Législatives : Et si l’on jetait un coup d’œil aux chiffres ?<!-- --> | Atlantico.fr
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L'étude des chiffres du premier tour des élections législatives permettent d'avoir une nouvelle vision du choix des électeurs.
L'étude des chiffres du premier tour des élections législatives permettent d'avoir une nouvelle vision du choix des électeurs.
©Ludovic MARIN / AFP

Enseignements du vote

Au regard du choix des électeurs, la dynamique politique semble être à gauche avec le projet porté par la Nupes lors des élections législatives. Or la lecture des chiffres et la comparaison des premiers tours de 2017 et 2022 conduisent à remettre en cause cette approche.

Christophe Boutin

Christophe Boutin est un politologue français et professeur de droit public à l’université de Caen-Normandie, il a notamment publié Les grand discours du XXe siècle (Flammarion 2009) et co-dirigé Le dictionnaire du conservatisme (Cerf 2017), le Le dictionnaire des populismes (Cerf 2019) et Le dictionnaire du progressisme (Seuil 2022). Christophe Boutin est membre de la Fondation du Pont-Neuf. 

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Les commentaires qui suivent ce premier tour des élections présidentielles installent une narration qui est le fruit de deux loupes déformantes. La première résulte de l’effet mathématique produit par la création de la coalition NUPES : en regroupant les scores obtenus par quatre formations (LFI, EELV, PC et PS), elle se retrouve en effet au coude-à-coude avec le parti présidentiel, ce qui lui donne une éclatante visibilité. La seconde loupe déformante vient, elle, de la projection attendue en sièges, qui fait de NUPES la première force de la future opposition et relativise par là-même les oppositions de droite, qu’il s’agisse de la « droite républicaine » - si tant est que celle-ci ait encore vocation à être une opposition – ou de la « droite radicale », qui, à elles deux, devraient obtenir entre un peu plus d’un tiers des élus NUPES.

Ainsi, si l’on ne dit pas encore que la France aurait basculé à gauche, on explique volontiers que les choix des électeurs démontrent que la dynamique politique est à gauche. Or la lecture des chiffres et la comparaison des premiers tours de 2017 et 2022 conduisent à remettre en cause cette approche. En voici les éléments, reprenant ici les chiffres du ministère de l’Intérieur en en faisant quelques totaux simples.

En 2017, la gauche totalisait près de 6,5 millions de suffrages exprimés, en 2022 elle en obtient un peu plus de 7,5 millions. Sa progression en voix en cinq ans est donc de 17,7%. C’est tout sauf négligeable, et il y a manifestement, effectivement, une dynamique à gauche.

En 2017, le centre totalisait un peu plus de 8 millions de voix, en 2022 il en retrouve un peu plus de 6,3 millions. C’est 20,7% de perte en cinq ans. La dynamique En Marche ne se retrouve absolument pas dans Ensemble, quand bien même cette coalition s’est-elle élargie.

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En 2017, la « droite républicaine », LR et « divers droite », obtenait près de 4,2 millions de voix. En 2022, il lui en reste moins de 3 millions, soit une baisse de 30,9%, pas loin d’un électeur sur trois – et une baisse plus forte encore pour les seuls LR, de 33,6%. Écartelée entre le centre et la droite radicale, sans dynamique aucune, elle s’effondre sur elle-même.

Enfin, si en 2017 la « droite radicale » rassemblait plus de 3,3 millions d’électeurs, en 2022 ce sont près de 5,5 millions de Français qui ont voté pour ses candidats, soit une progression de… 64,5% - et pour le seul RN de 41%. La principale leçon de ces législatives est bien là, en même temps que la plus forte dynamique.

Mais pour définir les grands équilibres politiques, où placer la « droite républicaine » ? Avec qui comptabiliser ses voix, le centre ou la droite radicale ? Est-elle plus macronienne ou plus nationale ?

Si l’on additionne ses voix à celle de la « droite radicale », on fait de cette droite rassemblée la première force du pays en nombre de voix (près de 8,4 millions). Du fait du tassement de la première et de l’essor de la seconde, la « droite radicale » représentait 44% du total en 2017 et 65% en 2022. Un élément qui ne pourrait pas ne pas avoir d’effet en termes de programme, nécessairement plus national, ce qu’une large part des élus de la « droite républicaine » ne souhaite pas.

 Si l’on alors additionne au contraire ses voix à celle d’un centre macronien plus proche d’elle sur de nombreux points (place de l’Union européenne, politique économique…), ce centre élargi devient la première force politique du pays en nombre de voix (plus de 9,2 millions). La question serait alors de savoir s’il pourrait ainsi recréer une dynamique et arrêter sa baisse en nombre d’électeurs (25% en cinq ans).

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Dans les deux cas se pose aussi la question de l’éventuelle scission des électeurs de la « droite républicaine », certains rejoignant le centre en cas d’alliance avec la droite radicale, ou l’inverse. La réponse nous sera peut-être bientôt donnée : si Emmanuel Macron n’obtient pas la majorité absolue et a besoin de « l’opposition constructive » des Républicains, ces derniers, de fait, clarifieront au moins en partie leurs positions, et certains de leurs électeurs en tireront les leçons.

Résumons donc les éléments-clefs du premier tour des législatives de 2022 : une vraie dynamique à gauche, rendue  plus visible encore par une coalition entre partis conservant leur personnalité – une coalition dont la formation même a pu jouer dans cette dynamique. Un net désaveu de la majorité présidentielle. Un désaveu plus fort encore d’une « droite républicaine » incapable de se définir une ligne ou un programme, et qui ne survit que par son implantation historique. Une « droite radicale » enfin qui connaît dans les votes des Français une progression sans commune mesure avec les autres segments politiques.

Il reste qu’une grande partie de ces éléments seront cachés par les effets du mode de scrutin : les 5,5 millions d’électeurs de la « droite radicale » auront sans doute au soir du second tour dix fois moins de représentants que les 7,5 millions d’électeurs de la gauche ou les 6,3 millions d’électeurs du centre, et deux fois moins que les 2,9 millions d’électeurs de la « droite républicaine ».

Sur les plateaux de télévision, la seule narration sera donc celle de l’opposition NUPES à la future combinaison Ensemble/LR. C’est logique en un sens, car il faudra bien s’intéresser à la manière dont les réformes à venir seront votées. Mais personne ne s’interrogera sur la représentativité de cette assemblée, sur les vraies dynamiques à l’œuvre, et moins encore sur des causes qui continueront sans doute à produire les mêmes effets.

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