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Les bourses s’effondrent... mais pourquoi ne les débranche-t-on pas ?
©SPENCER PLATT / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

Atlantico Business

Les cours de bourse ne valent plus rien. Du coup, certains acteurs commencent à se demander pourquoi on ne fermerait pas carrément les bourses en attendant le retour au calme.

Aude Kersulec

Aude Kersulec

Aude Kersulec est diplômée de l' ESSEC, spécialiste de la banque et des questions monétaires. Elle est chroniqueuse économique sur BFMTV Business.

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Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Hier lundi, il aurait sans doute fallu arrêter les opérations boursières. Les ventes flambaient comme le virus en Europe. La Bourse de Paris a terminé à -5,75%, après avoir cassé un plus bas à -10%. Les traders en avaient les larmes aux yeux d’avoir évité un nouveau krach. Et c’est vrai qu’en remontant à mi-pente comme cela, les marchés ont sauvé la face, mais certainement pas la valeur des actifs. D’où la question qui hante désormais les investisseurs et les observateurs. Quand est-ce-que les bourses occidentales cesseront de fonctionner pour arrêter le massacre ? Quand va-t-on débrancher les marchés financiers comme on débranche la plupart des entreprises ?

En cette période de confinement, il ne fait pas bon, pour s’occuper, de regarder l’évolution de son plan d’actions. L’épargnant craint pour son investissement en actions alors que les investisseurs professionnels ne sont pas plus avancés sur la gestion d’un portefeuille de titres en telle situation de crise sanitaire, et de crise qui dure. Mieux vaut prendre un abonnement à Netflix.

Les cours de bourse s’effondrent parce que les entreprises qu’ils incarnent et représentent ne travaillent plus qu‘au ralenti. Parce qu’une entreprise ne crée sa valeur que si elle fonctionne et qu’en ce moment, pour beaucoup, ce n’est plus le cas.

Avec des usines à l’arrêt, des points de ventes fermés et des travailleurs au chômage partiel, les conditions ne sont pas réunies pour que les entreprises puissent avoir une vision sur leur avenir proche.

La seule chose certaine pour l’instant, c’est, pour beaucoup de secteurs, la dégradation de leur chiffre d’affaire et donc de leurs bénéfices. Et ce, malgré les mesures d’urgence des banquiers centraux qui réinjectent des liquidités, malgré les annonces de gouvernements qui promettent d’ouvrir les vannes budgétaires, malgré la simultanéité et la coordination internationale de ces deux politiques – monétaires et budgétaires.

Le seul indicateur que semblent regarder les marchés est la propagation du virus et le nombre de cas (aujourd’hui on ne compte plus que les cas graves). Bref, rien ne semble pouvoir juguler la panique, mise à part l’évolution de l’épidémie, difficilement prévisible.

Tout comme les frontières se ferment, faut-il fermer temporairement les marchés boursiers qui établissent des cours de bourse qui n’ont plus d’autres significations que de mesurer la peur collective ?

Le projet de fermeture des marchés n’est pas tabou et bon nombre d’acteurs en discutent.

NYSE-Euronext, l’opérateur de la Bourse de Paris, le CAC 40, ainsi que d’autres bourses européennes et américaines, renvoie la balle, pour ce qui est de la France, à l’AMF – l’Autorité des Marchés Financiers qui en est le régulateur. Sauf que l’AMF n’a d’autorité que sur l’indice parisien et qu’elle justifie vouloir une réponse coordonnée. Une coordination qui peut mettre du temps avant d’autres dégâts.

Le problème qui fait hésiter les régulateurs est très simple. Le marché boursier est un facteur de liquidité et le système économique fonctionne parce que les marchés sont liquides à tout moment. Ils permettent aux actionnaires ou aux épargnants de recouvrer ses actifs à tout moment, de l’ouverture des marchés à la fermeture leurs actifs. On peut vendre ou acheter son titre avec un prix donné par le marché, c’est la base de l’investissement.

D’ordinaire cette mécanique est essentielle à la confiance dans le système. Exactement comme l’est la valeur d’une monnaie. Si on arrête la cotation, si on suspend la liquidité et on crée un précédent qui ébranlerait la confiance de tout investisseur. Ce qu’on paierait dans le futur.

Il y a pourtant eu des précédents. Mais ils n’ont jamais été décidés par les opérateurs de marchés. Le CAC40 n’a par exemple jamais fermé de manière exceptionnelle, depuis qu’il a été créé en 1988.

Mais si on prend l’histoire récente, on découvre que les bourses mondiales ont quand même été débranchées a des moment clés.

A Paris en mai 68, la Bourse a cessé ses activités pendant une quinzaine de jours à cause du contexte social, et avant ça, elle avait été interrompue en temps de guerre (1914 et 1940 pendant 9 ans).

Aux Etats-Unis, les attentats terroristes de 2001 qui ont abattu les tours du World Trade Center, avaient entraîné la fermeture temporaire de Wall Street, parce qu’il était devenu impossible de se connecter aux plateformes d’échange à cause des dégâts occasionnés.

On est passés tout près de la fermeture en 2008. Jean-Claude Trichet, président de la Banque centrale européenne, parlait de « débrancher les marchés ». Les dirigeants politiques des principaux pays y réfléchissaient. Mais finalement les opérateurs s’y sont opposés et ont eu le dernier mot.

Sans aller jusqu'à la fermeture, il existe des mesures de prévention envers des krachs et de protection. Ces mesures sont d’ailleurs plus nombreuses et plus puissantes aux Etats-Unis qu’en Europe. Le système de coupe-circuits (circuits-breakers) s’active dès qu’il y a une chute importante. Ainsi, quand un titre baisse de plus de 7% (contre 10 en France), son échange est interrompu pendant 15 minutes (contre 3 minutes en France), pour permettre aux opérateurs de prendre du recul et d’apaiser les esprits. La chute ne peut pas dépasser 20% sur une séance. Mais le problème, c’est que la baisse peut s’étaler sur plusieurs séances…

Et quand on voit les clôtures sur les huit derniers jours, c’est bien ce qu’il se passe actuellement. Maintenant, la vraie question est de savoir quels sont les effets d’un effondrement aussi brutal.

A priori, de tels krachs ont pour objectif de mettre en phase la valeur marchande d’une entreprise avec sa valeur économique à un moment donné. Alors, sauf pour ceux qui ont un besoin urgent de cash, les autres n’ont qu’à faire le dos rond et attendre que les affaires reprennent et que ça remonte.

Le problème au pays de la bourse, c’est que ces périodes troubles aiguisent les appétits de ceux qui spéculent et notamment spéculent en pariant à la baisse (la vente à découvert).

Et une entreprise dont les titres se vendent massivement peut très bien changer de main en quelques jours. Les actionnaires paniquent ou ont besoin de cash, ils vendent à d’autres actionnaires qui pensent faire l’affaire de leur vie. Bref, certaines entreprises se retrouvent en risque de faiblesse économique puis capitalistique. C’est la double peine.

La bourse va sans doute continuer de déraper jusqu'au moment où le virus se calmera devant le vaccin miracle, le traitement ou les anticorps qu’il aura contribué à fabriquer. Le virus a ceci de particulier est qu’il fabrique sa propre mort. En attendant, il le fait très cher payer.

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