Loi sur le Séparatisme : sortir du déni<!-- --> | Atlantico.fr
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ministre de l'intérieur Gérald Darmanin loi sur le séparatisme
ministre de l'intérieur Gérald Darmanin loi sur le séparatisme
©MARTIN BUREAU / AFP

Limites du discours gouvernemental

Le député LR des Yvelines, Philippe Benassaya, revient sur la stratégie du gouvernement et sur le texte de loi visant à lutter contre le séparatisme.

Philippe Benassaya

Philippe Benassaya

Philippe Benassaya est ancien député LR des Yvelines et Conseiller départemental.
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Le spectre de l’assassinat du malheureux Samuel Paty plane encore sur notre mémoire collective suscitant une sorte de sidération générale pas encore dissipée. Ceci expliquant en partie l’extrême sensibilité de nous tous à la moindre menace ou agression de la part d’individus radicalisés sur nos agents de la fonction publique, notamment nos enseignants. C’est dans ce contexte qu’est sortie « l’affaire » du professeur de philosophie de Trappes dont les franches confessions provoquent, depuis plusieurs jours, un tollé général soulevant l’opprobre ou l’adhésion dans une surenchère médiatique et un déchainement politique d’une rare intensité.
Au-delà du tumulte certes assourdissant mais justifié, que nous dit ce professeur de cette ville, au cœur de ma propre circonscription ? Ce que l’on sait malheureusement déjà : des quartiers en France se séparent de la communauté nationale ; que les pressions islamistes sont nombreuses et régulières ; qu’il est bien difficile aujourd’hui pour certains d’exercer leurs métiers sous peine de subir des menaces inacceptables ou pire, dans les cas extrêmes, des attaques ad hominem. En cause : le séparatisme communautaire, l’islamisme radical qui prospèrent là où la République s’efface. 
Au-delà de notre régime politique, c’est la France qui est ciblée : son Histoire et son modèle de civilisation. À cela s’ajoute, comme si le tableau n’était pas déjà assez sombre, les funestes entreprises de déconstruction de notre société perpétrées par tous ces courants indigénistes, négationnistes, décoloniaux, racisés ou racialistes, contraires aux principes républicains, tout droit venus des États-Unis. Pauvre France ! Voilà un pays qui, malgré ses parts d’ombre inhérentes à toute grande nation qui a fait l’Histoire, n’a cessé d’accueillir, intégrer, assimiler : belges, polonais, italiens, asiatiques, maghrébins, africains - tous ont fui la misère, la guerre, le fondamentalisme ou les dictatures - sans oublier ces soldats noirs américains qui, à la fin de la première guerre mondiale, ont préféré rester vivre en France en toute liberté plutôt que de retourner aux États-Unis, aujourd’hui donneurs de leçons.
Refuser de reconnaître le problème du séparatisme par cécité ou connivence idéologique voire par souci d’acheter la paix sociale, en mettant la poussière sous le tapis, est irresponsable et suicidaire. La récupération politicienne qui fleure bon le profit électoral l’est tout autant. Il faut voir les choses en face, avec sérieux, courage et discernement. Notre République fait ce qu’elle peut. C’est-à-dire peu. Peu parce que la menace est polymorphe. Peu parce que l’ennemi est parfois insaisissable. Peu parce que l’autorité républicaine est venue se fracasser sur le mur de l’impunité judiciaire au nom de cette renversante conception selon laquelle le coupable est la victime d’une société injuste. Peu enfin parce que notre République a été travaillée depuis des décennies par un discours angélique, post soixante-huitard porté la plupart du temps par une gauche culturelle et un temps hégémonique dans le concert des idées, qui a refusé d’interdire, érigé l’altérité comme valeur cardinale et tétanisé toute une génération, sommée d’adhérer à ses idéaux sous peine d’être traitée de « fasciste ». Les concepts, sortis après les attentats de Charlie et de l’hyper casher, du « pas d’amalgame » ou d’islamophobie sont venus cadenasser le débat. Fermez le ban !
Le mal est fait. Et il est bien difficile de renverser la table sur des sujets comme l’immigration ou le séparatisme, totems parmi les totems d’une bien-pensance pyromane. 
Les sursauts sont timides mais parfois efficaces comme la loi de 2004 portée par la droite sur les signes religieux dans les écoles publiques, faisant suite à la commission Stasi sur l’application du principe de laïcité. Depuis, plus grand-chose, à part quelques directives ou circulaires…jusqu’au discours des Mureaux du Président de la république, le 2 octobre dernier, dénonçant le séparatisme dans notre pays, ces poches d’irrédentisme qui se décollent de la République, avec leur organisation endogène, leurs codes, leurs lois à part, leurs pressions, notamment sur les jeunes filles qui refusent de porter le voile. « Le séparatisme, voilà l’ennemi ! » aurait pu dire Emmanuel Macron paraphrasant Gambetta. On allait voir ce qu’on allait voir. 

