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Les premières victimes du Brexit n’attendent plus de miracle de Theresa May et font le calcul des dégâts...
©ROSLAN RAHMAN / AFP

Brexit

Theresa May a encore dix jours pour éviter un Brexit sans accord. Personne ne se fait d’illusions et tout le monde calcule ce que va lui coûter le Brexit.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Il reste donc moins de 10 jours à Theresa May pour éviter un « no deal ». Elle devrait sans doute présenter son projet pour la 4ème fois au Parlement qui l’a déjà rejeté 3 fois... Elle doit surtout imaginer une version qui lui permettrait de dégager une majorité. L’exercice relève de la solution miracle. Elle reconnaît en privé ne pas avoir le moyen de sortir avec un nouvel accord qui mettrait le Parlement et la Commission de Bruxelles au diapason. Donc tout le monde maintenant se prépare au scénario « no deal ».

Theresa May a perdu la main et le conservateur Olivier Lewin a bien essayé de dégager des alternatives de dernièreminute, mais il n’a pas réussi à clarifier la situation. Aucune des huit solutions qu’il a proposées n’a retenu l’attention des parlementaires.

Le conservateur Ken Clarke a proposé hier un schéma qui a été repoussé à seulement 8 voix... Ce qui permettrait de penser qu’on pourrait éventuellement trouver un compromis. Mais il faut décidément être très optimiste. Parce que si Ken Clarke trouve une majorité, il faudra aller à Bruxelles pour obtenir un nouveau délai qui permettrait de se préparer pour un Brexit négocié. A ce moment-là, le délai pourrait être repoussé au 22 mai. Cela dit, c’est véritablement compliqué.

Encore faudrait-il que Theresa May consente à une telle solution de compromis. Non seulement un maintien dans une union douanière avec l'UE irait à l'encontre du manifeste sur lequel s'est engagé le parti conservateur, mais il ne manquerait pas de faire hurler les hard Brexiters du parti qui rêvent au contraire de rendre au Royaume-Uni sa liberté pour qu'il puisse à l'avenir nouer des accords commerciaux avec d'autres pays.

Dans cette hypothèse, il est possible que les hard Brexiters reviennent vers la version Theresa May. Avec un raisonnement un peu tordu mais plausible, à savoir : « mieux vaudrait le Brexit avec Theresa May que pas de Brexit du tout. Ce qui leur pend au nez.

Autre scénario : adopter la proposition de la travailliste Margaret Beckett qui réclame l’organisation d'un référendum pour tout accord de retrait (qui n'a été rejeté mercredi dernier qu'avec 27 voix d'écart) ou alors que le gouvernement convoque des élections anticipées. Dans un cas comme dans l'autre, l'UE pourrait accorder à Londres un report long. On parle de 9 mois, 12 mois ou 21 mois.

Revers de la médaille, les électeurs devraient alors participer aux élections européennes de la fin mai. Assez rocambolesque comme situation. Ce qui ne serait idéal pour personne. Ni pour les Anglais, ni pour les Européens.

En attendant, les Britanniques sont de plus en plus nombreux à se moquer de leurs députés, et même à trouver le système honteux. Parlement, monde des affaires, industrie… Tous sont complètement désarmés et prévoient donc un hard Brexit.

Du coup, au niveau macro économique, les effets commencent à s’en faire sentir avec des investissements(enpanne) et une croissance faible. Le maintien de l’emploi fondé sur la consommation et les petits jobs fait l’objet d’un trompe l’œil, parce qu’au niveau micro-économique, on commence à compter les victimes.

Les 1ères victimes : les moyens de transports, Eurotunnel et Eurostar, Brittany ferries et Easyjet estiment que les dégâts seront importants.Il faudra s’adapterà la nouvelle donne, mais on est loin d’y être prêt.

Les douaniers français qui réclament des moyens supplémentaires et ont entamé une grève du zèle qui dure encore et toujours, histoire de montrer que la nouvelle donne va amener un surcroit de travail et beaucoup de retard à Calais, St Malo, le Havre ou Ouistreham.  A Londres, tout le monde est déjà en retard compte tenu des délaisd’attente qui dépassent les 5 heures.

