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Mais alors, Macron, il propose quoi? vraiment!
©ERIC FEFERBERG / AFP

Emission politique

Emmanuel Macron de passage à l'émission politique : beaucoup de bruit pour pas grand chose de plus.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Après l’Émission Politique de France 2, beaucoup de téléspectateurs ont profité du spectacle Macron, de son aisance, de son brio, de son intelligence, et comme quand on termine de suçoter un bon chamallow, l’intérieur des joues couvert de sucre, on se demande: « Mais il reste quoi de cet intense moment de plaisir? », beaucoup se sont aussi demandé: « Mais il propose quoi, en vrai, Macron? » C’est vrai qu’une petite gâterie devant son écran de télévision n’est jamais de refus, surtout entre des images d’enfants syriens suffocants et de bombardements américains en réplique. Mais une fois la gâterie macronienne terminée, que savons-nous au juste de ce qu’il fera une fois élu, en dehors de très belles et très people apparitions à la télévision où, façon Hollande, il nous expliquera qu’il est le président des bisous, qu’il nous aime, qu’il croit à la France, et que s’il avait lu ses fiches il connaîtrait le contenu de l’action gouvernementale?

Macron face à la Syrie: l’exemple d’une interrogation qui pose problème

Prenons l’exemple de la Syrie. Le journaliste demande à notre futur Président quelle serait sa réaction devant le cas d’école tiré de l’actualité du jour: un bombardement chimique contre des populations civiles en Syrie.

Là, tu t’attends à un minimum de real politik. Le gars, il est susceptible, dans un mois de passer de l’étude de cas dans un séminaire de l’ENA à un exercice grandeur nature. Tu te dis qu’il a bien compris que des vies humaines, le destin du monde peut-être, est en jeu. Il ne s’agit plus, comme à l’école, d’avoir une bonne note à l’oral pour sa capacité à la langue de bois. Il s’agit d’expliquer au pays quelle sera la ligne de la France dans un VRAI conflit international.

Eh bien! non! le gars, il continue à te baratiner comme s’il était devant le jury de l’ENA.

« Bachar al-Assad n’en est pas à son premier crime. oui, c’est un criminel. Oui il y a eu des crimes à l’arme chimique en 2013. Oui il faut une intervention militaire sous l’égide des Nations-Unies. Il faut agir fortement dans le cadre d’un mandat des Nations Unies. (…) Il faut qu’il y ait une sanction contre le régime actuel. Notre priorité est la lutte contre Daech. Ce n’est pas contradictoire. Il faut construire la sortie de Bachar al Assad. Il faut travailler avec ses représentants pour le sortir de Syrie mais pas au prix de l’instabilité en Syrie. »

Merci Emmanuel! grâce à toi je comprends enfin ce qui manquait à mes études de cas à l’ENA: le capacité à aligner des phrases contradictoires affirmant tout ce que le jury a envie d’entendre, tout en expliquant qu’il n’y a évidemment aucune contradiction à soutenir tout cela dans le même raisonnement. Ainsi, je comprends que pour friser le 10/10, il faut expliquer que la priorité, c’est la lutte contre Daesh, mais qu’on va commencer par une intervention militaire contre Assad, dont on négociera la sortie pacifique avec ses représentants sans menacer l’ordre interne syrien.

Et là, tu te dis que c’est à ce gars-là, qui confond exercice du pouvoir et passage d’un oral à l’ENA, que tu vas confier le code secret de l’arme nucléaire. Sauf à se demander qui prendra les vraies décisions pendant qu’il ira faire le beau devant les caméras, on en a quand même froid dans le dos.

Qu’on le veuille ou non, il y a autour de Macron un problème de crédibilité

Cet exemple syrien qui a eu la bonne idée d’ouvrir l’émission d’hier soir, où la chaîne publique a par ailleurs beaucoup plus ménagé Macron que Fillon dans un déséquilibre désormais permanent de l’information politique en France, soulève l’incontournable question de la crédibilité de l’ancien ministre de l’Economie.

Personne, bien entendu, ne remet en cause son brio, son intelligence, et toutes ces choses positives qui font de lui le gendre ou le mari idéal. Maintenant, une question s’imprime dans les esprits: au-delà de la communication qui consiste à dire à l’interlocuteur ce qu’il a envie d’entendre, que pense véritablement Emmanuel Macron, et quelle est sa vision pour le pays?

Les mauvaises langues diront qu’il ne pense rien et qu’il ne voit rien. Il se contente de répéter à l’envi ce qu’il a entendu dans les dîners en ville à la mode. Certes, il répète avec talent. Mais le jour J, décidera-t-il de déclarer une guerre nucléaire à la Russie pour chasser Assad simplement parce qu’il l’aura lu dans une petite fiche, ou bien se dira-t-il que cette décision implique autre chose qu’un esprit mondain, aristocratique, que la faculté de briller dans les salons pour mettre en pamoison quelque mignonne ou mignon totalement inféodé(e) à sa cause?

Un homme sans patrimoine peut-il être crédible?

Et là encore, l’embarras survient. Parce que Macron, il a une bonne gueule bien sympa. Quand on l’écoute ou on le voit, on se dit qu’on doit même pouvoir passer des soirées rigolotes avec lui. De bons moments. Mais c’est précisément cela qui nous gêne: Macron est l’homme du moment, et même de l’instant. On a l’impression qu’il vient de nulle part et qu’il n’a pas envie d’aller plus loin que l’Elysée. C’est son objectif, son ambition, sa récompense et son identité. Son enjeu, c’est un poste, quand notre enjeu, c’est la France millénaire.

La preuve? Par exemple, le bonhomme s’est quand même palpé plusieurs millions quand il était chez Rotschild, et il n’a même pas acheté un appartement avec cette petite fortune. La France existe depuis 2.500 ans et même plus. Elle regorge de joyaux architecturaux qui appartiennent au patrimoine mondial de l’UNESCO, et l’homme qui veut en devenir président n’a même pas un deux pièces dans Paris, à lui, pour vivre.

On ne peut ici s’empêcher de reboucler avec sa déclaration de patrimoine, en admettant qu’elle soit sincère. Macron est un flambeur. Il ne veut pas d’attache. Il ne se projette pas dans un collectif qui le dépasse. Il ne s’imagine pas vivant après sa mort. Il n’éprouve pas le besoin de laisser des biens derrière lui, après lui. Personnellement, j’ai de la sympathie pour ces tempéraments incandescents qui brûle la vie par les deux bouts de la chandelle. Maintenant, ces tempéraments-là sont-ils faits pour présider la République?

Les mauvais esprits fileront l’analyse en remarquant que l’une des propositions phares de Macron consiste à supprimer la taxe d’habitation pour 80% des Français. C’est curieux, de voir comment Macron est fâché avec l’idée d’habiter quelque part, et comment il veut au fond délier le lieu où l’on habite et le financement des équipements qui permettent d’y vivre. Comme si sa névrose d’habiter nulle part devait bénéficier à tous les Français. C’est en ce sens que Macron et sa parole n’incarnent pas le pays profond: les Français sont de fervents patriotes qui adorent habiter la France autant qu’ils sont si souvent habités par elle.

La France est l’une des plus vieilles nations du monde. C’est à la fois une chance et un handicap. Elle ne peut être gouvernée dans l’oubli de son histoire et dans l’indifférence de ce qu’elle sera demain. Et, sur l’oubli comme sur l’indifférence, la candidature Macron, malgré l’accumulation d’assertions, de phrases rhétoriques, de mots travaillés par des professionnels de la communication, est loin d’avoir levé toutes les ambiguïtés, voire les doutes.

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