Les Occidentaux ont acquis la conviction que les dirigeants chinois ne soutiendront pas Poutine pour ne pas casser les courants d’affaires<!-- --> | Atlantico.fr
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Xi Jinping et Vladimir Poutine lors d'une rencontre en marge des JO d'hiver de Pékin.
Xi Jinping et Vladimir Poutine lors d'une rencontre en marge des JO d'hiver de Pékin.
©ALEXEI DRUZHININ / SPOUTNIK / AFP

Atlantico Business

En dépit de certains analystes, les Chinois n’interviendront pas en soutien à la Russie. Pas question de se fâcher, ni avec les Européens, ni avec les Américains. Pour des raisons très simples et évidentes.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Tous les marchands de la peur en étaient pourtant convaincus. La guerre en Ukraine et la réaction unanime des Occidentaux allaient scinder la planète en deux camps irréconciliables. Le camp du bien, porteur des valeurs de liberté individuelle avec l’ensemble des pays européens et toute la sphère sous influence américaine. Et d’un autre côté, le camp du mal, habité par des partisans de l’autoritarisme dont la Russie et la plupart des dictatures dont la Chine. Les Américains, notamment, nous expliquaient que l’aventure des Russes en Ukraine allait servir de laboratoire aux Chinois qu’on a toujours soupçonnés d’impérialisme sur le sud-est asiatique et surtout de vouloir mettre la main sur Taiwan, comme ils l’ont fait sur Hong Kong. 

En réalité, les choses ne se passent pas exactement comme les experts de la géopolitique nous l’ont expliqué. On avait compris que les rapports de force internationaux, sont déterminés par des considérations historiques, culturelles, religieuses et idéologiques, d’où ce partage du monde entre ceux du bien et ceux du mal.

Mais à l’évidence, l’explication s’avère un peu courte. Les rapports géopolitiques dépendent énormément des situations géographiques et démographiques et par conséquent, économiques.

Vladimir Poutine aura sans doute beaucoup de mal à sortir vainqueur et grandi de son aventure en Ukraine. Il s‘est trompé sur la capacité des Ukrainiens à lui résister, il a très certainement surestimé ses forces militaires, son organisation et les talents de son entourage. Il a surtout été surpris par l’hostilité générale de l’Occident à l’égard de son initiative et encore plus sidéré par l’ampleur et l'effet des sanctions économiques et financières qui, d’ordinaire, avaient peu d’impact.

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Il s’est trompé, d’autant plus qu’il pensait bénéficier du soutien de certains pays voisins. La Chine, par exemple, dont les dirigeants avaient été prévenus avant tout le monde des modalités de l’invasion de l’Ukraine, en promettant qu’il s’agissait d’une opération militaire qui serait bouclée en quelques jours.

Les dirigeants chinois, autant qu’on le sache n’ont pas bougé. Officiellement « no comment ». Ils n’ont pas proposé d’aides matérielles, ils sont restés neutres à l’ONU et se sont abstenus, lors des votes, condamnant la Russie. En assemblée générale des Nations Unies comme au conseil de sécurité.

Mais plus grave encore : quand la Russie s’est mise à chercher des partenaires économiques et commerciaux pour compenser l’arrêt des relations commerciales avec l’Occident, Moscou n’a pas trouvé de clients pour son pétrole et son gaz du côté de Pékin. La Chine n’a pas davantage offert de moyens de crédit ou de monnaie quand le système Swift a été débranché.

Cette attitude, fondée sur une neutralité plutôt bienveillante, a surpris beaucoup d’investisseurs et d’entrepreneurs occidentaux qui, au regard de ce qui se passait avec la Russie, étaient en train de reconsidérer toutes les relations qu’ils pouvaient avoir avec un pays non démocratique et par conséquent, un pays qui risquait ou de faire « défaut » au niveau des paiements, ou de ne respecter ni le droit commercial des contrats, ni à fortiori des droits de l’Homme les plus élémentaires.

Le monde des affaires était en train de se convaincre que l’affaire russe apportait la preuve que l’avenir du commerce n’était envisageable que dans des pays amis ou respectueux du droit international.

