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Maire gifleur condamné : l'autorité des élus en danger ?
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Sacerdoce

En août 2010, Maurice Boisart, maire de Cousolre, a giflé un adolescent qui l'avait insulté et menacé. Deux ans plus tard, il a été condamné à une amende de 1.000 euros. Extrait de "Tout ça pour une gifle" (1/2).

Maurice Boisart

Maurice Boisart

Maurice Boisart est maire de la ville de Cousolre. Il a été condamné par la justice pour avoir donné une gifle à un adolescent en 2010 qui l'avait insulté et menacé.

Il est l'auteur du livre "Tout ça pour une gifle" aux éditions Jacob-Duvernet.

Voir la bio »

Être maire aujourd'hui, particulièrement dans les petites et moyennes communes rurales, s’apparente à un sacerdoce, où les inconvénients peuvent finir par l’emporter sur les satisfactions de l’engagement au service des autres. « Tout devient de plus en plus difficile dans notre fonction, qui devient un véritable sacerdoce », m’écrit le maire d’une commune de l’Isère. Les maires ne sont plus à l’abri ; au contraire, ils deviennent coupables de tous les maux dont les communes ont à souffrir. Ils sont considérés comme responsables de tout, y compris de ce qu’ils ne font pas. Un ancien maire de la région toulousaine en a fait son deuil : « lorsque l’on a le privilège de remplir de telles fonctions, il ne faut s’attendre ni à compliment ni à récompense, mais bien souvent à être payé d’ingratitude, sans que cela soit une raison de perdre sa dignité ». Aux maires, « n’ayant pas même les moyens de se payer un garde-champêtre, on demande pourtant d’être garants de la sécurité de leur territoire ». (Jacques Guyon, La Charente libre, 18 février 2012).

Le mandat d’élu local nécessite de réelles qualités de courage, d’engagement et d’investissement personnel, dont les administrés ont rarement conscience alors qu’elles mériteraient leur respect. C’est une fonction difficile, exigeante, que la grande majorité des élus exerce avec abnégation et avec le souci de la défense du plus grand nombre. Leur rôle est peut être encore plus lourd et ingrat dans les petites communes. Quel travail que d’être maire ! Des soirées faites de réunions, des week-ends d’astreinte, pour peu qu’il neige ou qu’il y ait une manifestation ces jours-là… Les administrés sont bien contents de venir nous voir en courant quand malheureusement survient un incident. Nous sommes régulièrement dérangés, pour un oui ou pour un non. « Dernièrement, on m’a téléphoné pour un bouton de cuisinière qui ne fonctionnait pas dans la salle des fêtes », écrit le maire d’une commune d’Indre-et-Loire. Le maire doit répondre aux exigences de plus en plus grandes des citoyens, supporter les dérives procédurières de certains, et les exigences parfois démesurées de l’État et des textes de loi. Le témoignage du maire d’un village de la région nancéienne est édifiant : « La situation devient de plus en plus difficile, les maires n’ont plus aucun pouvoir, on ne respecte plus la fonction. Nos “grands élus” nous passent toujours de la pommade, mais ne nous soutiennent pas toujours. La justice ne joue plus son rôle. »

Aussi mon affaire a-t-elle été également l’occasion pour les maires d’interpeller les pouvoirs publics, de leur demander de nous soutenir en engageant les actions qui nous permettraient de résoudre les troubles à l’ordre public notamment en matière de sécurité, de salubrité et de tranquillité publiques. C’est ainsi que l’Association des maires de France, après avoir tardé à me signifier son appui, publia le jour du jugement un communiqué de soutien en ma faveur, par la voix de son président. Jacques Pélissard exprima sa crainte que « cette décision n’encourage les actes d'incivilités, d'insultes, voire d'agressions envers des maires », qui « se multiplient depuis plusieurs années et sont hélas trop rarement suivies de poursuites pénales ». Il rappela, non seulement aux citoyens mais aussi aux pouvoirs publics qui en sont les garants, l’importance du respect dû aux maires, qui défendent les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité, et qui tissent quotidiennement le lien social au sein de notre République.

Que faire ? Comment améliorer les relations entre la justice et les élus ? Un groupe de travail commun entre maires et procureurs avait conduit en 2004 à l’élaboration d’un « code de bonne conduite dans la circulation de l’information entre élus et ministère public », qui impose à chacun de respecter la légitimité institutionnelle de l’autre. En février 2012, l’AMF appela le ministre de la Justice à réactiver ce groupe de travail, avec pour objectif de chercher de nouvelles voies de dialogue entre le parquet et les premiers magistrats communaux, dans le respect des fonctions de chacun. La réflexion pourrait utilement être élargie aux infractions constatées dans d’autres domaines par les maires (urbanisme, déchets…), qui sont souvent classées sans suite, renforçant ainsi le sentiment d’impunité chez leurs auteurs. Déjà, en novembre 2008, quand un maire qui avait été agressé avait vu son agresseur relaxé par le tribunal correctionnel, l’AMF était intervenue auprès de la ministre de la Justice. Jacques Pélissard demanda également au ministre de la Justice de « rappeler l’attention à porter aux agressions subies par les magistrats municipaux, de prévenir de tels agissements quand ils peuvent être prévisibles (lors de proliférations de menaces, notamment) et veiller ainsi à protéger et faire respecter les maires ».

Une revendication est d’ailleurs souvent revenue dans le courrier que j’ai reçu : le maire, premier rempart contre les actes quotidiens d’incivilité, devrait, ès qualités, bénéficier d’une protection renforcée au titre de l’autorité qu’il représente.

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Extrait de "Tout ça pour une gifle" aux éditions Jacob-Duvernet (25 octobre 2012).

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