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Les soulèvements de Kiev sont-ils vraiment représentatifs de la volonté des Ukrainiens ?
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Éditorial

Le président ukrainien Viktor Ianoukovitch est confronté depuis plus de dix jours à une spectaculaire contestation de rue réclamant un rapprochement avec l’Union européenne (UE) et un changement de régime à Kiev.

Yves Derai

Yves Derai

Yves Derai est éditorialiste à Atlantico. Chaque semaine, il écarte les lourds rideaux de velours des palais de la République pour nous en révéler les secrets.

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Hier matin, sur une radio, 8h30, la présentatrice du journal en substance :

"- Des milliers d’Ukrainiens affluent vers la Place de l’Indépendance. Des affrontements entre la police et les manifestants auraient lieu actuellement. Nous sommes en ligne avec notre envoyé spécial à Kiev...

- Oui, eh bien je ne peux malheureusement pas vous confirmer les affrontements..."

Malheureusement !Comme si notre sympathique reporter regrettait l’absence de violences qui, évidemment, auraient donné une ampleur encore plus spectaculaire au rassemblement.

La crise ukrainienne et les commentaires d’éditorialistes et d’experts français qui n’ont pas dû mettre un pied en Ukraine depuis la chute du Mur de Berlin m’inspire une réflexion : il va peut-être falloir arrêter de regarder toutes les révoltes populaires avec des yeux de Chimène et passer du romantisme révolutionnaire à l’analyse politique.

A Kiev, en effet, des millions de gens espéraient que l’Ukraine rejoigne l’Union européenne et se détache de Moscou. Mais qu’en est-il dans le reste du pays ? Selon la plupart des études conduites par des instituts indépendants du pouvoir, il existe une Ukraine russophone et russophile qui préfère rester dans sa zone d’influence historique. Que donnerait un referendum proposant aux électeurs l’alternative Union Européenne vs Union douanière (Russie, Kazakhstan, Biélorussie) ? Difficile de le dire. Les sondages se contredisent. Selon celui de GfK Ukraine (réalisé du 2 au 15 octobre 2013), 45% des Ukrainiens sont favorables à l'accord d'association avec l'UE, tandis que seulement 14% veulent se joindre à la Biélorussie et au Kazakhstan dans un bloc économique qui serait dirigé par la Russie. Les résultats sont beaucoup plus équilibrés selon un autre sondage de l'Institut international de sociologie de Kiev(réalisé du 9 au 20 novembre 2013), qui indique que 39% des Ukrainienssont favorables à l'accord d'association avec l'UE et 37% préfèrent s'associer avec la Russie.

Carte des différentes ethnies et langues en Ukraine

Quant à savoir si le président Viktor Ianoukovitch doit quitter immédiatement le pouvoir, là aussi, le sujet ne fait pas l’unanimité. Certains sondages le donnent au coude à coude avec le leader de l’opposition, le boxeur Vitaly Klitschko, que notre ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius a couvert de louanges même si l’on est en droit de douter des capacités d’un tel personnage à diriger un grand pays...

Résultats des élections présidentielles en Ukraine de 2010

L’élection présidentielle est prévue en mars 2015. La démocratie est loin d’être parfaite en Ukraine. Le pouvoir judiciaire demeure trop dépendant du pouvoir exécutif, la corruption règne dans les élites politiques et économiques. Mais depuis la Révolution orange, il y a eu plusieurs alternances dans le pays. De la même manière que Ianoukovitch a battu Ioulia Timochenko à la régulière en 2010, il pourrait tout à fait être mis KO par le champion du monde poids lourd dans un an et demi. Le procédé du "dégage, machin" que l’on a trop vite applaudi lors des "printemps arabes" ne doit pas tenir lieu de modèle démocratique. Le verdict des urnes me semble, à tout prendre, le moins injuste.

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