Les 100 contre Manuel Valls : "Avec le pacte de responsabilité le chômage va continuer d'augmenter pendant 18 mois"<!-- --> | Atlantico.fr
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Le Premier minitre Manuel Valls attendant les questions au gouvernement.
Le Premier minitre Manuel Valls attendant les questions au gouvernement.
©Reuters

De l'intérieur...

Alors que les deux lois de Finances sont discutées à l'Assemblée nationale, Laurent Baumel, l'un des chefs de file des députés socialistes frondeurs, a réaffirmé à Atlantico que la politique économique du gouvernement n'allait pas dans le bon sens.

Anita Hausser

Anita Hausser

Anita Hausser, journaliste, est éditorialiste à Atlantico, et offre à ses lecteurs un décryptage des coulisses de la politique française et internationale. Elle a notamment publié Sarkozy, itinéraire d'une ambition (Editions l'Archipel, 2003). Elle a également réalisé les documentaires Femme députée, un homme comme les autres ? (2014) et Bruno Le Maire, l'Affranchi (2015). 

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Encore peu connus du grand public pour la plupart, ceux que l'on appelle déjà les "frondeurs du PS" et dont le député d'Indre-et- Loire Laurent Baumel est un des initiateurs vont-ils se muer en tombeurs du gouvernement de Manuel Valls au moment de la discussion des deux lois de Finances, base du pacte de responsabilité auquel ils ne croient pas ? - Le pacte, lancé par François Hollande en janvier dernier, ce sont quelques 50 milliards d'économies destinées à financer des réductions d'impôts et de charges pour les entreprises à hauteur de 40 milliards et cinq milliards de réduction d'impôts pour les ménages modestes affectés par le gel des prestations sociales et les impôts.- Ils n'iront probablement pas jusque-là, car le gouvernement dispose de l'arme ultime qu'est l'engagement de responsabilité avec l'article 49/3 et on ne les imagine pas voter une motion de censure avec l'opposition, même s'ils affirment que les menaces de dissolution ne leur font pas peur. Mais si ces frondeurs mettent leur plan à exécution, ils vont sérieusement déstabiliser l'exécutif.

Car les signataires de la "Plateforme de l'Appel des 100 pour plus d'emplois et de justice sociale" ne veulent pas se contenter de contester la politique économique de François Hollande que Manuel Valls est chargé de mettre en oeuvre dans les médias ou dans le huis clos de la commission des Finances. Ils veulent que leurs propositions soigneusement chiffrées dans leur plateforme soient débattues publiquement dans l'hémicycle. Pour cela, ils vont présenter des amendements sans l'approbation de l'ensemble du groupe socialiste. Cela n'a l'air de rien, mais c'est une démarche totalement inédite sous la 5e République, où seuls les amendements adoptés par le groupe majoritaire (et généralement négociés préalablement avec le gouvernement), sont présentés au cours de la discussion. Dans le cas précis, les frondeurs se transforment en francs-tireurs, mais pour eux, c'est "un problème de conviction et de conscience". Ils savent qu'ils seront minoritaires, mais "nous préférons être mis en minorité après un débat devant la représentation nationale plutôt qu'en réunion de groupe", plaident-ils avec une certaine emphase.  

Les frondeurs ne croient pas, mais pas du tout à la politique de l'offre pratiquée actuellement en France et proposent de lui substituer une politique de la demande (à la lumière de celle mise en oeuvre par Matteo Renzi en Italie). Leur devise, c'est "moins d'argent pour les entreprises, plus d'argent pour les ménages". Ces réfractaires de l'intérieur ( du PS ) dénoncent  "l'absence de ciblage et de conditionnalité des baisses d'impôts prévues pour les entreprises". Pour eux, le pacte de responsabilité va provoquer "un effet de ciseaux et entraîner une nouvelle hausse du chômage : le chômage va encore augmenter pendant dix-huit mois", déplore Laurent Baumel, qui, avec ses collègues, ( dont l'ancien ministre de l'Outremer et député de la Nièvre Christian Paul ), réclame "un rallumage de la consommation", avec "la suppression des gels des prestations prévues dans le plan d'économies, l'introduction de taux variables de la CSG". Pour cela, ils proposent de "couper la poire en deux" en n'accordant que 22 milliards aux entreprises et un peu plus de seize milliards aux ménages, sous forme d'augmentation de prestations et de baisses d'impôts pour les petits revenus devenus imposables. Tout le contraire de la politique actuellement mise en oeuvre. D'après leurs calculs, cela reviendrait à accorder environ 500 euros de pouvoir d'achat supplémentaire par an à un smicard. De quoi relancer la consommation et la production en général. Un argument, croient-ils, qui ne peut laisser insensibles tous ceux qui ont essuyé le coup de tabac électoral aux municipales et qui, dans leurs circonscriptions, entendent les récriminations de leurs électeurs confrontés à la dureté des temps. Mais il y a la sacro-sainte question de la solidarité majoritaire !

Cette règle, les frondeurs semblent prêts à la balayer en partie, convaincus qu'ils sont de la justesse de leur cause. A ce stade, il n'est pas question pour eux de censurer le gouvernement mais de le mettre devant ses responsabilités. Une perspective qui provoque des remous dans les rangs socialistes, mais les rappels à l'ordre pour le respect de la discipline de groupe de Bruno Le Roux, le président du groupe socialiste, les laissent de marbre. Les frondeurs lui reprochent de "transformer un débat de fond en débat disciplinaire". Quant au grand air de l'Union et de la Loyauté, ils semblent en avoir oublié la musique et les paroles. Car cette situation illustre l'état de défiance d'une partie des socialistes à l'égard de François Hollande :"l'appel à la loyauté au président de la République ne fonctionne plus", note Laurent Baumel. On comprend pourquoi le conseiller parlementaire de l'Elysée est aux aguets et se montre très assidu ces jours-ci à l'Assemblée.

Quant à Manuel Valls, dont l'autorité risque également d'être ébranlée et qui sera en première ligne dans ces débats, il a reçu les frondeurs. Le Premier ministre les écoutés mais ne les a pas menacés d'exclusion ou autres mesures de rétorsions. Lui-même, lorsqu'il était député, ne s'est-il pas désolidarisé de son groupe en votant la loi sur la burqua initiée par la majorité de droite ? Mais il ne s'agissait pas d'un texte budgétaire au caractère sacré.  

Alors qu'adviendra-t-il des frondeurs et du pacte de responsabilité dont le Medef réclame bruyamment la mise en oeuvre ? Laurent Baumel l'admet : "Nous voulons prendre date" car "on est à un tournant institutionnel". C'est que les frondeurs ne veulent pas seulement changer de politique économique  ; ils voudraient aussi ouvrir le débat sur le fonctionnement de la Cinquième République en posant la question de l'équilibre des pouvoirs : ils rêvent de raviver le poids du Parlement et par conséquent de réduire celui du président et du Premier ministre. Leur poids politique dépendra de l'adhésion qu'ils obtiendront lors de la prochaine discussion budgétaire. Pour l'heure, ils disent tout haut ( et fort ), ce que beaucoup au PS pensent tout bas.

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