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Pourquoi le succès de la viande cultivée en laboratoire peut dépendre avant tout du...marketing
©Reuters

In vitro

Si la viande cultivée en laboratoire est pour le moment bien trop chère pour être vendue en supermarché, elle n'attire, de toute manière, pas grand monde. Mais son marketing pourrait bien changer la donne.

Alors que le monde fait face à des défis énergétiques et environnementaux, la viande fabriquée en laboratoire à partir de cellules souches et l'élevage d'insectes comestibles paraissent être de potentielles alternatives à l'élevage animal.

Avantages énergétiques et écologiques

Il faut dire que reproduire un steak de bœuf en laboratoire présente de nombreux avantages. Alors que les exploitations d'élevages contribuent à 44% des émissions mondiales de méthane et 53% des émissions mondiales d'oxyde d'azote – soit plus que la pollution produite par le trafic routier, naval et aérien réunis -, la synthèse d'un bout de viande aurait une empreinte carbone 96% moins importante. Pareillement, cette viande de laboratoire permettrait d'économiser entre 82 et 96% de l'eau utilisée dans les exploitations d'élevage. Cette vidéo énumère ces principaux avantages.

Du bien de luxe au produit de masse

Seul hic à cette innovation qui pourrait bien réconcilier l'homme avec le climat : son prix. Les recherches sur le sujet sont prohibitives, et manger un petit steak de viande synthétisée est un luxe qui coûte plusieurs centaines de milliers d'euros. Le prix du premier morceau de viande de la sorte – dont le goût a d'ailleurs été approuvé par des critiques culinaires en 2013 – s'élevait à quelque 290 000 euros.

Un coût qui ne fait pas fuir les investisseurs, puisque les économies d'eau et d'énergie pourraient bien combler le déficit à condition d'industrialiser sa production. D'ici 2020, ce même steak pourrait bien ne coûter plus que dix euros et faire son apparition dans nos rayons de supermarché. Toujours cher pour un steak, mais bien plus abordable pour les personnes désireuses de manger de la viande qui n'a impliqué ni l'abattage d'une bête, ni la pollution et le gaspillage énergétique qu'elle engendre.

Répulsion

Mais à supposer que cette viande de synthèse soit bel et bien proposée dans les grandes surfaces à un prix abordable, en mangerait-on pour autant ? Pour le moment, la tendance est clairement à la négative. Un sondage mené en 2014 montrait que seul un Américain sur cinq se laisserait tenter par cette alimentation d'un nouveau genre, rapporte le site Circa. Un phénomène de rejet qui s'explique par une science dont les progrès sont réalisés à une vitesse qui dépasse celle de notre capacité d'adaptation. L'humain aime le progrès, mais apprécie tout de même les bonnes vieilles habitudes. Et cette production de viande in vitro renvoie à différentes pratiques scientifiques sujettes à débats dans les milieux aux mœurs les plus conservatrices : le clonage – il s'agit bien du clonage d'un muscle – et les expériences in vitro telles que l'insémination artificielle. Des domaines où la science est capable de remplacer l'humain. Et c'est cette "dénaturalisation" qui fait peur.

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Marketing et perception

Mais les industriels ont une très bonne carte à jouer pour nous inciter à faire évoluer notre alimentation au gré de leurs désirs : le marketing. Alors que la publicité dont notre société est envahie parvient à s'immiscer dans nos choix de consommation, elle pourrait bien nous faire passer le cap de l'alimentation synthétique. À commencer par changer le nom du produit. Si un "steak cultivé en laboratoire" n'est pas très ragoûtant, en revanche un "steak bio écoresponsable" est bien plus incitatif et pourra tirer profit du phénomène de l'alimentation biologique dont raffolent de plus en plus de consommateurs. Pour un même produit, un simple changement de nom assorti d'un emballage plus clinquant pourrait bien nous faire changer d'avis, pauvres humains influençables que nous sommes. "C'est important car les mots jouent un rôle dans notre manière de décrire quelque chose, et cela peut faire la différence", confirme l'activiste Paul Shapiro, vice-président de la Humane Society of the United States interrogé par Quartz. Une manière de concentrer l'attention du consommateur sur l'éthique sur laquelle repose le produit plutôt que sur le processus de fabrication.

Pour s'en rendre compte, il suffit d'observer les résultats obtenus dans une étude visant à faire manger davantage de légumes aux enfants dans les écoles. Ainsi, on se rend compte que pour deux plats de brocolis similaires, les enfants iront plus souvent piocher dans celui où l'inscription indique "bouchées de brocolis" que celui où est simplement écrit "brocolis". De même, les "carottes qui font voir en rayons X" auront plus de succès que les simples "carottes". En jouant sur la sensibilité des potentiels clients concernés, les industriels sont donc en capacité de rendre un produit plus sympathique à vos yeux que s'il était dénué de tout marketing.

En tout cas, les industriels auraient peut-être, sur ce coup-là, bien raison de nous forcer la main.  

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