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Donc si on sortait de la Russie, pour cause des sanctions, on devait se préparer à sortir également de la Chine parce que la Chine n’a jamais donné de garanties de stabilité et de loyauté envers les systèmes économiques fondés sur la liberté inhérente à l’économie de marché. En bref, entre le Covid et la politique russe, les Occidentaux se faisaient à l’idée que la mondialisation allait changer de périmètre.

L’évolution même de la mondialisation, telle qu’elle avait été définie et conceptualisée à Davos il y a plus de 20 ans, était compromise à partir du moment où les accords de réciprocité n’avaient pas été respectés, ce qui est le cas.

Non seulement la Russie a piétiné les bases du droit international, en ne respectant pas les frontières d’un Etat souverain comme l’Ukraine, mais la Chine, de son côté, n’a pas ouvert son marché aux Occidentaux comme elle s’y était engagée en signant la charte de l’OMC au début des années 2000. Les militants de la mondialisation à tout prix se seraient trompés. 

Or, la position actuelle des Chinois par rapport à Moscou, autorise les mondialistes à penser que leur projet de construire un monde qui peut continuer de coopérer en multipliant des échanges économiques, ce monde-là n’est pas forcément condamné.

La Chine a sans doute intérêt au statu quo.

Les Chinois n’ont pas, pour autant, changé d’idéologie. Ils restent les enfants de Marx et de Mao Tse Toung et sur le terrain politique ; ils sont même de plus en plus durs. Mais sur le terrain de l’économie, les Chinois sont avant tout des pragmatiques (contrairement aux Russes qui sont plus dans l’idéologie). Ils ne prendront donc pas parti pour trois raisons : 

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D’abord, ils ne peuvent pas se permettre un conflit avec les Occidentaux. Ils ont trop besoin des marchés occidentaux pour survivre. Les Chinois sont devenus, depuis 20 ans, l’usine du monde occidental. Les Chinois travaillent pour pas cher certes, à l’aulne des habitudes occidentales, mais ce travail est indispensable à leur survie. Ils ont 3 milliards d‘êtres humains à sortir de la misère. Leur exploit depuis 20 ans est d’avoir éradiqué les risques de famine. Ils sont encore loin d’avoir donné à la majorité des Chinois le niveau de vie minimum dont bénéficient les Occidentaux et auquel ils aspirent, parce que même si la presse est muselée, ils savent ce qui se passe ailleurs.

Les dirigeants chinois ont parfaitement intégré la nécessité d’apporter au peuple les moyens de survivre et de faire fonctionner les ascenseurs sociaux. D’où la porte ouverte aux mécanismes d’économie de marché. 

Ensuite, Pékin a déjà fort à faire pour sortir des problèmes de la Covid 19 qui a dévasté l’économie de villes comme Shanghai (28 millions d’habitants) ou de Shenzhen (capitale de l’industrie et de la création de richesse). Les dirigeants ne prendront aucun risque de subir les sanctions occidentales. L’idée même que les sourceurs de Woolmark, le plus gros client de la Chine, soient obligés de quitter la Chine seraient pour eux une pire catastrophe qu’un tsunami. Donc pas question d’aller proposer aux Russes de leur acheter le gaz que les Allemands vont refuser d’acheter si le conflit continue.

Enfin, les Chinois n‘ont pas très envie d’aider les Russes avec lesquels ils n’ont pas beaucoup d’affinités. Les ethnies sont différentes, la frontière commune est trop longue et dans leur histoire, les grandes invasions sont venues du Nord-est. La muraille de Chine en atteste. Donc les régimes politiques sont cousins germains certes, mais les conditions naturelles, démographiques, les richesses naturelles sont tellement différentes, que ces peuples ne s’embrasseront jamais sur la bouche.

Ce qui est très intéressant et c’est passé inaperçu :la neutralité des Chinois va maintenant jusqu'à refuser de proposer aux oligarques de se réfugier à Hong kong ou à Shanghai. Les oligarques blacklistés par l’Occident se sont réfugiés en Israël pour les plus clean, à Dubaï pour ceux qui le sont moins, en Thaïlande, aux Seychelles ou à Saint martin pour ceux qui ont des bateaux de croisière.

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