Lettre de Moody’s aux candidats à la Présidence française <!-- --> | Atlantico.fr
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Les agences de notation risquent de baisser de nouveau la note de la France.
Les agences de notation risquent de baisser de nouveau la note de la France.
©Reuters

Affranchie

Chers candidats à la Présidence française, si vous ne changer rien en France, je vais encore abaisser la note de votre pays.

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

Voir la bio »

Mesdames, Messieurs,

Je ne vous prends pas en traître : si rien ne change en France, je vais encore abaisser la note de votre pays. Peut-être même dans un an, quand vous serez en pleine préparation de vos programmes. Déjà, je l’ai fait le 18 septembre, après avoir beaucoup patienté. Les autorités ont joué le silence, vous n’avez rien dit, les marchés n’ont pas réagi. Les médias, perspicaces, ont donc conclu que ce n’était rien.

Vous voilà « Aa2 », comme je dis dans mon vocabulaire, plus vraiment Aa1, plus du tout Aaa. Pourquoi rebaisser la note ? Parce que je m’inquiète du fait que vous n’avez pas beaucoup de croissance face à la dette qui monte. Bien sûr, tout est lié. Pas assez de croissance, c’est plus de déficit et de dette. Et comme vous ne faites pas assez de réformes depuis trente ans pour avoir plus de croissance et que vous augmentez plutôt vos impôts, alors vous avez les deux : moins de croissance et plus de dette !

Vous voilà en retard de reprise : c’est ce qui m’inquiète. Dans une zone euro qui peine, vous êtes à la queue. Je vous accorde 1,5 % de croissance potentielle : c’est aimable car le FMI vous en trouve 1,1 % ! Vos experts officiels pensent à 1,3 % ou 1,5 % de croissance après la loi Macron 2. Mais où sont-ils ? Cette année, vous allez vers 1,1 ou 1,2 % alors que le pétrole est bas et que l’euro monte certes, mais sans excès. Donc je m’inquiète.

Pour Monsieur Hollande : le candidat socialiste, disons que ce sera vous, poursuit son lent chemin alterné. Il y a les réformes avec M. Macron – pour avancer, et les compensations avec tous les autres ministres – pour être réélu. Ceci fait avancer peu et coûte beaucoup. Pour vous présenter, il faut inverser la « courbe du chômage », un peu par la baisse des charges – côté Macron, beaucoup par les emplois subventionnés – côté « les autres ». Moi, Moody’s, je m’inquiète des années qui viennent quand les taux d’intérêt seront plus hauts, l’euro plus fort, les concurrents espagnols et italiens mieux repartis. Mais si la Chine patine et les Etats-Unis faiblissent !

Pour MM. Sarkozy, Juppé, Lemaire…, vous me dites qui : le candidat des Républicains semble vouloir plus de réformes, notamment sur le droit du travail et de la faillite, au risque d’une baisse temporaire de croissance. Il veut aller vite, après les élections, pour réduire autant que possible les troubles sociaux. De fait, il n’aura pas le choix : les réformes marchent toujours, allez écouter la leçon inaugurale du Pr Aghion au Collège de France, mais il en faut assez, et ramassées, pour que le processus s’enclenche.

Pour M. Bayrou : il sera candidat si M. Juppé ne l’est pas. On verra alors si la dette l’inquiète autant qu’il dit et s’il met en œuvre les réformes qu’il exige des autres, et avec qui. S’il ne se présente pas, on verra qui il soutient, autrement dit si l’affect l’emporte chez lui sur l’économie.

Pour les extrêmes gauches : vous comprenez, sans vous offenser et vous nommer tous, que vous n’êtes pas mon souci premier. La question qui m’importe est si vous pouvez aider M. Hollande, et sous quelles conditions, ou si vous allez œuvrer à son échec. Comme toujours, certains l’aideront, mais j’ignore si ce sera suffisant.

Madame Le Pen : vous êtes l’inconnue du jeu. Vous avez consolidé votre audience et renforcé votre parti, mais il n’est plus le même. Vous avez laissé le libéralisme de votre père pour une logique plus interventionniste, nationaliste – souverainiste pour faire bref. Je ne sais plus exactement si vous voulez quitter l’euro ou lui demander de changer de trajectoire : c’est surtout ce que je vais vous demander d’éclaircir. Car si vous voulez faire sortir la France de l’euro, la zone n’y survivra pas. Et la France ?

Avec 2 000 milliards de dette publique dont 65 % détenus hors des frontières et ici 20 % par les assurances, 10 % par les banques et 5 % par les Français en direct, on peut s’inquiéter. Notamment de la réaction des banques centrales, surtout chinoise et japonaise, et des autres investisseurs : ils sont le premier financeur du pays. Pas parce qu’ils nous aiment, mais parce que la France est en zone euro, avec l’Allemagne. Alors, chacun faisant son métier, j’examinerai la dette au vu des seuls fondamentaux du pays : pas assez de croissance, un déficit croissant, 200 milliards à trouver pour 2016 : 125 pour amortir la dette, 75 pour financer le déficit nouveau. C’est là qu’on vous attend. J’aurai pris les devants. Voir sur ce sujet Aa2 : Moody’s a abaissé la note de la France, le Zoom du 1er octobre.

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