Le souverainisme servi à toutes les sauces électorales mène à l’asphyxie<!-- --> | Atlantico.fr
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Des panneaux pour inciter à voter lors des élections européennes devant le Parlement européen.
Des panneaux pour inciter à voter lors des élections européennes devant le Parlement européen.
©FREDERICK FLORIN / AFP

Atlantico Business

Les idées libérales sont mortes et la campagne pour les européennes a réveillé les tentations souverainistes dans tous les partis politiques. La protection de la souveraineté nationale est devenue un ingrédient idéologique que l'on retrouve dans tous les programmes électoraux.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Les incertitudes géopolitiques, les désordres de politiques intérieures, les difficultés d’équilibre des modèles économiques créateurs de richesse ont sans doute favorisé la diffusion des idées souverainistes dans l'opinion publique.

Parce que le besoin de se protéger est tellement urgent et fort que l'opinion capte avec attention toutes les opportunités de se replier sur son territoire au sein de sa famille, de sa communauté ou de la nation.

Les responsables politiques rappellent les bien-fondés de la souveraineté comme fond de sauce de tous les projets politiques, sauf qu'en creusant un peu, le souverainisme ne résiste pas au principe de réalité.

Quand il s’agit de critiquer l’Europe, on nous explique que Bruxelles est une machine bureaucratique nous privant de notre souveraineté, alors que Bruxelles n’a de pouvoir que celui qui lui a été délégué par les Etats membres. Chaque État membre ayant d’ailleurs un droit de veto.

Il y a encore quelques années certains courants politiques étaient même anti-européens et prônaient une sortie de la France de l'Union européenne et de l'euro. Aujourd’hui, personne ne prendra le risque de promettre une sortie de l'euro, mais beaucoup vont continuer à défendre le souverainisme de façon très théorique.

Quand la politique économique est au centre du débat électoral, beaucoup défendent l'idée d'un protectionnisme qui nous sauverait des ingérences étrangères, sauf qu’au niveau de l'application, on s’aperçoit que la mesure protectionniste va provoquer une réaction chez nos clients étrangers qui vont fermer leurs marchés.

L'agriculture française, bel exemple de contradiction, n’a aucun intérêt à revendiquer les mesures protectionnistes, elle est excédentaire et toute l'Europe d'ailleurs est excédentaire. D'une façon générale, tout interdit à l'encontre de fournisseurs étrangers se traduira donc par la fermeture d'un marché extérieur. Donc, le système de création de richesses fonde sur l’échanges se meurt. Forcément, sauf s'il joue le jeu de la concurrence. 

Mais allons plus loin encore, la politique budgétaire française est déséquilibrée puisqu’elle accumule les dépenses publiques sans les financer, ce qui oblige l’État à emprunter massivement notamment à l'étranger. Un souverainiste pur sucre ne devrait pas accepter de tels financements qui mettent le pays sous la dépendance des capitaux étrangers, et notamment de nos voisins européens. Un bon et pur souverainiste devrait défendre l’idée d'un budget équilibré, défendre le projet d'un système social équilibré, seuls moyens de s’affranchir des financements extérieurs. À la limite, le souverainiste logique et cohérent devrait favoriser l'épargne nationale, ou l'augmentation générale des impôts. Un souverainiste convaincu devrait défendre une politique de rigueur absolue.

Dans cette sphère du marché des capitaux, les souverainistes politiques se sont émus cette semaine d’entendre Emmanuel Macron suggérer la vente de la Société Générale à une banque européenne. Alors que la Société Générale avait été encouragée à travailler en Russie ? Alors qu’elle est aujourd'hui fragile et qu'aucun établissement français n’a les moyens ou l'intérêt à accepter une consolidation. Les souverainistes voudraient-ils aller jusqu'à la nationalisation ? Peu probable qu’ils en acceptent de payer le prix.

L’opinion et la classe politique se félicite aujourd’hui de l’attractivité du territoire et des investissements étrangers dans l’hexagone. Très bien. Mais comment être souverainiste et applaudir à l’arrivée d’investissements étrangers. Faut être sérieux, l’investisseur étranger vient avec sa culture, son ambition, ses administrateurs. Il achète un pouvoir qu’il va exercer. Ou bien on le souhaite et on l’assume, ou on le rejette et on s ’asphyxie

Allons plus loin encore, la France se félicite de son attractivité touristique à juste titre, c'est le pays au monde qui reçoit le plus de touristes étrangers. Bravo. Les souverainistes sont contents que notre patrimoine géographique et historique soit aussi bien fréquenté, mais en y regardant de plus près, cette attractivité nous met en dépendance de cette clientèle qui oblige d’ailleurs le secteur à faire un marketing adapté aux clients étrangers et donc à se soumettre à leurs désirs et besoins. Pendant très longtemps, les acteurs français du tourisme ne parlaient pas anglais. La nouvelle génération a tout compris, elle travaille en anglais pour s'attacher cette clientèle étrangère. C'est quelque part un abandon de souveraineté.

En Vendée, chez Philippe de Villiers, avocat de la souveraineté nationale et du souverainisme politique, il y a quelque chose de cocasse à constater que si le Puy du Fou a un succès mondial, c'est bien parce que ses promoteurs (dont Philippe de Villiers) ont utilisé tous les moyens pour séduire et s'attacher la clientèle dont plus de la moitié vient de l'étranger.

Qu'on le veuille ou non, le Puy du Fou est complètement dépendant de l'étranger. C’est là encore l'acceptation que le succès économique passe par un abandon de souveraineté culturelle. 

La notion de souveraineté est très floue. Il n’y a d'ailleurs très peu d'auteurs, de philosophes, d'économistes qui ont travaillé sur le concept. Louis le Fur à la fin du 19e siècle a essayé d’opposer aux tendances échangistes liées à la révolution industrielle le concept de souveraineté. Mais pour répondre aux libéraux qui tenaient le haut du pavé politique, il a été obligé de découper l’idée de souveraineté en plusieurs composantes.

La souveraineté domestique liée au territoire,

la souveraineté d'indépendance qui entraînait un contrôle de la population,

la souveraineté liée au droit international qui doit obliger l'État à respecter la souveraineté d'un autre État.

Il avait aussi défini une Souveraineté Westphalienne, (actualité de l’époque oblige) à savoir qu'il n'y a pas d'autorité autre que l'autorité souveraine exerçant un pouvoir étatique au sein du territoire.

En bref, le concept de souveraineté pouvait et peut toujours s’accommoder à toutes les sauces. Il n’a pas de valeur universelle. En revanche, il est évident qu'en période chahutée comme c’est le cas, le souverainisme est une forme de démagogie qui s’allie bien au populisme en promettant une protection. La protection est très illusoire. Le souverainiste conduit de fait à l'asphyxie et donc à l’appauvrissement. Le principe de réalité finit toujours par s’imposer.

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