Marine Le Pen peut-elle être interviewée comme les autres politiques ?<!-- --> | Atlantico.fr
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La candidate du FN suscite de nombreuses passions.
La candidate du FN suscite de nombreuses passions.
©Reuters

Elle n'est pas couchée

Marine le Pen est l'invitée de l'émission de Laurent Ruquier "On n'est pas couché" ce samedi. L'animateur refusait de l'interviewer jusqu'à présent, mais le CAS l'y a contraint. A croire que la candidate FN n'est pas une candidate comme les autres...

Michèle Cotta et Jean-Jacques Bourdin

Michèle Cotta et Jean-Jacques Bourdin

Michèle Cotta est journaliste et écrivain. 

Elle a notamment présidé la Haute Autorité de la communication audiovisuelle, prédécesseur du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), de 1982 à 1986.

Elle a également été directrice de l'information à TF1 entre 1987 et 1992 et directrice générale de France 2 de 1999 à 2002.

Jean-Jacques Bourdin est un journaliste et animateur de radio français.

Depuis 2004, il est rédacteur en chef de RMC Info et animateur de l'émission matinale Bourdin & Co 

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Atlantico : Laurent Ruquier avait initialement décidé de ne pas inviter Marien Le Pen dans son émission. Il doit finalement se prêter au jeu ce samedi soir. Comment expliquez-vous qu’interviewer Marine Le Pen suscite autant de passions ? Est-ce une interview comme les autres ?

Jean-Jacques Bourdin : C’est un choix de Laurent Ruquier que je ne partage pas. Il a le choix d’inviter qui il veut dans son émission. Mais, je considère qu’à partir du moment où l’on choisit d’interviewer des responsables politiques, il faut donner la parole à tous. Maintenant le voilà contraint.

Pour ma part, j’estime qu’une interview de Marine Le Pen ne mérite ni plus ni moins de travail que les autres. Ce n’est pas une interview exceptionnelle. Il faut cependant être bien préparé car la candidate FN maîtrise l’art de la rhétorique et du débat.

Je n’ai pas de conseil à donner à Laurent Ruquier qui est un animateur avisé. Mais s’il y a une chose qu’il ne faut pas faire avec Marine Le Pen, c’est rentrer dans le débat, en exprimant ses divergences avec elle et en prenant position. Il ne faut pas porter de jugement, être très précis, poser des questions directes et simples sur ses engagements et ses propos. Ce sont des choses à éviter avec tous mais en particulier avec Marine Le Pen. Il faut que l’interview soit plus dépouillée que jamais.

Michèle Cotta : Marine Le Pen doit être interviewée comme n’importe quel invité. Le mieux est d’être naturel, de préparer ses dossiers. C’est ce qu’a fait Anne-Sophie Lapix lors de sa dernière interview avec elle ; elle a réussi à la "coincer" en douceur. Cependant, si on peut ça avec Marine Le Pen, ce n’est qu’à condition de le faire avec tout le monde.

En vérité, c'est surtout Audrey Pulvar et Natacha Polony qui vont poser des questions à la candidate FN. Mais je suppose que Laurent Ruquier va intervenir pour calmer le jeu s’il a l’impression que c’est trop violent et jouer le rôle de contre poids s’il a l’impression que ça s’étiole. Je crois que ça ne va pas être très commode et qu’il va être obligé d’intervenir très souvent.

Le but d'une interview consiste en premier lieu à faire parler son interlocuteur. Et à le mettre face à ses contradictions. On ne se prive pas avec François Hollande ou Jean-Luc Mélenchon, par exemple, il n'y a donc pas de raison qu’on se prive avec Marine Le Pen. Le seul avec qui les journalistes semblent éviter  de poser les questions qui fâchent, c’est Nicolas Sarkozy. On l’a bien vu récemment, lors de son interview face à plusieurs journalistes.  Les journalistes économiques auraient dû faire plus tôt leur entrée et ils auraient dû avoir un temps de parole plus long, l’émission aurait été plus intéressante. 

Marine Le Pen est-elle difficile à interviewer ?

Jean-Jacques Bourdin : Elle n’est pas plus difficile à interviewer que beaucoup d’autres pour une simple raison : elle accepte le combat. Elle défend ses idées, accepte les questions fermées assez rudes. Elle est même plus facile à interviewer que d’autres qui fuient et ne répondent pas aux questions qu’on leur pose. On est obligé de revenir à la charge. Marine le Pen, elle, répond.

Michèle Cotta : Marine Le Pen n’est pas son père. Avec elle, vous n’êtes pas obligé de parler du "four crématoire" ou du "détail de l'histoire" comme c'était le cas avec son père. Il faut l'interroger comme les autres, en sachant qu’elle a beaucoup de culture historique, beaucoup de répartie. Par ailleurs, Marine Le Pen a pris quelques résolutions plus républicaines - sur la laïcité, notamment - mais n'a pas pour autant abandonné beaucoup d’options de son père. Son discours est donc parfois contradictoire, ce qui fait qu'elle est plus facile à interviewer.

Du père ou de la fille, avec qui est-il le plus dur de s’entretenir ?

Jean-Jacques Bourdin : Avec Jean Marie Le Pen c’est un combat car il vous implique sans cesse dans l’interview, il veut vous embarquer dans sa rhétorique. Il faut toujours essayer de s’en sortir. C’est donc plus difficile, plus fuyant. Avec Marine Le Pen, c’est plus clair.

Michèle Cotta : Jean-Marie Le Pen était très difficile à interviewer. Si on était complaisant avec le père on se faisait taxer "d’apprenti-raciste" et si on était agressif, ça passait mal à la télévision et on donnait l’air de traiter l’invité différemment. Marine Le Pen est quand même plus facile à interviewer que son père.

Marine le Pen prétend n'être pas assez invitée dans les médias. Est-ce une réalité ? Est-ce justifié ?

Jean-Jacques Bourdin : J’en ai assez d’entendre ça. En ce qui me concerne, Marine le Pen vient dans mes émissions sur BFM TV et RMC aussi souvent que les autres responsables politiques. Mais il faut arrêter de penser qu’elle n’a pas la parole dans les médias. A une époque peut être, son père en a été victime ; dans certaines rédactions on ne voulait pas l'interviewer. Mais maintenant ce n’est plus le cas : on voit et on entend la candidate FN partout.

Michèle Cotta : C’est une polémique qui remonte à très longtemps. Je me rappelle lorsqu’ Anne Sinclair avait dit qu’elle ne l’interviewerait jamais... Il l’avait traité de boulangère casher. Donc je peux comprendre qu’elle n’ait pas voulu l’interviewer. C’est alors Gérard Carreyrou qui l’avait interviewée à sa place et il l’avait fait tout à fait normalement sans être accusé de complaisance ni d’insolence.

Propos recueillis par Aymeric Goetschy

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