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Les JO 2024 vont briser le tabou de l'argent que vont gagner les athlètes
©LUDOVIC MARIN / AFP

Atlantico business

Pierre de Coubertin n’aurait pas aimé. Mais tout change. Pendant des années, parler d’argent aux Jeux olympiques était considéré comme grossier. Aujourd’hui, le tabou est levé. C’est une bonne chose, y compris pour ce qui concerne les athlètes eux-mêmes qui doivent gagner leur vie. Voici les chiffres clés.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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À l’origine, les Jeux olympiques créés dans la Grèce antique se voulaient complètement désintéressés. L’objectif était d’offrir au peuple d’Athènes une compétition sportive très élitiste où les questions d’argent étaient complètement interdites , y compris pour les principaux acteurs. Ils étaient sponsorisés et protégés, mais personne ne parlait de ces choses vulgaires. 

Pierre de Coubertin, qui a relancé les Jeux olympiques au début du 20e siècle en imposant le respect des idéaux de l’olympisme, avait exclu toute considération politique, sociale ou financière dans l’organisation des compétitions. 

Son objectif était de promouvoir le sport comme moyen de pacification et de solidarité internationale, mais aussi de protéger les liens sociaux dans les pays participants. Les Jeux de 1936 organisés à Berlin ont rompu avec cet idéal en offrant aux nazis l’occasion de narguer les peuples du  monde entier. Le scandale et la colère furent planétaires. 

Le monde a réagi après la guerre pour faire des Jeux olympiques un formidable contrepoids aux tentations autoritaires voire génocidaires. 

Pendant toute la deuxième moitié du 20e siècle, la préparation des Jeux olympiques a donné lieu à une surenchère de moyens considérables pour les organiser. Toutes les capitales du monde ont cédé à cette tentation et se sont lancées dans la construction d’équipements sportifs qui, sans les Jeux, n’auraient sans doute jamais vu le jour. Certains pays ou certaines villes ont profité de l’événement pour faire une démonstration très ostentatoire de leur puissance, au prix d’un endettement difficile à supporter. Mais dans l’ensemble, les équipements construits pour les Jeux ont trouvé leur utilité au bénéfice des populations locales. 

Cela dit, ce qui est intéressant, c’est que les Jeux de Paris marquent aujourd’hui ,un changement très notable dans le modèle économique des Jeux olympiques. 

1) Le premier changement est que ces Jeux seront financièrement plus « light ». Ils seront sans doute les premiers Jeux qui n’auront pas donné lieu à des investissements sportifs considérables, car la France est déjà équipée en stades, en salles et plus généralement en lieux pour organiser les compétitions. Le village olympique à Saint-Denis est un ensemble principalement composé d’habitations qui seront recyclées au bénéfice des habitants après les Jeux. C’est tout bénéfice . 

Par ailleurs, la région Île-de-France en a profité pour investir dans des moyens de transport qui auraient de toute façon été engagés. L’essentiel des dépenses olympiques sera consacré à l’organisation, la promotion et la sécurité. Au total, la facture devrait atteindre les 10 milliards d’euros, soit deux à trois fois moins que les investissements engagés par Tokyo, Mexico, Los Angeles, dont les dettes ne sont pas toutes encore épongées aujourd’hui. De plus, ces investissements seront couverts aux deux tiers par les sponsors et surtout par les retombées économiques, principalement dans l’industrie touristique, puisqu’on attend plus de 15 millions de visiteurs supplémentaires à Paris l’été prochain.

2) Le deuxième changement est que le climat international va obliger ces Jeux à sortir de la neutralité politique. Pas question de reproduire les erreurs de 1936. Les conflits en Ukraine et l’agression russe au mépris du droit international, la guerre en Palestine entre Israël et le Hamas, tous ces événements placeront les organisateurs et le gouvernement français dans une situation délicate. Le président français, qui demande un cessez-le-feu sur les théâtres de guerre pendant au moins la durée des Jeux, ne sera probablement pas entendu. Il faudra gérer la protection des lieux, des hommes et des femmes qui participent aux compétitions ainsi que des visiteurs contre les actes de terrorisme. Enfin, il faudra assumer l’interdiction faite aux pays autoritaires, notamment la Russie, de participer aux manifestations en tant que nation russe, tout en ne pénalisant pas les athlètes. Mais comment autoriser un athlète russe ou iranien à participer aux compétitions et à remporter des médailles tout en les empêchant d’afficher leur nationalité ? Les Jeux olympiques permettent la cohabitation pacifique de nations souveraines différentes, mais n’évitent pas, au moment des podiums, la comparaison des performances entre différentes souverainetés. L’idéal de Pierre de Coubertin a toujours été difficile à respecter. 

3) Le troisième changement est que l’argent des athlètes n’est plus un tabou. Il y avait beaucoup d’utopies à croire, comme Pierre de Coubertin, que les athlètes devaient être durablement bénévoles. Coubertin évoluait à une époque où la compétition sportive était réservée aux aristocrates riches. On s’est rapidement rendu compte après la guerre que la pratique du sport de haut niveau coûtait cher, entre les entraîneurs, les préparateurs, les médecins, les psychologues... Mais le sport en général est devenu une activité populaire qui a bénéficié à des milliers de défavorisés en leur servant d’ascenseur social pour les plus doués et les plus performants. Le sport de haut niveau est devenu une activité à temps plein capable de drainer beaucoup d’argent compte tenu de l’intérêt qu’il suscitait. Il fallait donc bien rémunérer cette activité, d’une façon ou d’une autre. Pendant des années, les associations sportives théoriquement sans but lucratif se sont débrouillées avec des dons, des subventions publiques et ont alloué à leurs membres des indemnités ou leur ont procuré des emplois rémunérés mais fictifs. Personne n’en parlait vraiment ouvertement, mais aux Jeux olympiques, les champions médaillés sont devenus de véritables valeurs marchandes. Aujourd’hui, cette omerta sur l’argent des athlètes a été officiellement brisée, y compris par l’organisation internationale de l’olympisme. C’est la première fois que la transparence est faite sur le prix que rapporte la participation aux Jeux. 

On sait donc que cette année, la Fédération internationale versera 50 000 dollars à chaque médaille olympique. En plus , chaque fédération nationale a son propre barème selon ses propres moyens . 

La Fédération française versera cette année 80 000 euros pour une médaille d’or, 40 000 euros pour une médaille d’argent et 20 000 euros pour une médaille de bronze. Ces primes sont financées sur les fonds propres des fédérations, qui se financent auprès de leurs sponsors ou grâce à leur part sur les recettes de droits de diffusion et une part de la billetterie. Cela n’empêchera pas le champion olympique de céder son image à quelques grandes marques, ce qui lui assurera un avenir. La carrière de champion olympique est courte. Il a beaucoup de mal à participer à plus de deux Olympiades. Entre-temps, il doit trouver des rémunérations, des expositions, des engagements dans des spectacles (c’est vrai pour le patinage , la boxe, le tennis , le golf ..), et certains, les plus doués sans doute, s’installent dans les affaires. On se souvient des champions olympiques d’hiver en 1968, de Jean-Claude Killy à Annie Famose, qui ont raflé la plupart des médailles. Avant, ils n’étaient que des enfants de Val d’Isère ou des Pyrénées, mais après ces Jeux où ils ont brillé, ils sont tous devenus des hommes et des femmes d’affaires qui ont non seulement incarné le développement du ski, mais qui ont investi directement dans l’or blanc où, grâce à leur nom et leur ambition, ils ont fait fortune.

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