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Les leçons du remaniement
©PHILIPPE LOPEZ / AFP

Beaucoup de bruit pour rien

Deux longues semaines à attendre un nouveau gouvernement. Huit entrants (Castaner, Riester...) et quatre sortants (Nyssen, Mézard...). Retour sur un remaniement qui déçoit.

Les Arvernes

Les Arvernes

Les Arvernes sont un groupe de hauts fonctionnaires, de professeurs, d’essayistes et d’entrepreneurs. Ils ont vocation à intervenir régulièrement, désormais, dans le débat public.

Composé de personnalités préférant rester anonymes, ce groupe se veut l'équivalent de droite aux Gracques qui s'étaient lancés lors de la campagne présidentielle de 2007 en signant un appel à une alliance PS-UDF. Les Arvernes, eux, souhaitent agir contre le déni de réalité dans lequel s'enferment trop souvent les élites françaises.

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Leçon numéro 1 : « tout ça pour ça ! »

Ce remaniement, minime dans ses modalités, est bien à l’image du macronisme, qu’on peut résumer de la manière suivante « tout ça pour ça ! ». Un an et demi après son arrivée au pouvoir, tout le monde, y compris ses plus fidèles soutiens anglo-saxons, finit par se rendre à l’évidence : Emmanuel Macron, dans le droit fil de son prédécesseur, gère, mais ne réforme pas la France !

Pour ce qui est du remaniement proprement dit, c’est un mouvement purement technique. Aucun changement profond, aucune personnalité nouvelle d’envergure ! L’on touche ici à l’une des limites du macronisme : le fait que derrière Emmanuel Macron, il n’y a personne, ou quasiment personne, ce qui correspond à la congruence de deux éléments : l’un structurel qui est l’assèchement d’un vivier politique ou ne pataugent désormais plus – ou quasiment plus - que des médiocres ; l’autre plus conjoncturel qui est la trajectoire fulgurante d’Emmanuel Macron, qui est, en résumé, l’aventure d’un homme seul.

Leçons numéro 2 : il n’y a toujours pas de Premier ministre en France, pas plus d’ailleurs que de réel gouvernement

Au cours des dernières semaines, la presse dite « spécialisée » dans les affaires politiques, s’est évertuée à expliquer la lenteur des choses par une opposition naissante entre le Premier ministre et le Président de la République. Si besoin en était, la preuve est faite : avec aucune entrée de personnalités de droite autres qu’insignifiantes (à la culture par exemple), le Premier ministre, comme le Roi du conte d’Andersen, est nu ! Monsieur Philippe ne compte absolument pas, et il serait bien avisé de quitter le bateau de la macronie tant qu’il est encore temps de se rattraper aux branches d’une Mairie de Paris ou d’un grand poste européen !

La réalité est que, plus encore que ses prédécesseurs, Emmanuel Macron exerce un pouvoir solitaire. Le Premier ministre n’a aucun espace. Les Ministres, par ailleurs de faible envergure, n’ont aucun pouvoir. Il n’y a à la vérité rien que d’évident : sous François Hollande, Emmanuel Macron a bien vu qu’un Ministère en particulier avait une existence propre, celui de la défense. Il a donc, dès son arrivée, mis ce Ministère au pas.

En l’état, la France est dirigée par deux personnes, qui s’appuient directement sur les chefs de l’administration qu’ils ont nommés et/ou connaissent : Emmanuel Macron et Alexis Kohler. Entre eux et les français, il n’y a rien personne. C’est une situation dangereuse, et vouée à l’échec.

Leçon numéro 3 : le Ministère de l’Intérieur ne sera pas en mesure d’assurer à suffisance la sécurité des français.

Emmanuel Macron avait deux bons choix pour Beauvau, un mauvais. Les deux bons étaient de placer soit une personnalité « technicienne », par exemple un ex-grand flic comme F.Pechenard, soit une personnalité « politique » ayant suffisamment d’autorité. Le mauvais choix était de récompenser l’un des rares fidèles de la première heure, sans aucune réelle expérience du sujet, et sans envergure politique : c’est ce qui a été fait ! 

C’est une erreur grave pour deux raisons. La première, que tout le monde comprend, c’est qu’alors que la sécurité des français est menacée comme rarement, l’on ne prend pas les dispositions pour que le Ministère de l’Intérieur fonctionne au mieux de ses possibilités. La seconde, plus subtile, c’est que l’Histoire de la V em république montre que le régime dysfonctionne quand la liaison Beauvau/ Elysée est mauvaise. Elle l’était avec G. Collomb, Ministre falot qui a terminé comme l’on sait. Elle le sera avec C. Castaner.

A la vérité, cette nouvelle bévue d’Emmanuel Macron s’explique. Par construction intellectuelle propre, l’Inspecteur des finances qu’il est, enfant de la fluidité, bardé de succès économiques, ne s’intéresse pas aux sujets régaliens (migrations, islam, sécurité etc.), sauf quand il s’agit des oripeaux du Pouvoir incarné (d’où son intérêt pour les questions de défense). L’on se souvient de la réponse de Lionel Jospin à des journalistes « que voulez-vous que cela me fasse que l’Islam se développe en France ? ». Ensuite, Emmanuel Macron, depuis l’affaire Benala, veut mettre la police, qu’il estime responsable de cette crise, au pas.

Leçon numéro 4 : les socialistes détiennent les portefeuilles régaliens. 

C’est un élément important que tout le monde semble oublier. Si l’on prend les portefeuilles de la Défense (Mme Parly), de l’Intérieur (M.Castaner), des Affaires étrangères (M.Le Drian), de la Justice (Mme Belloubet), les quatre principaux ministres en charge des affaires régaliennes sont des personnalités clairement marquées par leur parcours (et pour certains par l’élection) au sein ou avec l’étiquette du parti socialiste. Il est particulièrement regrettable qu’alors même que c’est sur ce terrain que le parti socialiste au pouvoir a particulièrement pêché au cours des trois dernières décennies, pour le plus grand malheur des français, il se retrouve aujourd’hui, de fait, de manière indirecte, à la manœuvre.

Leçon numéro 5 : les difficultés à venir

Au final, la leçon essentielle de ce remaniement, c’est qu’Emmanuel Macron se replie sur un mini carré de fidèles. Il aurait pu essayer de redonner du souffle politique à son gouvernement en ouvrant à quelques personnalités ayant un peu d’envergure. Il a fait le contraire. Ceci veut dire qu’il se place en situation périlleuse pour les prochaines élections européennes. L’on dit que si le pouvoir corrompt le pouvoir absolu corrompt absolument. En l’espèce, l’isolement du Président se nourrit lui-même. C’est une mauvaise nouvelle pour Emmanuel Macron. C’est surtout une mauvaise nouvelle de plus pour la France et les français.

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