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Les chômeurs, ces millions de gens condamnés par la société à l’invisibilité
©PHILIPPE HUGUEN / AFP

Bonnes feuilles

Benoît Rayski publie "Les effacés de la terre" aux éditions du Cerf. À travers la vie quotidienne d'une chômeuse de longue durée, voici le portrait de la France que personne ne veut voir. Benoît Rayski a voulu rencontrer un de ces oubliés. Il est parti à Caen pour retrouver Julie. Elle venait d'être licenciée et elle lui a ouvert son coeur. Extrait 2/2.

Benoît Rayski

Benoît Rayski

Benoît Rayski est historien, écrivain et journaliste. Il vient de publier Le gauchisme, maladie sénile du communisme avec Atlantico Editions et Eyrolles E-books.

Il est également l'auteur de Là où vont les cigognes (Ramsay), L'affiche rouge (Denoël), ou encore de L'homme que vous aimez haïr (Grasset) qui dénonce l' "anti-sarkozysme primaire" ambiant.

Il a travaillé comme journaliste pour France Soir, L'Événement du jeudi, Le Matin de Paris ou Globe.

Voir la bio »

Il y a quelques années, j’ai lu un livre formidable de Pierre Sansot avec un titre qui est une vraie trouvaille: Les gens de peu. Tout y est dit sur des millions de gens condamnés par la société´ à l’invisibilité. Les gens de peu se réjouissent d’une fête foraine, d’un repas entre amis, d’une sortie à vélo, d’une naissance, d’une partie de boules. Ils ne demandent pas la lune. C’est que le soleil, quand il y en a, leur suffit. Julie appartient à cette famille des gens de peu. C’est une belle et immense famille. 

Hier Julie a regardé Zone Interdite à la télévision. Tout arrive: l’émission était consacrée à des gens qui veulent changer de vie, et qui y parviennent. Elle a retenu la belle aventure de deux cadres parisiens. «Ils ont tout plaqué pour partir au Costa Rica. Ils avaient un peu d’argent et là -bas ils ont ouvert une crêperie. Ils ont dit qu’ils sont heureux maintenant.»

Julie aussi veut changer de vie. Le commerce, pourquoi pas... Mais la vente, elle en a fait pendant vingt-deux ans. Presque une histoire de couple... Et c’est la vente qui l’a quittée e en la chassant. Partir au Costa Rica ou ailleurs? Tout recommencer? Julie ne voit pas aussi loin. Elle veut juste changer et ne plus vanter les mérites d’une paire de baskets aux clients. Elle irait bien vivre à Bordeaux où elle a de la famille. «Tout est beau là-bas. Mais mes enfants sont scolarisés à Caen et mon compagnon y travaille. Ce n’est, hélas, pas faisable.» 

Un chômeur selon l’opinion reçue c’est quelqu’un qui a perdu une place et qui en cherche une autre. Julie n’est pas dans ce cas. Elle cherche SA place! Elle sait ce dont elle ne veut plus. Mais elle ne sait pas encore ce qu’elle veut. Les yeux cachés par un bandeau, elle avance à tâtons, à l’aveugle. Julie espère qu’on l’aidera à enlever son bandeau. Actuellement elle est entre-deux. Entre-deux, tel est le titre d’un beau livre de Daniel Sibony. Il trace un parallèle entre l’adolescent et le chômeur. Ils vivent, dit-il, «l’entre-deux comme attente, suspens (...), repli sur soi ressassé et à l’horizon l’intégration dans le rang, là où ça ne dérange pas, au trou. » Ainsi est Julie, je crois. « Le chômage, dit encore Sibony, a sa rubrique attitrée, ses médecins affairés, ses concepts affichés : formation, insertion, intégration... » Moi, je ne suis pas médecin et je me méfie des formules. J’entends ici être scribe et rien que scribe.

Les concepts ne valent pas plus que les statistiques qui font disparaître l’être humain et le transforment en variable d’ajustement.

Retrouvez l'entretien de Benoît Rayski, à l'occasion de la sortie de son livre, à cette adresse : ICI

Extrait du livre de Benoît Rayski, Les effacés de la terre, publié aux éditions du Cerf. 

Lien vers la boutique Amazon : ICI

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