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Le Schmock : C'est bon, mais FOG a fait mieux
©Solimoov

Atlanti-Culture

En observant le destin de Schmock, ce petit mec oedipien, on comprend que tout est possible même le pire. Ceci étant, le roman de F.O. Giesbert est certes profond et sensible mais il pêche par certaines exagérations.

François Duffour pour Culture-Tops

François Duffour pour Culture-Tops

François Duffour est chroniqueur pour Culture-Tops et avocat au Barreau de Paris.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).
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LIVRE

Le Schmock

De Franz Olivier Giesbert

Ed. Gallimard

RECOMMANDATION

            BON

THEME

Deux familles allemandes, les Gottsahl et les Weinberger, issues de la bourgeoisie éclairée qui lit Thomas Mann, apprécie la peinture d’Egon Schiele et préfère la musique de Brahms à celle de Bruckner, deux familles liées par une amitié éprouvée  par les vacances dans la villa bavaroise de « Sansoussi », cheminent de manière erratique dans l’Allemagne humiliée par le Traité de Versailles et ruinée par la crise politique et financière qui suivra, cet enchainement fatal nourrissant l’esprit de revanche et ses prolongements mortels, le nazisme et l’antisémitisme.

Les deux pères , Franz et Helmut, ont collaboré dans le même cabinet d’avocats, leurs femmes s’apprécient et prennent la même distance prudente avec la tutelle des hommes, les deux fils, Harald et Elie, vivent comme deux frères au point de partager à l’âge mûr le même amour pour la même femme, juive, très belle, vibrante, intelligente et affranchie, Elsa Kantor.

Les Gottsahl oscillent vis-à-vis des nazis entre mépris, scepticisme et opportunisme, le vieux Franz ayant éprouvé dès 1914 l’absolue médiocrité du petit caporal de Bohème qu’il comptait comme estafette dans sa compagnie combattant dans les Flandres du côté d’Ypres ; les Weinberger quant à eux cheminent entre abnégation, passivité, soumission et insurrection, au gré des évènements, des provocations et des craintes dues à leur « quart » d’ascendance juive, et aussi de leurs caractères. 

Quelques comparses viennent abonder cet aréopage, Gustav Schmeltz, un gros lard abject plein d’une sensiblerie libidineuse, complice des exactions nocturnes et sanguinaires des SA, Lila sa belle, jeune et fragile victime ; Werner von Hohenorff, un aristocrate prussien cynique, jaloux et cruel et bien sûr tous les vrais acteurs du drame, ceux que l’histoire a livrés à l’auteur, de l’artiste-peintre éconduit de l’Ecole des Beaux Arts en la personne d’Adolf Hitler, personnage atrabilaire, taré, complexé  et pétomane à Bormann, Himmler, Joseph et Magda Goebbels et tant d’autres dignitaires du régime rencontrés ici et là, à la faveur des dîners en ville ou de rares réceptions au Berghof.

POINTS FORTS

Un cheminement romanesque dans l’histoire bien réelle et tragique du nazisme, faisant des personnages du roman des acteurs de l’histoire et inversement.

Une contribution de plus mais toujours utile au décryptage de l’avènement du nazisme dans un pays à la culture vibrante et ancestrale, la fiction mêlée à l’histoire rendant l’exercice suggestif et pertinent.

Il y a loin de l’ascèse de la démonstration de Vuillard dans « l’Ordre du jour » à l’exubérance de Giesbert, mais les deux ouvrages contribuent à la même démonstration. Tout est possible, tout est à craindre. 

POINTS FAIBLES

Comme toujours avec l’auteur, un peu de démesure dans le choix et les traits de certains personnages, de certains faits eux-mêmes; ainsi l’amour d’Elie Weinberger pour sa compagne d’infortune, une truie qu’il pleure comme sa mère. FOG le végan nous a déjà dit son amour des animaux et en particulier celui qu’il éprouvait enfant pour le cochon de la ferme voisine dans « La dernière fois que j’ai rencontré Dieu » récemment paru, sans qu’il soit nécessaire d’y revenir aujourd’hui dans ce roman par ailleurs profond et sensible.

EN DEUX MOTS

Une bonne démonstration de la mécanique du drame et du crime par la somme des passivités, des lâchetés et autres abandons successifs, des opportunismes, des alliances perverses, des Illuminations collectives, démonstration déjà servie par l’auteur dans « La cuisinière d’Himmler », un ouvrage traitant de cette collusion parfois aimable avec les nazis.

Un bon livre alliant le roman et l’histoire pour les rendre crédibles tous les deux, sous la seule réserve de quelques exagérations qui peuvent passer pour des élucubrations, sans doute contre-productives. 

UN EXTRAIT

"Une attraction, cet Hitler. Avant de s’exprimer, il semblait en proie à des ruminations, des pensées sombres et, dès qu’il avait la parole, ça coulait de source jusqu’à ce que monte une tempête, un crescendo de fulminations, détonations, rugissements, barrissements. Sans parler des postillons qui tombaient comme des embruns sur les premiers rangs, et dont son corps était, avec les flatulences, généreux."

L’AUTEUR

Journaliste, éditorialiste, romancier et à sa manière historien, Franz Olivier Giesbert, alias FOG, reste inclassable et le veut ainsi. A droite pour les uns et à gauche pour les autres, il navigue en eaux claires ou en eaux troubles selon les jours, les rencontres et les expériences, comme un  poisson qui sait nager, avec un héritage littéraire par sa mère qu’il dit normande, de gauche et catholique, un autre héroïque par son père américain, débarqué sur les côtes françaises le 6 juin 1944.

Il a rencontrés tous les maitres du jeu politique, de Chirac à Mitterrand en passant par Sarkozy, les a servis et finalement trahis diront-ils, ainsi Mitterrand qui pourtant le convoquera pour une ultime et touchante balade sous les chênes et les pins de Latché, quelques mois avant l’épilogue, cet échange nourrissant un bel ouvrage de plus dans son abondante bibliographie,  «  Le vieil homme et la mort ».

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