Le nucléaire est-il une atteinte à la souveraineté énergétique française comme le clament ses opposants ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Emmanuel Macron, en pleines discussions avec le dirigeant d'EDF, Jean-Bernard Lévy.
Emmanuel Macron, en pleines discussions avec le dirigeant d'EDF, Jean-Bernard Lévy.
©GUILLAUME SOUVANT / AFP

Uranium

Nombre de responsables politiques écologistes mais aussi LFI ou socialistes comme Olivier Faure pointent notamment les questions d’approvisionnement en uranium.

Valérie Faudon

Valérie Faudon

Valérie FAUDON est Déléguée Générale de la Société Française d’Energie Nucléaire (SFEN) et Vice-Présidente de l’European Nuclear Society (ENS).  Elle est enseignante à Sciences-Po dans le cadre de la Public School of International Affairs. Elle a été Directrice Marketing d’AREVA de 2009 à 2012, après avoir occupé différentes fonctions de direction chez HP puis Alcatel-Lucent, aux Etats-Unis et en France. Valérie est diplômée de l’Ecole Polytechnique, de l’Ecole Nationale des Ponts et Chaussées, et de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris. Elle est aussi titulaire d’un Master of Science de l’Université de Stanford en Californie.

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Atlantico : Nombre de responsables politiques écologistes mais aussi LFI ou socialistes comme Olivier Faure estiment que le nucléaire est une atteinte à notre souveraineté énergétique. Le leader socialiste a évoqué une « dépendance aux russes et aux chinois concernant l’uranium » a déclaré le leader socialiste. Dans quelle mesure l’analyse est-elle erronée ?

Valérie Faudon : Ce qui est vrai, c’est qu’on ne produit pas d’uranium en France. Nous avons eu dans le temps des mines d’uranium mais aujourd’hui nous l’importons. Il est important de comprendre que l’indépendance n’est pas l’autarcie. Ce qui compte, c’est la robustesse des chaînes d’approvisionnement. La France a une chaîne très robuste sur l’uranium. Elle a d’abord une double diversification avec le portefeuille d’Orano et les achats d’EDF. Orano a constitué un portefeuille minier au Kazakhstan, au Canada, au Niger, avec des réserves qui représentent 30 ans de consommation française. Quant à EDF, il achète chez Orano mais aussi aux concurrents d’Orano qui ont des mines par exemple en Australie, pays qui a les plus grandes réserves du monde. Il faut noter, que 40% des réserves mondiales sont situées dans des pays de l’OCDE : Australie et Canada en tête. Ce sont donc des pays sans problème géopolitique majeur. Un autre point fondamental de la solidité de notre chaîne d’approvisionnement sont nos stocks stratégiques. L’uranium est très dense et donc on peut en stocker de grande quantités très facilement. Nous avons deux ans de stock sur notre sol, à comparer au gaz par exemple, pour lequel nous ne pouvons stocker que quelques mois. Enfin, le coût de l’uranium n’est qu’une très petite partie du coût de production de l’électricité, de l’ordre de 5%. La France importe chaque année pour moins d’un milliard d’euros d’uranium. En comparaison, nos importations de pétrole et de gaz représentent chaque année plus de de 40 milliards d’euros, et vont certainement, dans la situation de crise actuelle, dépasser cette année la centaine de milliards d’euros. Nous ne sommes pas dans le même ordre de grandeur.

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Olivier Faure a aussi estimé « que nous ne savons pas l’enrichir, le transformer, l’assembler. Et Rosatom a l’essentiel du marché aujourd’hui ». Est-ce vrai ?

La France est un des leaders mondiaux sur l’enrichissement de l’Uranium. Nous avons construit, dans les années 1970, une grande usine à Tricastin, Eurodif, qui était alimentée en électricité par la centrale nucléaire de Tricastin. Elle a été remplacée par une installation moderne de centrifugation, Georges Besse II, au début des années 2010. C’est l’une des usines les plus modernes du monde et elle fonctionne à pleine capacité. Nous enrichissons de l’Uranium pour des applications civiles, à la fois pour la France mais aussi de nombreux exploitants nucléaires européens et même asiatiques : la Corée et le Japon n’ont pas par exemple la possibilité d’enrichir eux-mêmes leur uranium en raison des traités de non-prolifération.

Quant aux assemblages de combustibles (ce sont les éléments en Zirconium dans lesquels sont placés les éléments les pastilles d’uranium dans le réacteur nucléaire), nous disposons là encore d'une chaîne de valeur complète chez l’industriel Framatome, avec plusieurs usines métallurgiques qui fabriquent les  gaines, et une usine finale de fabrication à Romans-sur-Isère.

Il est vrai que Rosatom est un grand concurrent, mais nous n’avons pas besoin de lui, hormis peut-être pour des cas très particuliers. Dès la construction du parc dans les années 70, la France a tout fait pour se constituer le patrimoine et les savoir faire industriels qui lui permettait d’être indépendante.

Qu’est-ce qui peut expliquer cette erreur d’appréciation de leaders de la gauche ?

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Beaucoup d’observateurs se sont étonnés car le parti socialiste a traditionnellement un ancrage historique dans l’industrie. Une hypothèse serait l’influence de la campagne de Greenpeace depuis le début de la guerre pour expliquer que nous sommes dépendants des Russes. En réalité, les Russes sont nos clients en particulier sur les chantiers de construction de réacteurs neufs, où nous fournissons par exemple des turbines à partir de notre usine de Belfort. Être dépendant d’un fournisseur et dépendant d’un client, ce n’est pas la même chose.

A quel point le nucléaire contribue-t-il au contraire à nôtre souveraineté énergétique ?

C’est pour cette raison même que le nucléaire a été construit. Et lorsque le président Macron justifie la relance du programme nucléaire autour de deux objectifs qui sont justement la souveraineté et aussi bien sûr le climat.

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