Par ailleurs Ryanair (compagnie irlandaise) et EasyJet(compagnie anglaise) ont engagé une campagne de lobbying intense pour que les négociations sur un nouvel accord sur le transport aérien soient engagé.

le directeur général de Ryanair, Michael O'Leary a annoncé le gel des créations d'emplois en Grande-Bretagne où elle opère depuis 19 aéroports. Et la compagnie envisage même, en cas d'échec des négociations, qu'il n'y ait plus de vols vers et en provenance du Royaume-Uni à partir de ce printemps. Easyjet est dans la même situation avec une captivité et des résultats en forte baisse.

Les 2evictimes touchent à l’agro- alimentaire.La production et la distribution se préparent à un bouleversement. Un tiers de ce que mangent les Britanniques vient de l'Union européenne. Le Brexit dur fera flamber le coût de l’alimentation des Britanniques et les pousser vers la malbouffe américaine. En étant dans l’Union européenne, la Grande Bretagne avait choisi de mettre le paquet sur l’industrie financière,la chimie et les avions plutôt que les pommes de terre et les céréales. D’où la flambée structurelle des importations. Avec le Brexit, il va falloir réorganiser de fond en comble le système de production et d’approvisionnement en biens alimentaires.

Parallèlement, il faudra aussi assumer l’enjeu financier. Les marchandises importées de pays membres de l'Union européenne ne subissent pas de droits de douane et bénéficient d'une TVA simplifiée. Avec le Brexit, il faudra répercuter les droits de douane basiques de l'Organisation mondiale du commerce. Résultat : une augmentation moyenne de 22 % du coût du produit importé. Les problèmes financiers vont toucher les agriculteurs qui ne percevront plus les aides, et les 80 000 saisonniers, sans parler des emplois dans l’industrie de transformation qui sont occupés par des immigrés dont la Grande Bretagne ne veut plus.

Les 3evictimes sont dans l’industrie du médicament ou sont directement les consommateurs de médicaments. L’Agenceeuropéenne des médicaments (AEM) a en effet décidé de cesser de passer des contrats avec le Royaume-Uni depuis sept mois. Du coup, comme tous les médicaments vendus en Europe sont soumis à un long processus d'autorisation avant d'être mis à la disposition des services de santé, l’industrie pharmaceutique se retrouve bloquée.Du côté des importations de médicaments que les Aanglais ne produisent pas, les pharmacies sont en risque de pénurie. C’est vrai notamment pour l’insuline que les anglais diabétiquesont commencéàstoker.

Les 4evictimes,les accrocs au téléphone portable et à Netflix. La première des conséquences concrètes pour les consommateurs britanniques et européens concerne l'itinérance, soit la faculté d'utiliser le réseau d'un opérateur de téléphonie mobile à l'étranger. Le service, actuellement gratuit pour les consommateurs au sein de l'UE, engendrera des frais en cas de "no deal" pour les voyageurs franchissant la Manche ou la frontière irlandaise. 

Même problème pour l'usage de cartes de paiement, qui devrait entraîner des frais supplémentaires.

Les consommateurs qui achètent en ligne verront leurs frais augmenter parce que les colis livrés depuis le continent ne pourront plus prétendre à une TVA allégée. Le gouvernement britannique a prévenu sa population qu'elle pourrait perdre l'accès à certains services de streaming, comme Netflix ou Spotify, quand ils voyageront dans l'Union européenne. 

5e victime, les banques et leurs clients.Les banques de la City ont déjà payé le prix fort des incertitudes du Brexit. Mais pas seulement, tous les observateurs savent que le malheur d’une grande banque est systémique.

Le vote du Royaume-Uni en faveur d’un référendum de sortie avait déjà fortement abimé les banques britanniques. Les incertitudes concernant les modalités de sortie ont encore aggravé leur fragilité.

Leurs concurrentes de la zone euro ont fait à peine mieux, en particulier les banques françaises – Société générale, BNP Paribas, Crédit agricole et Natixis – qui ont vu près d’un cinquième de leur capitalisation boursière s’envoler en fumée.

Et les banques américaines – Morgan Chase, Bank of America, Citigroup, Goldman Sachs, Morgan Stanley – se sont retrouvées elles aussi très fragilisées.

Ce qui perturbe le jeu, c’est le risque de perdre le passeport européen en cas de Brexit dur sans accord.

Jusqu’à présent, en effet, les entreprises financières basées au Royaume-Uni disposaient d’un « passeport européen » leur permettant de vendre sans entrave leurs produits sur l’ensemble du marché unique. Si elles devaient, demain, en être privées, beaucoup d’entre elles – anglaises ou américaines – seraient obligées de créer une filiale dans le marché unique pour y poursuivre leurs activités.

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