Les obsédés de la croissance faible sont de retour des deux côtés de l’Atlantique (et ce que nous apprennent leurs tours de piste précédents) <!-- --> | Atlantico.fr
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L'idée d'une stagnation durable s'imprime comme une malédiction.
L'idée d'une stagnation durable s'imprime comme une malédiction.
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Besoin de productivité

Le défaitisme socio-économique n'est pas une tendance que l'humanité connaît pour la première fois. Alors que l'idée d'une stagnation durable s'imprime comme une malédiction, la voie de la croissance est pourtant connue : il est nécessaire d'améliorer notre productivité.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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En novembre dernier, l’économiste  et  ancien secrétaire au Trésor des Etats Unis Larry Summers intervenait lors d’une conférence du FMI pour y évoquer sa vision de l’avenir. Et selon Summers, le futur n’est pas rose, la croissance telle que nous avons pu la connaître est morte. Ne reste qu’une  stagnation séculaire pour seul  projet.

Cette idée de stagnation séculaire n’est pourtant pas nouvelle, elle fut "popularisée" par l’économiste Alvin Hansen dans les années 30 dans un ouvrage intitulé "Full recovery or stagnation". Hansen indique que le ralentissement démographique alors en cours, couplé à une faiblesse de l’investissement ne pourra pas permettre de donner du travail à chacun. Hansen deviendra conseiller de F.D. Roosevelt et plaidera pour la mise en place de plans de relance, ce qu’il obtiendra.

Plus loin encore en 1843, Henry Ellsworth annonçait déjà la fin de l’ingéniosité humaine dans un rapport destiné au congrès des Etats Unis. Cette capacité au défaitisme n’est donc pas nouvelle, elle s’inscrit dans le temps. Bien souvent lors de périodes économiques moroses. Une tendance qui laisse présager surtout une volonté d’extrapoler sur le long terme ce qui est vécu à un moment donné. Cette fois ca y est, nous sommes foutus.

Une tendance qui n’est pas du seul fait des Etats Unis. Le Japon a ainsi pu verser dans le déclinisme lors de son entrée en crise lors des années 90. Même si cette crise fut longue, plus de 20 ans, elle a surtout été le résultat d’erreurs de politique économique plutôt que d’une quelconque fatalité. De plus, la réalité de la crise japonaise est que le PIB par habitant a continué de croître sur les mêmes bases que les Etats Unis. L’enjeu démographique a été ici une forte puissance motrice à un déclin qui est aujourd’hui en voie d’achèvement.

Et cette chronique d’un déclin annoncé est en train de s’installer dans l’Europe d’aujourd’hui. Après avoir passé 6 années embourbée dans le chômage et la croissance zéro, l’idée de la stagnation séculaire fait son chemin. Ce qui permet assez efficacement de rejeter la faute sur la fatalité. C’est comme ça, on y peut rien. La rhétorique est pratique mais peu convaincante.

Car la croissance se compose principalement d’un facteur démographique et d’un facteur de productivité. C’est-à-dire le nombre d’heures travaillés dans une économie d’une part, et d’autre part la quantité de biens ou de services produits par heure de travail.

S’il est un fait que la démographie des pays occidentaux n’est pas  enthousiasmante, des pays comme les Etats Unis, le Royaume Uni, les nordiques ou la France affichent encore de beaux restes. Ici pas d’inquiétude. Pour le Japon ou l’Allemagne, le problème est par contre plus net. Moins de personnes au travail, moins d’heures travaillées. Mais ces deux pays mobilisent leurs forces afin d’inciter les populations à travailler plus.

La relance de l’activité au Japon a ainsi pour but de rendre le marché de l’emploi à nouveau attrayant. Dès lors que le plein emploi est atteint les salaires peuvent se remettre à progresser, ceci dans l’objectif avoué d’inciter les catégories non actives (Pour schématiser, au Japon, ce sont les femmes qui sont visées) à venir grossir les rangs de la population au travail. De la même façon, en France et en Allemagne, les populations seniors affichent de plus en plus leur volonté de participer au marché du travail.

Il est également vrai que les heures passées au travail ont considérablement été réduites au cours des 30 dernières années. En France, le temps de travail a été réduit de près de 30%. Les marges de manœuvre existent donc. Si les politiques économiques visaient le plein emploi, il ne serait pas nécessaire de pousser beaucoup les salariés pour travailler plus. La perspective de gagner plus suffira à provoquer un redressement des heures travaillées. Mais pour cela, il faut une demande de travail.

Reste la question de la productivité. C’est-à-dire de la quantité de production pour une heure de travail. Si la productivité augmente et que le nombre d’heures travaillées augmente, la croissance en bénéficie. Et selon les économistes Erik Brynjfolsson and Andrea McAfee, il n’y a pas beaucoup de soucis à se faire de ce côté. Dans leur dernier ouvrage, "le deuxième âge de la machine", les deux auteurs indiquent que si la croissance est fonction du progrès technologique, il est avéré que ce progrès est aujourd’hui exponentiel. La digitalisation, la robotique, l’automatisation, subissent une révolution telle que la productivité ne peut être envisagée que sous un jour optimiste.

"Les ordinateurs vont continuer à être améliorés et feront des choses nouvelles, sans précédent. Nous voulons tout simplement dire que les éléments clés sont déjà en place pour que les technologies numériques permettent une transformation aussi importante de la société que celle permise par la machine à vapeur. En bref, nous sommes à un point d'inflexion, à un point où la courbe commence à se plier, grâce aux ordinateurs. Nous entrons dans un deuxième âge de la machine". A moins de se résoudre à penser une nouvelle fois que tout a déjà été inventé.

Productivité, démographie rien ne sert de se convertir au déclinisme. Le facteur essentiel est d’inciter le développement, notamment au travers de politiques de plein emploi. Car c’est en donnant des perspectives à la population, un horizon, que la volonté d’investir, de travailler plus prendra le dessus. Ce n’est pas en promettant le chômage et des heures de travail en baisse pour un salaire stagnant que la population sera entrainée vers l’avant.

Il est bien plus probable que les erreurs économiques des trente dernières années ont entrainé de faibles taux de croissance. Ce sont bien ces chiffres déprimants qui ont contraint les populations à s’adapter à cette "nouvelle donne" et non l’inverse. La fainéantise n’est pas une mode, c’est le sous-travail qui est une contrainte réelle. Travailler moins pour gagner moins n’est pas une incitation. Une politique de plein emploi est sans aucun doute le facteur essentiel à considérer pour permettre un tel bouleversement des mentalités.

Dans un discours de campagne de septembre 1932, Franklin Delano Roosevelt semblait baisser les bras en indiquant "les opportunités d’entreprendre se sont réduites"  "Notre outil de production existe, le problème est de savoir aujourd’hui s’il n’est pas trop important", et invoquait alors l’idée de stagnation en filigrane. En juin 1933, suite à l’abandon du bloc or, les Etats Unis se sont rapidement débarrassés de cette mauvaise idée. (Une politique de plein emploi se mène avant tout à l’échelon monétaire).

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