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Les ravages du simplisme : quand Valls et Hollande tombent dans l'indignité en dénonçant celle de leurs opposants au mépris de toute analyse de fond
©Reuters

C'est celui qui dit qui l'est

Ce dimanche, dans l'interview politique du JDD, Manuel Valls s'en est pris à ceux qui, à droite, ont critiqué l'action gouvernementale suite au carnage de Nice, allant jusqu'à comparer la "dignité d'Anne Hidalgo après les attentats de janvier et de novembre et l'attitude de Christian Estrosi"

Roland Hureaux

Roland Hureaux

Roland Hureaux a été universitaire, diplomate, membre de plusieurs cabinets ministériels (dont celui de Philippe Séguin), élu local, et plus récemment à la Cour des comptes.

Il est l'auteur de La grande démolition : La France cassée par les réformes ainsi que de L'actualité du Gaullisme, Les hauteurs béantes de l'Europe, Les nouveaux féodaux, Gnose et gnostiques des origines à nos jours.

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Atlantico : Le procès en indignité que font Valls et Hollande à la droite suite à certaines réactions (Estrosi, Juppé, Sarkozy, Ciotti, Guaino, etc.) après Nice n'est-il pas tout aussi indigne dans son excessivité ? 

L'ampleur du drame de Nice aurait mérité, diront les uns, une trêve de recueillement et de respect pour les victimes. D'autres diront que tout cela est de bonne guerre en période pré-électorale.

La droite a pu craindre qu'une atmosphère de deuil national  autour de cérémonies présidées par les plus hautes autorités de l'Etat , ne profite à François Hollande, dont la cote avait, on s'en souvient,  sensiblement remonté après l' attentat de Charlie. Et convenons que ce genre d'effet serait un peu injuste !

En matière de communication et spécialement de communication politique, le premier qui parle donne sa tonalité à l'événement. Pour éviter que le chef de l'Etat ne tire indûment avantage de la situation, il fallait le mettre en cause sans attendre - et mettre en cause son gouvernement. La droite le savait et elle l'a fait. Il lui fallait en même temps éviter d'abandonner le terrain à Marine Le Pen, ce qui serait arrivé sans doute si les Républicains étaient restés sur la réserve.

Quant au fond, il n'est pas facile de savoir si cette mise en cause est juste :  il faudrait pour cela que l'enquête soit plus avancée.

Il est vrai que la réorganisation permanente qui a été imposée à nos services de police et de renseignement depuis plusieurs années a sa part de responsabilité comme je l'explique par ailleurs. Toute réorganisation se traduit par une perte d'efficacité pendant  plusieurs mois voire plusieurs  années. Ces réorganisations ont commencé sous Sarkozy, elles ont continué avec Hollande qui a, par exemple, séparé le Direction générale de la sécurité intérieure (et donc l'antiterrorisme) de la police nationale. On lui reproche par ailleurs d'avoir appliqué l'état d'urgence avec mollesse et aussi d'en avoir profité pour persécuter une extrême-droite inoffensive,  ce qui est vrai. Dans sa dernière déclaration, il la compare à Daesh , ce qui n'est pas soutenable.

Il est aussi un sujet qui fait l'objet d'une omerta parce que droite et gauche sont compromis, c'est l'aide que les gouvernements français successifs ont apporté aux djihadistes de Syrie (armes, entraînement, logistique) pendant cinq ans. Ce ne sont pas forcément les mêmes qui ont commandité ou commis l'attentat de Nice mais l'idéologie djihadiste que nous avons aidée à se développer en Syrie  a créé un état d'esprit favorable à l'échauffement de certains esprits. Il est question que le général qui a organisé depuis l'Elysée ces opérations foireuses, je dirai même déshonorantes ( et qui revenaient en fait à faire la guerre aux chrétiens d'Orient), soit élevé bientôt à la fonction de Grand Chancelier de la Légion d'honneur. Je connais beaucoup de membres de l'Ordre qui en seront choqués.

Maintenant, sur le plan strictement technique, il est difficile de dire quelle est la responsabilité exacte du gouvernement tant que l'enquête ne nous a pas davantage instruit sur le tueur.

S'il s'agit d'un "loup solitaire", tous les spécialistes de l'antiterrorisme vous diront que leur détection est très difficile. Vous connaissez le mot de Fouché. Napoléon lui demandait s'il était sûr qu'il ne se tramait pas d'attentat contre lui. Fouché rappondit : "Sire, s'il y a deux comploteurs, je serai informé, mais  s'il n'y en a qu'un , hélas, je ne suis pas sûr de l'être" . Et il est vrai que des centaines, voire de milliers de fous, excités par la propagande islamique mais sans relation directe avec des réseaux , sont dans la nature. La police en a repéré beaucoup mais pas tous.

En revanche si cet  individu a exécuté un ordre, s'il a agi en réseau, alors on peut s'étonner que la détection en amont  ne soit pas plus efficace après un an et demi d'attentats.

Quant à la réponse de Valls, elle est de bonne guerre aussi. Je suis d'accord avec vous: elle est d'une agressivité excessive mais c'est le style de Valls et  hélas, d'une partie de la gauche qui a l'habitude de la véhémence idéologique. 

Manuel Valls met notamment en garde contre le risque de "trumpisation des esprits"de certains à droite qui seraient tentés, selon un proche de François Hollande qui s'est confié au JDD, "d'en terminer avec la présence des immigrés et des musulmans." A quel point cette prétention à vouloir vivre dans un monde noir et blanc, mettant en opposition des méchants (la droite, qui, selon leurs dires, souhaiteraient qu'il n'y ait plus de musulmans en France) et des gentils (eux, avec leur credo du "circulez, il n'y a rien à voir") est-elle dangereuse ? 

La droite voudrait  profiter de la psychose des attentats pour remener à elle une grande partie de l'opinion publique, ce qui est en partie fait,  et surtout l'empêcher d'aller vers le Front national, en criant plus fort que lui, ce qui n'est pas garanti.

Les accusations de la droite souffrent d'une faiblesse: au vu du bilan des gouvernements qui ont précédé Hollande, on peut se demander si elle aurait fait mieux, sinon dans cette affaire particulière, du moins en général en matière de contrôle de l'immigration et de prévention du terrorisme.

Le parti socialiste poursuit, quant à lui, sa stratégie de type Terra Nova:  devenir le parti de toutes les minorités, spécialement des immigrés musulmans.

Il a beaucoup perdu sur ce terrain à la suite de la loi Taubira qui a indigné les musulmans encore plus que les catholiques.

Pour remonter la pente, le Parti socialiste ne recule devant rien, comme des atteintes graves à la laïcité : ainsi  l'invitation de notables et d'employés musulmans (comment sait-on qu'ils sont musulmans ? Les a-t-on fichés ?)  à l'Hôtel de Ville de Paris pour fêter la fin du ramadan. Hollande fait mine de croire que la droite mettrait à la mer les 6 ou 7 millions de musulmans qui sont en France, ce qui est absurde. Ayant épuisé son crédit auprès de la classe ouvrière, puis des fonctionnaires et peut-être même  des bobos, les trois viviers électoraux successifs qu'elle avait cultivés , la gauche compte à présent sur les musulmans qui vont en effet devenir de plus en plus nombreux. Ce faisant, elle joue le jeu dangereux du communautarisme et de la division du pays.

Valls fait preuve d'une autre forme d'irresponsabilité en parlant de la "trumpisation" des esprits. Réalise-t-il qu'il sera peut-être obligé dans six mois de rencontrer Donald Trump président des Etats-Unis? 

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