Les nouveaux intellos de gauche sont arrivés ! Un bon cru ? Non, de la piquette…

La cuvée du Beaujolais Nouveau 2015 s'annonce, selon les connaisseurs, "exceptionnelle". A partir du 19 novembre on pourra en boire jusqu'à plus soif. Mais la rédaction de l'Obs a décidé de prendre de vitesse ce bon vin rouge classique. C'est pourquoi elle a proposé dès le 5 novembre à ses lecteurs de connaître l'ivresse avec "les nouveaux intellos de gauche".

Avant de vous dire ce que c'est, quel goût ça a, quelle robe, quel parfum, l'Obs a choisi de spécifier ce que ça n'est pas. Sur sa "Une" un gros rond jaune (mais quand même pas l'étoile de la même couleur) prévient : "0% de Finkielkraut et de Zemmour !" 0% de matière grasse ! 0% de gluten ! 0% de pesticide ! Du light, du pur, du sain, du estampillé commerce équitable… La dégustation peut commencer.

Dans les vignes du Seigneur, celles de l'Obs, les raisins sont théoriquement petits et verts. Normal : il s'agit d'un vin nouveau. A y regarder de plus près ils sont desséchés et rabougris. Des raisins de Corinthe plutôt. Vieux, très vieux. Mais contrairement à de nombreux vins celui de la gauche Obs ne se bonifie pas avec l'âge.

Car même les jeunes grappes ont des barbes de Mathusalem. On comprend bien les motivations de l'hebdomadaire. Depuis un certain temps il fabriquait régulièrement des "Unes" avec les "nouveaux réacs" : Finkielkraut, Zemmour, Levy et dernièrement Onfray. C'était évidemment affreusement anxiogène. Et ça donnait l'apocalyptique impression que la bataille des idées était d'ores et déjà perdue.

Force donc était de redonner de l'espoir aux derniers défenseurs de la citadelle assiégée. Aux "nouveaux intellos de gauche" était donc dévolue une mission consolatrice et mobilisatrice. Nous avons goûté. Juste un tout petit verre dont la ressemblance avec l'eau de vaisselle est telle qu'on n'oserait même pas le proposer à un migrant de Calais. Nous avons commencé par le plus connu : Julien Coupat.

Le Che Guevara de Tarnac. Celui par qui l'insurrection tant désirée allait venir. Convaincu que le capitalisme qui avait inventé les chemins de fer périrait par les chemins de fer il avait, selon la police, détérioré des caténaires de la SNCF. Sa défense fut novatrice : il s'était rendu en voiture près d'une voie ferrée pour faire l'amour avec sa compagne ! D'après les spécialistes des étreintes révolutionnaires le passage d'un TGV a des effets sur la libido des militantes et militants anticapitalistes.

J'ai arrêté là ma dégustation. Je me suis contenté de humer, de flairer. Et je suis tombé sur un article qui conjuguait les vertus du "Capital" de Karl Marx, du "Que faire?" de Lénine, et du "Petit Livre Rouge" du président Mao. L'auteur (Laurent Binet n'est pas un inconnu car il vient de recevoir le prix Interallié) plaidait pour un "politiquement incorrect de gauche".

Et il en fournissait un exemple avec la sublime réplique d'un syndicaliste CGT à qui l'on faisait remarquer qu'un vigile avait été violemment tabassé lors des violences à Air France : "et alors ?". C'est vrai ça. On ne fait pas d'omelette sans casser des œufs et la révolution n'est pas un diner de gala. Tel est le "politiquement incorrect de gauche". Staline, Mao, Pol Pot : des dizaines de millions de morts "Et alors?". Etant timoré de nature j'ai choisi de ne pas prendre une cuite avec ce vin-là.