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Les intermittents du spectacle se trompent d’arguments et de moyens de pression
©Flickr / YoussCool2010

Éditorial

Avec un préavis de grève national déposé par la CGT Spectacle pour tout le mois de juin, les intermittents du spectacle font monter la pression pour obtenir du gouvernement qu'il ne signe pas la convention chômage qui durcit leur statut.

Pierre Guyot

Pierre Guyot

Pierre Guyot est journaliste, producteur et réalisateur de documentaires. Il est l’un des fondateurs et actionnaires d’Atlantico.

 

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Les hirondelles annoncent le printemps et les beaux jours. Les intermittents du spectacle en colère sont désormais symbole de l’arrivée de l’été et de son cortège de festivals. Comme il y a onze ans lorsqu’une grève des intermittents avait mis à mal nombre de festivals dont celui d’Avignon, un collectif appelle en effet à cesser le travail et menace de nombreux évènements culturels estivaux.

Les raisons de la grogne des intermittents sont nombreuses et souvent légitimes.

Les professionnels du spectacle ont raison de se sentir floués par le gouvernement qui s’apprête à signer dans une semaine laconvention de l’assurance-chômage négociée par les syndicats de salariés et le Medef en mars dernier. Alors "simple sénateur" socialiste, François Rebsamen disait pis que pendre de cet accord et des modifications concernant les intermittents qu’il s’apprête à valider maintenant qu’il est ministre du Travail.

Les intermittents ont encore raison de réfuter le chiffre avancé par la Cour des comptes d’un milliard d’euros de déficit qui serait directement imputable à leur régime spécifique d’assurance-chômage. Avec un autre calcul, celui de l’UNEDIC qui prend en compte non ce que coûte le régime d’intermittence mais ce que coûteraient les indemnisations des intermittents si ces derniers basculaient dans le régime général, le déficit n’est plus alors "que" de 320 millions d’euros.

Mais l’argument avancé une fois cette précision arithmétique faite et selon lequel ces 320 millions constitueraient "le prix de la culture" n’est pas recevable. D’abord parce qu’il présente comme naturel et légitime un déficit qui est loin d’être négligeable à une période où tous les citoyens, quel que soit leur métier ou leurs secteur d’activité, doivent se serrer la ceinture pour tenter de relancer la machine. Ensuite parce qu’il entérine un dévoiement de plus en plus largement répandu de notre système de solidarité : celui qui consiste à faire payer aux salariés via leurs cotisations ce qui ne devrait être pris en charge que par les impôts. Si la culture a un coût (ce qu’elle a évidemment !), ce n’est pas aux cotisations sociales, mais au budget de la nation de le prendre en charge.

L’autre erreur des intermittents en colère consiste probablement dans la façon d’exprimer leur désaccord. Le débat autour du paradoxe qui consiste à mettre en danger son outil de travail pour défendre ses conditions de travail n’est certes pas nouveau, mais il y a dans la menace que font peser les artistes et les techniciens du spectacle sur les festivals estivaux quelque chose de particulièrement grinçant. Le sentiment que les intermittents sont en train de scier la branche sur laquelle ils sont assis. L’amère ironie de constater que, quelques semaines après les déclarations d’Olivier Py expliquant qu’une victoire du Front national aux élections municipales pouvait mener à l’annulation du festival d’Avignon, ce sont les intermittents du spectacle qui pourraient être finalement responsables d’un tel fiasco. L’incompréhension aussi de voir les intermittents s’attaquer à leur lieux de création plutôt qu’aux principaux responsables du déficit du régime des intermittents : les employeurs, à commencer par les employeurs publics qui, à l’instar de l’Opéra de Paris ou de Radio France utilisent - allègrement et illégalement - le régime spécifique des intermittents pour s’offrir une main d’œuvre moins coûteuse.

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