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Les relocalisations : plus un fantasme politique qu’une véritable stratégie industrielle
Relocaliser. Les responsables politiques n’ont que ce mot à la bouche. Emmanuel Macron ne manque pas une occasion pour confirmer ce choix. Tantôt sur les batteries, tantôt sur la pharmacie. Le projet politique n’engage que celui qui l’écoute.
Les relocalisations industrielles sont devenues l’obsession des hommes politiques et le remède miracle pour insuffler de l’activité et sauver le pays du déclin.
Au cours des trente dernières années, la France a perdu la plupart de ses usines parce que ses industriels ont trouvé plus avantageux de fabriquer les produits qu’ils vendaient dans des pays à faible cout de main d’œuvre. La Chine est devenue l’usine du monde et l’Occident a utilisé une partie de ses friches industrielles pour y installer des hypermarchés bourrés de références « made in Asia » . La France notamment avait pensé vivre sans usine, en produisant sa richesse avec des services et des intelligences. Quelle utopie parce qu’en réalité, les dirigeants politiques français , de gauche ou de droite, ont surtout trouvé dans les délocalisations le moyen facile d’offrir du pouvoir d’achat immédiat, donc ils ont laissé faire, sans évaluer les conséquences à moyen terme : à moyen terme on a retrouvé un pays déséquilibré avec des zones entière désertées , un chômage structurel irréductible et des métropoles qui sont devenues trop puissantes et trop riches.
Les activités industrielles qui représentaient plus de 30% du PIB sont tombées à 10% , ce qui est dérisoire, obligeant le pays à importer l’essentiel de ses produits d’équipement courant.
La France a développé certes une très belle industrie du luxe , devenant même champion du monde , la France a réussi a conservé une belle industrie agro-alimentaire, automobile , aéronautique et navale .Ce n’était pas cher et tout le monde était content jusqu’au jour où on s’est aperçu que certaines importations devenues obligatoires étaient en risque de rupture , de pénurie ou même de fièvre inflationniste . Pour des raisons politiques , techniques, et financières , certains de nos fournisseurs pouvaient parfaitement nous couper les approvisionnements et mettre certaines filières en difficulté, comme pendant le covid où l’on ne trouvait plus de composants électroniques ou de médicaments.
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Face à ce risque là, mais aussi face à la nécessité de réanimer des activités industrielles dans des régions abimées socialement par la crise , les responsables politiques se sont lancés dans de stratégies de relocalisation industrielle. La communication est facile à faire passer et la promesse peut être séduisante.
La réalisation , en revanche, risque d’être un peu plus délicate. Emmanuel Macron a enfourché ce cheval de bataille . Après avoir rêve de faire de la France une startup nation , il cherche à reconstruire un appareil industriel . Il y a moins d’un mois , il inaugurait une première méga-usine de batteries électriques dans le nord de la France après avoir un peu forcé la main des constructeurs automobiles européens . Cette semaine , il perçait l'abcès dans la pharmacie en décidant d'affranchir l’industrie d’une dépendance coupable à l'égard de la Chine . Au total , la France devrait pouvoir construire sur son sol près de 400 médicaments essentiels à la santé et à notre indépendance.
Ces initiatives-là sont intéressantes certes , à conditions qu’on explique les conditions de la mutation , les efforts et les changements que ça implique notamment chez les consommateurs . Sinon ces projets de délocalisation finiront en fantasme politique.
1er point : les délocalisations ne relèvent pas d’une religion universelle parce que les échanges internationaux sont très utiles pour optimiser les intérêts de chacun . Les lois du marché au niveau international ne sont pas forcément perverses , elles rencontrent parfois des acteurs qui , eux, sont pervers.
2e point ; le protectionnisme est envisageable pour protéger certains intérêts stratégiques mais dans la grande majorité des activités , le protectionnisme porte le risque d’appauvrir le pays et de l’asphyxier . On a toujours intérêt à jouer les partitions qu’on connait le mieux et à profiter des avantages comparatifs. La concurrence est facteur de progrès . Le problème est d’équilibrer les échanges.
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A priori , la relocalisation n’est envisageable qu’à deux conditions :
1ère condition, la relocalisation est souhaitable quand la source d’approvisionnement appartient à un pays sensible capable de tout couper au mépris des contrats signés.
Dans ce cas, la souveraineté est menacée. Quitter la Chine n’est pas aberrant dans la mesure où la Chine n’a pas respecté ses engagements et notamment la réciprocité des accords avec les Occidentaux. Elle est obligatoire quand le pays est en guerre en dépit des traités internationaux comme c’est le cas de la Russie .
Donc les Occidentaux ont raison d’essayer de s’affranchir des pays vendeurs d’énergies fossiles ou de certains pays autoritaires , la Chine et la Russie . Les Occidentaux n’ont pas d’autre choix que de vouloir se doter d’usines pour fabriquer les batteries , les puces électroniques et les médicaments
2e conditions , la relocalisation implique d’expliquer les conséquences pour le consommateur parce que la « délocalisation » à un coût . Ça coûte forcément plus cher de fabriquer des médicaments en France que de les importer de Chine . Il va donc falloir les payer plus cher . Qui va payer dans le cas du médicament , des batteries , des puces ? Évidemment les consommateurs , directement à la caisse du magasin ou par le biais des impôts .
Le coût de la délocalisation va s’ajouter au cout de la transition écologique . Fabriquer en France et dans des conditions « vertes et décarbonées » sera forcément financé par le consommateur . Le gouvernement n’a pas été assez clair sur ce point . Les militants de la souveraineté et des relocalisations sont complices des militants écologistes. Ils sont coupables de ne pas reconnaitre que cette mutation va coûter extrêmement cher et nécessitera des choix nécessaires mais douloureux.
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