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Lettre à Florent Pagny (ou comment réagir quand le montant de vos impôts annuels est flambé en une soirée à 1,5 million à Lima pour les JO)
©Capture d'écran Youtube

Liberté chérie

Le chanteur et coach de "The Voice" est en train de déménager au Portugal pour "de vraies raisons fiscales".

Aurélien Véron

Aurélien Véron

Aurélien Véron est président du Parti Libéral Démocrate et auteur du livre Le grand contournement. Il plaide pour passer de l'Etat providence, qu'il juge ruineux et infantilisant, à une société de confiance bâtie sur l'autonomie des citoyens et la liberté. Un projet qui pourrait se concrétiser par un Etat moins dispendieux et recentré sur ses missions régaliennes ; une "flat tax", et l'ouverture des assurances sociales à la concurrence ; le recours systématique aux référendums ; une autonomie totale des écoles ; l'instauration d'un marché encadré du cannabis.

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Lettre à Florent Pagny

Cher Florent,

Tuas jeté un pavé dans la marre en déclarant en avoir assez de payer trop d’impôts au trésor français.Un heureux hasard a apporté de l’eau à ton moulin au même moment. Le comité olympique et ses amis venaient de flamber 1,5 millions d’argent des contribuables au Pérou en palaces, champagne et restaurants gastronomiques. En une petite semaine, cette clique a dépensé un an de tes impôts pour festoyer. Sache que tu n’es pas seul à dire ton ras-le-bol avec l’incurie de l’Etat et la spoliation fiscale. Les Français, riches ou pas, sont de plus en plus nombreux à exprimer leur colère – bonnets rouges, dindons, tondus, pigeons -, voire à voter avec leurs pieds, abandonnant leur pays bien-aimé pour rejoindre les 3 millions de Français expatriés sous des cieux moins hostiles.

Tu l’as entendu maintes fois : ne pas payer ses impôts en France serait immoral, cet acte constituant l’acte fondateur de la citoyenneté. Détail cocasse, cette thèse est le plus souvent défendue par ceux qui vivent de l’impôt : politiques, fonctionnaires et professions très protégées. Les mentalités ont néanmoins évolué. Toi, tu as eu de la chance d’entendre une invitation aimable de Bruno le Maire à rester. Nous sommes loin du « Minable ! » envoyé par unpetit prof d’Allemand, alors Premier ministre mais depuis disparu dans les oubliettes de l’histoire, à la figure de Gérard Depardieu. Ce géant du cinéma français publia une réponse admirable[i], digne d’un Cyrano de Bergerac.

Si l’impôt est citoyen, pourquoi en exonérer plus de la moitié des Français sans même parler des 80% qui échapperont à la taxe d’habitation ? Pourquoi multiplier les niches et inciter les contribuables à optimiser leur facture fiscale ? Que penser des 3 millions de Français expatriés, deux fois plus qu’il y a 10 ans ? Tous ces Français sont-ils des sous-citoyens ? La constitution n’affirme-t-elle pas qu’il n’y a qu’une seule catégorie indivisible de citoyens dans notre République ? Contribuer au budget de l’Etat constitue un élément du pacte social, c’est indéniable. Mais lorsque le consentement à l’impôt recule autant que ces dernières années, nous n’assistons pas à un recul de la citoyenneté mais à celui de la légitimité de l’Etat.

Les Français rechignent de plus en plus à payer leurs impôts et ils ont raison. Ils en ont marre de vivre dans un enfer fiscal cerné par des paradis fiscaux dénigrés par une propagande d’Etat  digne de celle de l’Union Soviétique à l’égard du monde libre : l’Irlande, le Royaume-Uni, la Belgique, le Luxembourg, la Suisse et, maintenant, le Portugal seraient peuplés de pauvres mourant dans la rue sans soins ni écoles dignes de ce nom. Belle blague. L’enfer fiscal français aura-t-il raison encore longtemps  seul contre tous ? Une bombe à retardement pourrait apporter une réponse inattendue plus vite que prévu.

Notre pression fiscale a beau être la plus élevée d’Europe, notre Etat n’en est pas moins proche de la faillite avec près de 100% de dette/PIB, 250% du PIB si nous ajoutons la dette « hors bilan », soit environ 75.000 euros d’impôts futurs pour chaque citoyen français. Nous avons tous le droit, et même le devoir de nous demander si cette dérive est justifiée. Et de nous y opposer si nous la jugeons contraire à la raison. N’est-ce pas un droit élémentaire de pouvoir constater « la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement »selon l’article 14 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen ?

Les citoyens ont d’ailleurs de moins en moins de scrupules à se demander s’ils en ont pour leur argent. Nos biens, nos libertés et notre intégrité physique sont-ils correctement protégés ? La multiplication des zones de non-droit, les prisons qui débordent au point de laisser des condamnés à de lourdes peines en liberté et la Justice débordée et incapable d’imposer des peines alternatives ne plaident pas dans ce sens. Une école qui laisse 150.000 jeunes sur le bord du chemin chaque année et l’explosion du nombre de SDF complètent l’image d’un Etat en faillite morale. Les Français comprennent enfin que l’Etat dépense beaucoup trop, et beaucoup trop mal. Gabegies, strates redondantes de bureaucraties inutiles, hauts comités, commissions et autres bidules font de l’Etat un gouffre abyssal.

Cela n’a pourtant pas empêchéle gouvernement d’annoncer un Nième plan de relance de 57 milliards d’euros – en ronds-points et musées inutiles sans doute -, de laisser le déficit attendu dériver dangereusement à 83 milliards d’euros. L’irresponsabilité est grande derrière les quelques réformes qui vont, reconnaissons-le, dans le bon sens. Quel contribuable se sent motivé pour financerpareille gestion et une telle médiocrité dans la qualité des services publics ? Le sauve-qui-peut domine tous les esprits. Les citoyens, pas moins honnêtes qu’ailleurs, en ont ras-le-bol de jouer les Sisyphe remontant à la sueur de leur front les comptes d’un Etat ruineux et profondément immoral.

Trop d’impôts, trop de dépense publique ont fracturé le pacte social en profondeur. Il va falloir davantage que quelques ordonnances et mesurettes déontologiques pour rétablir la moralité de nos institutions perverties et de nos administrations aussi pléthoriques que poussiéreuses. De nombreux Français se battent contre le racket fiscal avec tous les moyens légaux à leur disposition. D’autres le font au travers de leur engagement associatif ou politique. Certains font le choix de partir. Tous, nous devrions mériter le même respect de la part des pouvoirs publics qui n’ont pas à mettre leur propre intérêt (toujours plus d’impôts) avant celui des Français.

Alors Florent, sache que les Français sont de tout cœur avec toi !



[i]Lien : http://www.latribune.fr/opinions/tribunes/20121219trib000738349/nous-sommes-tous-des-depardieu-.html

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