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A quel point la position de premier groupe d’opposition au sein de l'Assemblée nationale est-elle importante, symboliquement et politiquement ?
A quel point la position de premier groupe d’opposition au sein de l'Assemblée nationale est-elle importante, symboliquement et politiquement ?
©LUDOVIC MARIN / AFP

Majorité

La lutte pour la position de première force d’opposition à l’Assemblée nationale est engagée entre la NUPES, Les Républicains et le Rassemblement National dans le cadre des élections législatives.

Benjamin Morel

Benjamin Morel

Benjamin Morel est maître de conférences en Droit public à l'Université Paris II Panthéon-Assas.

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Atlantico : A quel point la position de premier groupe d’opposition est-elle importante, symboliquement et politiquement ?

Benjamin Morel : Il y a une valeur symbolique évidente, mais ce n’est pas le plus criant. Institutionnellement, cela a une conséquence directe : l’obtention de la commission des finances. C’est une position qui donne pas mal de marge de manœuvre : application de l’article 40, possibilité d’enquêter sur pièce et sur place etc. Le reste des postes est attribué soit à chaque groupe d’opposition, soit à la proportionnelle.Donc l’enjeu c’est aussi d’avoir le plus grand groupe d’opposition pour l’attribution des postes à la proportionnelle. Avec un grand nombre de parlementaires, il peut parfois être intéressant d’avoir plusieurs groupes. Car plus il y a de groupes, plus cela octroie des outils, des instruments pour nuire au gouvernement. L’obstruction ne sert pas à grand-chose en soi mais sert à gagner du temps. Cela permet de se poser en défenseur des salariés ou de quoi que ce soit. Mais une manœuvre d’obstruction ne peut pas être gagnée. La seule victoire possible c’est quand la majorité considère que l’obstruction va faire perdre un temps précieux qu’elle pourrait passer à autre chose. Surtout, elle laisse le temps de laisser monter la situation sociale. Cela a été le cas pour la loi Savary ou du CPE. Lors du CPE, cela a créé des divisions politiques dans la majorité. D’où l’intérêt de pouvoir faire obstruction. C’est ce que pourrait viser une interparlementaires NUPES. D’autant que la gauche sait faire. Il y a des compétences parlementaires évidentes dans ces groupes.

Chaque parti de la NUPES risque d’avoir son groupe parlementaire. Est-ce plus avantageux pour eux que d’être un seul groupe d’opposition uni ?

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Le risque principal est celui de perdre le poste de président de la commission des finances mais ils ont plus d’avantage de plusieurs groupes. D’abord, parce qu’il serait impossible de faire siéger ces parlementaires dans un seul groupe. Ensuite, parce qu’il y a des enjeux pour les partis, notamment en termes de financement. Pour les postes à la proportionnelle c’est aussi un avantage car elle favorise une surreprésentation des petits groupes. Cela donne aussi droit à des privilèges de groupe, comme les droits de tirage pour les commissions d’enquête. Plusieurs groupes peuvent aussi former un inter-groupe.

Dans quelle mesure la taille d’un groupe d’opposition, et en particulier du premier, joue-t-elle ?

Plus un groupe est nombreux, plus il peut nuire. Il ne peut pas peser sur les textes mais il peut déranger le gouvernement. Le temps de parole est accordé proportionnellement au nombre de députés. Plus des députés d’opposition peuvent parler, plus ils peuvent faire obstruction.

Les vice-présidents de l’Assemblée nationale sont également répartis à la proportionnelle. Il y en a en règle générale un par groupe, mais s’il n’y a pas assez de postes, les plus petits groupes obtiennent un poste subalterne. La vice-présidence est un outil intéressant car, quand le vice-président préside, il a tous les pouvoirs du président. Lors du débat sur le non-cumul des mandats, le député Marc Lefur, qui connaît bien les rouages du parlement, préside la séance et réussit à pourrir la vie du gouvernement par ses manœuvres d’obstruction. Il suscite des rappels au règlement et crée lui-même du désordre. Un vice-président qui veut « troller » le débat, puisqu’il incarne l’ordre, a des latitudes pour enliser le débat.

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On imagine que la place de premier groupe d’opposition se jouera entre LR, la NUPES ou LFI. A quel point cela peut-il avoir des conséquences sur le quinquennat ?

Plus la NUPES apparaît comme la formation en capacité de dégager une opposition importante, plus le quinquennat a des chances d’être difficile. Ça a à voir avec le fait d’être premier groupe d’opposition, car cela ouvre des portes, mais c’est surtout le nombre de parlementaires qui sera déterminant.Pour LR, cela leur offrirait plus de visibilité sans véritablement changer leur sort. Ce n’est pas ça qui sauvera ou condamnera le parti mais cela peut être relativement important symboliquement. A fortiori parce que c’est un parti dont le fondement parlementaire reste assez important. Mais LR n’a pas le même rapport à l’obstruction que la gauche, notamment car elle n’a pas les relais permettant d’aboutir à une mobilisation sociale suffisante. Pour le gouvernement, mieux vaut avoir une opposition LR qu’une opposition de gauche capable de se coordonner avec les syndicats et de « bordéliser » le parlement au pire moment pour eux.

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