l’augmentation des prix, avantage l’Etat sur un certain nombre de ses recettes. La TVA en premier lieu. Elle s’applique après l’augmentation des prix. Et plus les prix sont importants, plus la TVA, qui est proportionnelle au prix, rapporte à l’Etat. Pour l’impôt sur le revenu, tout dépend des règles d’indexation. Pour cette année, il a choisi de majorer le barème. Les salaires augmentent un peu moins vite que les prix donc l’impôt sur les revenu n’est pas une source de revenus, compte tenu des décisions prises d’indexer le barème. Si l’inflation était largement supérieure à l’indexation, cela aurait un effet positif sur les recettes. Concernant l’impôt sur les sociétés ont s’attend à des résultats moins bons en raison du ralentissement économique. Les taxes sur les sociétés rapportent peu, les taxes sur les énergies, en particulier les droits intérieurs sur la consommation énergétique, augmentent quand les prix augmentent. Néanmoins l’Etat a décidé avec la ristourne et les mesures de soutien d’utiliser ce gain potentiel pour soutenir le pouvoir d’achat. L’autre avantage pour l’Etat de l’inflation, c’est la réduction du déficit public et de la dette par rapport au PIB. Il y a moins d’efforts à faire quand il y a de l’inflation que quand il n’y en a pas. Ce qui peut avoir pour effet que l’inflation n’incite pas forcément l’Etat à être bon gestionnaire. Mais a contrario, comme les taux d’intérêts augmentent à cause de l’inflation, le service de la dette augmente fortement. Après 1945, l’inflation a joué un grand rôle pour diminuer le poids de la dette issue de la Seconde Guerre mondiale. C’est un facteur important d’érosion de la dette.

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Dans quelle mesure l’inflation rapporte-t-elle plus à l'État qu’elle ne lui coûte ?

Le calcul est difficile à faire car énormément de facteurs entrent en jeu. Cela dépend beaucoup des règles d’indexation. Si les prestations sociales ne sont pas indexées à l’inflation à 100%, etc. cela peut être avantageux. Mais aujourd’hui, contrairement aux époques passées, l’Etat est contraint de faire des gestes extrêmement importants pour protéger le pouvoir d’achat. Il y a une pression très forte pour compenser les effets de l’inflation. D’où une facture de plus de 43 milliards d’euros pour compenser cela. Difficile de dire que l’Etat est gagnant dans la configuration actuelle.

Rationnellement l’Etat devrait-il « profiter » de la marge que peut lui offrir l’inflation ?  

D’un point de vue économique, si on met de côté les problèmes sociaux, il est évident qu’il vaudrait mieux utiliser l’inflation pour améliorer la situation des finances publiques. D’autant plus que cela permettrait de diminuer, à terme, l’inflation. En soutenant le pouvoir d’achat des consommateurs, les Etats alimentent l’inflation que les banques centrales essaient de réduire. En augmentant les dépenses publiques on favorise la demande. Si l’Etat voulait être rationnel, il devrait engranger les recettes de l’inflation. Mais socialement c’est difficile de faire cela. La crise des Gilets jaunes est passée par là.

Les autres pays européens font-ils la même chose que la France ?

La France a agi très tôt là où les autres pays ont attendu. Les Allemands ont certes annoncé 200 milliards, mais qui ne seront mis en place que l’année prochaine. Les Britanniques n’ont rien pu faire, après l’échec de Liz Truss. Les autres pays ont moins de moyens financiers donc l’ont fait de manière moins importante. Toujours est-il que tous les pays essaient d’aider leur population.

La France pourrait-elle regretter sa stratégie ?

Pour le moment la France est gagnante. Elle a une inflation plus faible et une compétitivité qui s’améliore. Pour que cela reste gagnant, il faut que les salaires restent relativement sages et il faut aussi que l’inflation se calme rapidement. Et ce second point est de plus en plus hasardeux. La raison est qu’on continue à soutenir le consommateur. La consommation ne s’est pas effondrée mais reste relativement stable. Et plus cela va durer, plus la contradiction va être forte. Pour le moment nous sommes gagnants, mais plus l’inflation dure, plus ce sera dangereux.

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