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Lettre à Emmanuel Macron : ne commettez pas cette erreur avec la taxe d’habitation
©ERIC FEFERBERG / AFP

Liberté chérie

Emmanuel Macron a proposé d'exonérer 80% des Français de la taxe d'habitation. Mais plutôt que prendre des petits bouts de réformes pour faire un programme, ne faudrait-il pas proposer un programme encore plus ambitieux de réforme fiscale ?

Aurélien Véron

Aurélien Véron

Aurélien Véron est président du Parti Libéral Démocrate et auteur du livre Le grand contournement. Il plaide pour passer de l'Etat providence, qu'il juge ruineux et infantilisant, à une société de confiance bâtie sur l'autonomie des citoyens et la liberté. Un projet qui pourrait se concrétiser par un Etat moins dispendieux et recentré sur ses missions régaliennes ; une "flat tax", et l'ouverture des assurances sociales à la concurrence ; le recours systématique aux référendums ; une autonomie totale des écoles ; l'instauration d'un marché encadré du cannabis.

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Cher Emmanuel,

Votre proposition d’exonérer 80% des Français de la taxe d’habitation a fait grand bruit. Preuve que votre conseiller en communication n’avait pas tort d’un point de vue buzz médiatique. Ce cadeau fiscal s’apparente hélas au clientélisme dans la plus pure tradition politicienne. Valait-il le coup de sacrifier une vraie refonte – nécessaire – de notre fiscalité locale sur l’autel de la comm’ ? La presse unanime vous présente comme le renouveau de la politique française. Pourquoi poursuivre ce type de bricolage superficiel que les pouvoirs successifs ont appliqué jusqu’ici ? Voulez-vous vraiment assumer le rôle d’héritier de la gauche au pouvoir ? Je vous pensais plus ambitieux, davantage attiré par de vraies réformes. Celle des impôts locaux pourrait à la fois simplifier le travail de Bercy et celui des collectivités territoriales, à coût nul pour les administrations.

Vincent Drezet, secrétaire général du syndicat Solidaires finances publiques, a expliqué que 80% des foyers fiscaux payent la taxe d'habitation. Ils ne seront plus que 20% si vous mettez un jour votre mesure en œuvre. Elle n’est pas chère, car comme disait l’autre : "c’est l’Etat qui paye". Elle signifie pourtant une reprise en main des finances locales par l’Etat central, reprise en main qui rendra les futures hausses complexes. Pas forcément une mauvaise chose en soi, mais cela dépouillera un peu plus les collectivités territoriales de leur autorité déjà très affaiblie. Et cet encadrement se répercutera forcément sur "l’impôt local des riches": la taxe foncière, promise à des hausses dramatiques. Une fois de plus, je prends les paris que la propriété privée paiera pour l’étatisation rampante de notre pays. Est-ce votre projet ?

Je vous accorde que le calcul de la taxe d’habitation, comme celui de la taxe foncière, est une usine à gaz. Opaque, incompréhensible et foncièrement injuste. Une famille ne paye pas en fonction de sa consommation des services de sa mairie et des territoires ou de ses revenus mais de la taille de son habitation et de la valorisation qui en a été faite il y a presque 50 ans. Absurde. Pourquoi n’avez-vous pas l’audace – tout votre projet dit se fonder sur l’audace – de proposer une révolution fiscale capable de simplifier la vie des administrations et celle des contribuables à coût neutre pour ces derniers ?

La vraie décentralisation commence avec l’autonomie fiscale. Nous en sommes très loin. La taxe d’habitation et la taxe foncière – en hausse de 5,5% et 3,8% en 2015 - rapportent environ 50 milliards d’euros, un niveau proche de l’impôt sur le revenu avant l’arrivée des socialistes (qui, une fois au pouvoir, l’ont fait grimper de 50% à 75 milliards d’euros). Ces deux taxes pèsent moins de 40% des recettes des collectivités territoriales qui n’ont que peu de marges de manœuvre pour les faire évoluer. Les dotations de l’Etat représentaient quant à elles 56 milliards d’euros en 2015. Où est l’autonomie fiscale des territoires pris entre le marteau - grilles rigides – et l’enclume – l’arbitraire de l’Etat – ? Une solution simple et transparente consisterait à substituer l’impôt sur le revenu – alors prélevé localement – aux taxes locales sur les ménages.

Nous en profiterions pour passer d’un impôt sur le revenu progressif à un impôt proportionnel, fameuse "flat tax" mise en œuvre dans un nombre croissant de pays avec succès. Juste – tout le monde paye à hauteur de ses revenus – et efficace – le plus simple à collecter avec une fraude minime –, cet impôt ne serait plus prélevé par l’Etat … pour être ensuite reversé sous forme de dotations aux collectivités territoriales. Il serait prélevé directement par les collectivités territoriales au taux qui leur conviendrait. Libre aux citoyens de déménager lorsque la pression fiscale sur le revenu n’est plus en rapport à leurs yeux avec les services proposés par la municipalité, le département et la région. En attendant qu’une strate disparaisse pour faire des économies sur leurs bureaucraties redondantes. 

En termes de recettes fiscales nettes, l’Etat ne subirait pas de perte car la disparition de l’impôt sur le revenu de ses comptes correspondrait à la suppression de ses dotations. Les territoires auraient à cœur de trouver le meilleur équilibre entre leurs dépenses – donc la qualité de leurs prestations locales aux citoyens-usagers - et la fixation de ce taux proportionnel d’imposition sur les revenus, faisant contribuer chaque ménage non plus en fonction de la taille de son habitation mais dorénavant à due proportion de ses revenus.

Cher Emmanuel, vous devriez éviter de vous égarer sur le chemin de la facilité déjà emprunté par vos prédécesseurs au bilan accablant. Les mauvaises solutions aux mauvais problèmes n’ont jamais mené la France dans la bonne direction. Notre pays n’a pas besoin de niches fiscales supplémentaires, de constructions fiscales complexes ajoutant de l’opacité là où nous avons besoin au contraire de simplicité et de transparence. Ayez l’audace d’aller plus loin que la suggestion de vos conseillers en communication, assumez la "Révolution" que vous prétendez incarner.

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