Les limites du discours gouvernemental

La suite est moins glorieuse. La loi dite contre le séparatisme puis contre les séparatismes – pour éviter les fourches caudines du sacro-saint Conseil constitutionnel (le pluriel est plus acceptable) - devait mettre en musique la parole présidentielle. Sauf qu’à l’arrivée, la loi a été patiemment détricotée. Du coup, elle est devenue loi confortant les principes républicains, autant dire une reculade. Exit le mot séparatisme dans le titre, exit également toute référence aux ferments du séparatisme dans le texte : sur le voile des fillettes ? Rien. Sur le radicalisme en prison, dans le sport, à l’hôpital ? Rien. Sur l’immigration ? Rien. Car après tout n’est-il pas temps que le Parlement décide enfin qui doit entrer sur notre territoire, comme dans toutes les grandes démocraties ? Cette loi est un robinet d’eau tiède qui consacre un « en même temps » fade et improductif, et, en définitive, un vrai malentendu, une occasion manquée égarée dans les méandres de l’ambivalence macronienne. Elle devait à l’origine cranter la question du séparatisme qui abîme notre société en collant, par mimétisme, à la loi sur la séparation des Eglises et de l’Etat de 1905, pour lui donner une portée historique. Mais Darmanin n’est pas Briand. Et cette loi « light » n’est pas celle de 1905. Question de courage probablement. 
Ce texte n’envoie aucun signe fort et ferme dans la lutte contre l’islam politique et radical. Pourquoi se tire-t-on une balle dans le pied ? Qui se souviendra, dans quelques années, de cette loi technique, qui comporte certes quelques avancées juridiques, mais lacunaire ? Pourquoi ne pas avoir imposé, comme l’a proposé le groupe Les Républicains à l’Assemblée Nationale, une modification de la Constitution en inscrivant dans son article 1, le principe selon lequel « nul individu ou groupe ne peut se prévaloir de son origine ou de sa religion pour s’exonérer de la règle commune » ? Cette initiative politique ferme aurait permis de donner de meilleures marges de manœuvre aux pouvoirs publics et de contourner les nombreux obstacles constitutionnels que les juges brandissent, à chaque fois, comme pour minimiser l’action parlementaire.
Reste le cas de Trappes, montré du doigt dans cette affaire. Voilà une commune qui fait l’actualité quand rien ne va et qui ne fait pas l’actualité quand tout va bien. C’est son drame. D’un côté une ville énergique, centre de plusieurs fleurons industriels, à l’urbanisme rénové, siège d’un hôpital privé de très bonne tenue ; et de l’autre, une ville déclassée par les coups de boutoirs d’une forte minorité radicalisée et   conquérante ( Trappes est la ville française d’où est partie le plus gros contingent de djihadistes vers la Syrie ), qui installe la peur et harcèle les pouvoirs publics tout en pratiquant à l’extérieur un discours lénifiant et faussement apaisant. Sur place, les postures de déni pernicieux des uns le dispute à la surenchère démagogique des autres. Trappes, malgré ses atouts, est le miroir de nos défaillances, de nos renoncements et de notre paralysie face aux dangers qui nous menacent chaque jour.

Notre République en quête d’un nouveau souffle

Nous payons fort cette forme d’autocensure que nous nous imposons pour ne pas paraître aux yeux du monde comme les méchants tortionnaires alors que la République est en danger. Les services de l’Etat font ce qu’ils peuvent, mais sans volonté politique, point de salut ! Notre pays est à un tournant. Soit il se soumet, soit il fait face. Pour ce faire, il faut être rebelle. Rebelle à cette police de la pensée qui nous a corsetés, bâillonnés pendant trop longtemps. Rebelle à ce fatalisme qui nous ronge. Rebelle à toute forme de séparatisme ou radicalisme, sans plus jamais plier. Pour protéger tous nos concitoyens, la loi doit être appliquée avec sévérité contre les ennemis de la République, chasser les prêcheurs de haine qui se lovent dans les salles de prières, revoir notre politique d’accueil quand on sait que notre territoire sert de refuge à 600 000 immigrés clandestins et que 96 % des déboutés du droit d’asile ne sont pas expulsés. Parce qu’il est temps de le dire : il y a bien un rapport entre une immigration massive mal maitrisée et la montée d’un communautarisme séparatiste. Il faut enfin appliquer partout et fermement la laïcité dans l’espace public, rassembler autour de notre Histoire commune en évitant de monter les uns contre autres, dans une sorte de remake stérile de luttes des classes. Enfin, il est urgent aussi de faire confiance et de donner des moyens importants à ces forces, souvent féminines, qui émergent dans les quartiers pour dire non à l’embrigadement fondamentaliste. Les discours ne suffisent plus. Il est temps d’opérer à tous les niveaux une véritable révolution morale, politique et juridique pour extirper le radicalisme qui ronge notre société.
Philippe Benassaya
Député LR des Yvelines 
Conseiller départemental

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