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Les contrats de génération ne fonctionnent pas ? Qu’à cela ne tienne, injectons-y encore plus d'argent public
©Reuters

Renflouer l'échec

François Rebsamen, ministre du Travail, propose de doubler la prime concernant le maintien en activité des seniors dans le cadre des contrats de génération. Contrats qui n'ont apporté que 29 000 emplois, bien loin des 75 000 espérés par le gouvernement.

Gilles Saint-Paul

Gilles Saint-Paul

Gilles Saint-Paul est économiste et professeur à l'université Toulouse I.

Il est l'auteur du rapport du Conseil d'analyse économique (CAE) intitulé Immigration, qualifications et marché du travail sur l'impact économique de l'immigration en 2009.

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Atlantico : Aujourd'hui si une entreprise garde un senior et embauche un jeune, elle obtient une aide de 2000 euros pour le maintien du senior, et une autre de 2000 euros également pour l'embauche du jeune. Francois Rebsamen, le ministre du travail, veut augmenter l'aide accordée au senior pour qu'elle atteigne 4 000 euros. Cependant, nous n'enregistrons que 29 000 contrats de génération sur les 75 000 espérés. Ce nouvel apport d'argent va t-il vraiment contribué au développement des contrats de génération ? 

Gilles Saint-Paul : Le contrat de génération est contraignant et d'un intérêt limité pour les entreprises. En effet, le jeune concerné doit être embauché en CDI, tandis que l'entreprise ne peut procéder à un licenciement de sénior pendant les trois ans du contrat de génération. De plus, les entreprises de plus de 50 salariés doivent nécessairement négocier un accord collectif portant sur un  plan d'action sur l'emploi des jeunes et des seniors pour pouvoir prétendre à ces aides. Enfin, si le jeune est à temps partiel, celui-ci ne peut être inférieur à 80 % d'un temps plein. Il existe aussi une exigence purement cosmétique selon laquelle le travailleur âgé devrait travailler en binôme avec le jeune et lui transmettre ses connaissances. Bien que cet aspect soit largement fictif, on imagine aisément un inspecteur du travail se comporter de manière intrusive afin de s'assurer que cette clause a été respectée. Il n'est donc pas surprenant que les entreprises soient peu demandeuses pour ces contrats. Le fait d'accroître la subvention aura sans doute un effet modeste sur leur nombre. La vraie question est: pourquoi utiliser l'argent du contribuable pour inciter les entreprises à opérer dans un pareil carcan?

Pourquoi l'Etat persiste t-il dans le développement de ces contrats alors  que leur efficacité est faible ?

Le gouvernement est avant tout dans une logique de marketing électoral. Il veut donc attirer l'attention de l'opinion publique sur le succès prétendu de ses mesures. On note que leur succès n'est évalué qu'à l'aune du nombre de travailleurs qui profitent du contrat en question, alors qu'il faudrait mettre en place une véritable analyse coût-bénéfice et évaluer le nombre net d'emplois créés en tenant compte des effets d'aubaine et de la valeur de ces emplois pour la collectivité.

Comment expliquer le faible recours à ce contrat ? Les entreprises ayant utilisé ce dispositif avait-elle prévu d'embaucher avant sa création ? A t-on noté une augmentation significative de l'embauche des jeunes dans les entreprises ? 

Il y a sans doute des effets d'aubaine importants, de par l'aspect permanent de l'embauche (CDI) alors que l'aide est temporaire et peut être remise en question à tout moment par le politique, par exemple en raison de considérations budgétaires. On demande aux entreprises de s'engager sur le long terme en offrant un CDI à un jeune, alors que la subvention promise en échange n'est pas pérennisée. L'impact sur les choix des entreprises est donc relativement faible, tandis qu'une entreprise qui a prévu d'embaucher un jeune de toute façon peut en profiter de façon opportuniste. Elle améliore sa situation financière sans pour autant modifier ses projets d'embauche.

Ce dispositif est-il adapté à la situation des jeunes ? 

Cette mesure est un cautère sur jambe de bois au regard de l'énorme problème du chômage des jeunes. Le CPE de Dominique de Villepin était une mesure bien plus courageuse. L"emploi des jeunes est particulièrement vulnérable aux rigidités en matière de licenciement. Celles-ci incitent les entreprises à préférer un candidat fiable pouvant faire valoir une expérience professionnelle à un nouvel arrivant dont on aura du mal à se débarrasser s'il se révèle inadéquat. Le CPE s'attaquait à ces problèmes en permettant un premier contrat à la fois long et flexible, et convertible en CDI à l'issue de la période d'essai de deux ans. Il est ironique que ce soit une partie des jeunes qui ait torpillé ces mesures en descendant dans la rue. Sept ans plus tard, le problème reste entier. L'autre problème, qui frappe les jeunes peu qualifiés dans certaines régions, est le niveau excessif du SMIC. Celui-ci représente une charge nettement plus élevée pour l'entreprise dans les régions pauvres où elles ne peuvent pas vendre leur produit à un prix aussi élevé, que par exemple en région parisienne (qu'on songe à un café, une boulangerie ou une entreprise de services à la personne, voire une clinique). Inversement, on vit nettement mieux avec un SMIC dans ces régions qu'à Paris, mais encore faut-il pouvoir décrocher un tel emploi. Ce sont évidemment les moins qualifiés et les moins expériementés, donc les jeunes, qui patissent de ce niveau excessif en ne trouvant pas d'emploi. Nombre d'entre eux émigrent vers les grandes villes, rendant de ce fait plus aigus les problèmes de congestion et la question du logement, tandis que la région d'origine se transforme graduellement en mezzogiorno. Et le plus absurde, c'est que la possibilité d'un emploi à SMIC-20 % dans leur région d'origine leur aurait procuré un niveau de vie supérieur à l'emploi à SMIC complet qu'ils sont venus trouver en région parisienne. 

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