Les erreurs à éviter absolument quand on parle des attentats de Paris à ses enfants<!-- --> | Atlantico.fr
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Une mère allume une bougie avec son enfant, devant l'ambassade de France à Séoul, le 14 novembre.
Une mère allume une bougie avec son enfant, devant l'ambassade de France à Séoul, le 14 novembre.
©REUTERS/Kim Hong-Ji

Les mots pour le dire

Les enfants sont, eux aussi, submergés d'informations lors d'évènements majeurs et il est important de leur offrir une parole qui apaise et leur permette de mieux appréhender la notion de décès.

Gisèle George

Gisèle George

Gisèle George est pédopsychiatre. Elle est l'auteure de plusieurs ouvrages comme La confiance en soi de votre enfant (2007, Odile Jacob) ou encore Ces enfants malades du stress (2002, Anne carrière) 

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Atlantico : Comment parler de ces attentats qui ont frappé vendredi soir la capitale à ses enfants ? Sachant qu'ils seront forcément amenés à en entendre parler par la télévision, sur Internet ou dans la cour de récréation, dans quelle mesure faut-il les épargner des images extérieures ? Quel impact peut avoir un manque de communication sur le sujet pour un enfant ?

Dr Gisèle George : Cela va être une lourde tâche pour les parents de devoir parler de l’indicible, de l’incompréhensible, de l’inexplicable à des enfants qui attendent d’eux une parole digne d’un épilogue heureux de conte de fée. Un parent digne de ce nom souhaite à tout prix rassurer ses enfants contre toute forme de blessures physiques ou psychologiques, mais la cruauté des actes de guerre terroriste donne à croire qu’ils vont être mis en échec dans ce désir légitime. Les faits sont là, et il est impossible de rassurer un jeune de l’angoisse existentielle qu’il va ressentir d’une manière ou d’une autre en fonction de l’âge, et ce d’autant plus que les adultes sont dans la même inquiétude.

>>>>>>>>>>>>> A lire également : #MêmePasPeur, vraiment ? Ces traumatisés qu’on ignore derrière le slogan

Il ne s’agit plus de rassurer mais de stimuler la résilience des jeunes et ainsi les aider à surmonter ce traumatisme humain. Il s’agit de protéger d’une peur paralysante, d’une colère qui appelle à vengeance, d’un sentiment d’insécurité inhibiteur. C’est en ayant cet objectif, que les parents retrouveront leur compétence de protecteur et les "mots pour le dire".

Pourquoi est-ce si difficile de savoir comme s'adresser à un enfant entant qu'adulte ?

La plus grande difficulté est d’écouter et d’entendre l’émotion du jeune sans jamais chercher à la minimiser, la dénier ou la modifier. Cette écoute compatissante va montrer à l’enfant que sa peur est légitime, qu’il ne doit pas culpabiliser de la ressentir, qu’elle est saine et humaine. Cette légitimation émotionnelle parentale, va avoir un effet apaisant et considérablement diminuer la souffrance ressentie. 

Ainsi plus calme, le jeune cherchera auprès de ses protecteurs, des explications, non pas journalistiques sur le pourquoi du comment des faits, mais très personnalisées, sur ses propres inquiétudes face aux dangers de la vie. Elles surprennent souvent car le monde intérieur des jeunes est totalement différent des adultes et varie en fonction de l’âge. Très schématiquement, les enfants de moins de 7 ans s’inquiéteront sur le non-retour à la vie terrestre des personnes tuées et sur le comment leurs enfants pourront survivre sans leur parents ; les 7-13 ans sur la non prédictibilité des dangers ; les ados sur le pourquoi et le comment continuer à vivre malgré l’issue finale fatale. En réalité, à un moment ou un autre du développement enfantin, tous les parents seront amenés à devoir répondre à ce questionnement sur la mort. Ce qui est déstabilisant est que le terrorisme actuel ne leur laisse plus le loisir de déterminer le moment propice et serein pour ce genre de discussion. 

En posant, à sa manière, ses questions, un jeune veut juste connaître quel est le sens de la vie que veulent lui transmettre ses figures de protection. C’est un scientifique, il veut du vrai, du concret, du personnalise, du crédible. L’apprentissage de la bicyclette, de la natation ou de la conduite automobile ne se fait pas sans transmission des dangers inhérents à ces situations, ce qui empêche en rien les jeunes d’arriver à rouler, nager ou conduire. 

Concrètement, quels conseils donneriez-vous à un parent ?

Il est impossible de donner de recettes toutes faites afin de répondre aux inquiétudes des jeunes, mais quelques ingrédients sont indispensables. D’abord, se rendre compte de la réactivation de ses propres angoisses existentielles et les partager, à l’identique de l’enfant, avec l’entourage affectif adulte. Plus calme, faire confiance aux liens d’attachement qui unissent de façon singulière un enfant et son protecteur. Ils permettent de choisir parmi l’afflux d’informations médiatiques entourant les événements de ce week-end, celles qui apparaissent comme les plus en conformité avec les valeurs parentales et les besoins de connaissance des enfants. 

Dans le cadre d’évènements aussi terrorisants que les attentats, les seuls informants crédibles pour les jeunes sont leurs protecteurs. La difficulté est de maintenir un objectif cohérent : les aider à affronter émotionnellement la situation. Ecoute, partage, accompagnement, confiance mutuelle permettront aux adultes de trouver "les mots pour le dire".

Ainsi, plus que de trouver la phraséologie type pour décrypter l’incompréhensible, il s’agit de trouver les mots afin d’aider à surmonter les craintes personnelles. Je voudrais étayer mes propos par une phrase d’un de mes patients de 5 ans, phobique des vampires : "docteur, je sais bien que les vampires n’existent pas, mais ça n’empêche pas d’avoir peur !!!!" ; autrement dit pour les enfants, ce n’est pas la réalité des faits qui leur est difficile à appréhender, mais de ressentir l’émotion déclenchée tant chez eux que chez les adultes.

Ce ne sont pas les faits qu’il faut traiter mais les émotions. Et comme ce sont les parents qui sont protecteurs de leurs enfants, ils sauront faire le tri parmi les faits et choisir ceux qui leurs paraissent utiles afin de stimuler au mieux leur résilience.

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