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Les répliques du séisme Ghosn ébranlent le monde des affaires et la relation franco-japonaise
©TORU YAMANAKA / AFP

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Carlos Ghosn était une star mondiale, avec des résultats historiques. les fautes qui lui sont reprochées paraissent incompréhensibles et la violence de son arrestation est incroyable. Paris tempère et demande des explications a Tokyo.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Le ministre japonais de l ‘économie doit arriver a Paris dans la journée pour donner à Bruno Lemaire a Bercy ,  qui les a demandées,  quelques explications sur ce qui s’est passé.

Parce qu’ après 48 heures , dans cette affaire, tout est invraisemblable. La faute dont Carlos Ghosn est accusé est inexcusable, impardonnable et désastreuse pour le monde des affaires. Mais la violence des autorités japonaises a été tellement inouïe qu’elle laisse sans voix l’Etat français qui aurait, au moins, dû être tenu au courant, ne serait-ce parce qu’il est le principal actionnaire de Nissan. 

Cette affaire a provoqué un tsunami avec onde de choc dont on n’a sans doute pas fini de mesurer les effets.

D’abord, parce que Carlos Ghosn est un des 3 ou 4 patrons mondiaux, parmi les plus connus, les plus admirés. Les mieux payés aussi. Il était du même moule que les Steve Jobs ou les Jeff Bezos. Au Japon, c’était un dieu vivant. Pour les étudiants occidentaux en business, c’était une icône. Une vedette du monde de l’entreprise et des people. Il y a très peu de patrons qui ont acquis un tel statut digne d’une rock star, en France, et au Japon, au Brésil aussi.  Carlos Ghosn était un pur produit de la mondialisation, né au Brésil, élevé au Liban et éduqué en France. Il habitait plus souvent dans son jet avec lequel il faisait le tour du monde une fois par semaine, que dans une de ses nombreuses maisons qu‘il possédait un peu partout sur la planète.

Ensuite, ses résultats économiques et financiers sont hallucinants parce qu’il a fait de trois entreprises, Renault, Nissan et Mitsubishi, qui étaient seules assez mal en point, le premier groupe mondial de l'industrie automobile. Avec une vision très claire sur ce que devait être un constructeur automobile.

Enfin, parce que les conditions de son arrestation sont hallucinantes, elles ont été d’une violence inouïe. Dans la forme, elles ne sont pas sans rappeler ce qui s’était passé avec Dominique Strauss-Kahn arrêté à l’aéroport de New-York. Dans le fond, elles trahissent une réalité des rapports entre partenaires d’un même groupe, rapports qu’on ne pouvait pas imaginer aussi sauvages. Les Japonais, dirigeants de Nissan, ont été d’une brutalité inouïe, mais pire encore, les actionnaires japonais et le gouvernement n’ont a priori jamais tenu au courant les autorités françaises de l’enquête interne qu'ils diligentaient depuis des mois. La moindre des politesses eut été de prévenir. Les Japonais auraient voulu organiser un coup d’Etat contre les Français en la personne de Carlos Ghosn qu’ils ne s’y seraient pas pris autrement. Ce qui, du coup, alimente cette petite musique selon laquelle Carlos Ghosn aurait été victime d’un complot. Complot pourquoi ? Pour l’empêcher de mener à bien un projet de clarification au niveau du capital. Pour officialiser sur le plan juridique, le pouvoir capitalistique de Renault sur Nissan. Ce que les Japonais n’ont jamais voulu accepter. 

Alors en l’absence d’informations, on ne peut pas exclure, comme disent certains que Carlos Ghosn ait été victime d’un complot, fomenté par les Japonais qui cherchaient à s’en débarrasser, mais tout ce qui se passe est assez incompréhensible et indéfendable, parce que le Japon reste un Etat de droit. Une démocratie avec ses règles et ses lois. 

C’est incompréhensible parce que les sommes détournées dont parle la presse japonaise sont considérables, que les salaires versés et détournés du fisc sont eux aussi considérables. 


Le modèle de management moderne, l'incarnation de la mondialisation et de l'automobile mondiale, l'icône des étudiants en business, ne pouvait pas mettre les doigts dans la confiture comme un vulgaire petit voyou de banlieue. Non, pas lui, pas là, pas dans cette situation. 

Alors, on peut dire ce que l’on veut sur son caractère, sa mégalomanie, son autoritarisme, sa fatigue. On peut dire ce que l’on veut sur les circonstances, rien ne peut excuser ou justifier ses malversations. L’homme qui a du talent, de l’expertise et des résultats exceptionnels, indiscutables ne peut pas s’exonérer de ses responsabilités de rigueur et d’honnêteté. Au contraire, il doit être le premier à respecter le droit, l’éthique et la morale des affaires. 
Carlos Ghosn est dont inexcusable et impardonnable et cette attitude va provoquer un désastre dans le monde des affaires. Tous les chefs d’entreprises vont en subir les effets et les conséquences. 

Maintenant cette affaire arrive à un moment où l’Alliance devait redéfinir son fonctionnement, clarifier les conditions de la gouvernance, revoir l’équilibre capitalistique entre les intérêts français et japonais.

Le fonctionnement de l’Alliance était efficace, mais très complexe, illisible pour tous ceux qui n’appartenaient pas à son premier cercle. Parce que le point commun entre Renault, Nissan et Mitsubishi, c’était Carlos Ghosn.  Le centre de gravité c’était lui... Lui qui jouissait d’un pouvoir absolu. Ni l’Etat français, actionnaire de référence de Renault, ni l’Etat japonais ne semblaient avoir de prise sur lui. Avec pour couronner le tout, l’absence de solutions quant à sa succession. 
Ce dossier va évidemment atterrir sur le bureau du président de la République, avec deux débats qu’il va falloir trancher. 

1er débat : quel peut être le rôle de l’Etat dans une entreprise située en concurrence de marché ? Quel est l’intérêt pour l’Etat de garder une participation significative dans une entreprise mondiale, surtout quand les représentants de l‘Etat n’étaient pas écoutés par la gouvernance ? C’est une vraie question. Il existe en France de très grandes entreprises mondiales où l’Etat n’est pas présent. L’Oréal, Danone, LVMH travaillent dans le monde entier, mais leurs dirigeants n’ont jamais délocalisé de France les centres de pouvoir, et leurs dirigeants ne se sont jamais assis sur le drapeau tricolore.  

2e débat, mais il est lié au précèdent, quel est l’intérêt de la nationalité affirmée d’une entreprise ? Renault est un pur produit de l’Histoire de France oui ! Mais Renault doit sa survie à la puissance internationale de Nissan. Cette alliance qui avait été inventée par Louis Schweitzer et gérée par Carlos Ghosn a fait des miracles. Mais on sait désormais que les Japonais ont décidé de faire cavalier seul. Ce qui est incroyable dans cette affaire, c’est que les Japonais auraient utilisé « une faiblesse très coupable et impardonnable de Carlos Ghosn » pour s’en débarrasser, sans en informer l’actionnaire principal à savoir l’Etat français. Carlos Ghosn a trahi la confiance dont le monde entier des affaires le créditait mais les autorités japonaises ont trahi la confiance qui les liait à leurs homologues français.

Il va falloir sauver l’Alliance, ça n’est pas gagné avec la conjoncture actuelle. Il va falloir gérer l’hypothèque qui pèse désormais sur la probité des grands patrons et réécrire un contrat de confiance avec les autorités japonaises. 
Cette affaire est effroyable pour tout le monde. 

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