Le nuage chinois pollue le monde entier … et va coûter très cher<!-- --> | Atlantico.fr
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La qualité de l'air est si déplorable que les dirigeants chinois, habituellement si taciturnes, permettent des débats publics sur le sujet.
La qualité de l'air est si déplorable que les dirigeants chinois, habituellement si taciturnes, permettent des débats publics sur le sujet.
©Reuters

Decod'Eco

En Chine, la lutte contre la pollution est le fruit de l'addition d'une multitude de choix individuels. Pour chaque Chinois, investir dans des équipements propres reste trop cher. Le problème, c'est que les conséquences se font sentir à l'échelle du pays ... et du monde.

Byron  King

Byron King

Byron King est diplômé de l'Université de Harvard et exerce actuellement la profession d'avocat à Pittsburgh, en Pennsylvanie. Il contribue régulièrement à l’édition américaine de La Chronique Agora, le Daily Reckoning. On peut également retrouver ses analyses économiques et géopolitiques dans La Quotidienne d’Agora ou L’Edito Matières Premières.

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"La Chine suffoque : tout est de la faute des pots catalytiques... et cela pourrait avoir un effet notable sur les cours du platine et du palladium. Voici pourquoi..." - Grande muraille et purée de pois, Byron King

Vous avez sans doute entendu parler de la terrible pollution de l'air qui sévit en Chine. Avec la croissance vertigineuse des 25 dernières années, les mots "pollution" et "Chine" sont quasiment synonymes. La croissance chinoise a créé de gigantesques opportunités d'investissement récemment -- mais nous en sommes au point critique où la pollution de l'air chinois ouvre aussi des opportunités.

Un indice : pensez platine et palladium.

La pollution dans l'Empire du Milieu est absolument épouvantable. Pékin disparaît souvent dans une épaisse "soupe de pois" qui réduit la visibilité à quelques mètres. Le 12 janvier, un capteur situé sur l'ambassade des Etats-Unis à Pékin a enregistré le chiffre stupéfiant de 755 sur l'indice de qualité de l'air élaboré par l'Agence américaine de protection de l'environnement (EPA). Pour remettre les choses en perspective, cet indice ne va normalement pas au-delà de 500. De plus, l'EPA considère tout chiffre au-dessus de 100 comme "malsain pour les personnes sensibles". Au-delà de 400, l'air est "dangereux" pour tout le monde.

La qualité de l'air est si déplorable, en fait, que les dirigeants chinois, habituellement si taciturnes, permettent des débats publics sur le sujet, un peu comme pour signifier qu'"il faut faire quelque chose".

Même le People's Daily, l'organe officiel du Parti communiste, demandait en première page "comment pouvons-nous sortir de cet assaut suffocant de pollution ?"

Dans un récent entretien avec le South China Morning Post, Qu Geping, le ministre chinois de la Protection environnementale entre 1987 et 1993, a déclaré : "je dois admettre que les autorités [nationales et locales] n'ont de loin pas fait assez pour contrôler la recherche de croissance économique à tout prix, et ont échoué à éviter certains des pires scénarios de pollution que nous, en tant que décideurs politiques, avions prévu".

Jamais encore le gouvernement chinois n'avait reconnu s'être trompé aussi ouvertement.

Les raisons de la pollution

Voyons un peu plus loin que la Grande muraille de Chine. Pourquoi la qualité de l'air est-elle si mauvaise en Chine actuellement ? Eh bien, on est en hiver -- de sorte que le vent ne pousse pas la pollution vers la mer, la Corée et le Japon.

La pollution de l'air chinoise projette "une ombre mondiale", selon plusieurs années de recherches résumées dans un article du New York Times. En Amérique du Nord, des stations de surveillance sur toute la côte ouest -- de la Californie à la Colombie britannique -- déclenchent régulièrement des signaux d'alarme quand des nuages de pollution chinoise arrivent, presque intacts malgré leur voyage trans-Pacifique.

Au moins 30% de la pollution de l'air sur la Côte ouest américaine peuvent être directement attribués à des nuages "importés" de Chine, selon le magazine Chemical & Engineering News. Mais balayer la pollution chinoise vers la mer (et vers la Californie) est une "non-solution" à un problème critique -- et elle est temporaire, en plus. La clé serait plutôt de déterminer les origines du problème. La Chine doit aller à la source.

Le pire de la pollution chinoise, pour l'instant, est composé de particules fines en suspension dans l'air. Ces petites choses créent du brouillard, pénètrent dans les poumons des gens et causent toutes sortes de problèmes de santé et de sécurité.

Quelle en est l'origine ? Eh bien, la majeure partie des éléments vraiment néfastes dans l'air chinois proviennent des pots d'échappement de millions de camions et autres véhicules diesel qui écument les routes chinoises, ainsi que des innombrables générateurs électriques qui soutiennent le réseau électrique chinois peu fiable.

Alors que je creusais un peu les articles concernant la crise de la pollution en Chine ces dernières semaines, j'ai trouvé de rares (très rares !) références au manque de pots catalytiques sur la plupart des camions et des générateurs diesel en Chine.

Selon un article de l'Associated Press, les systèmes de contrôle des émissions peuvent gonfler le prix d'un camion ou d'un gros générateur -- lui rajoutant jusqu'à 3 200 $. Selon John Zeng, de la société de recherches LMC Automotive Ltd., "ce n'est pas un problème de technologie. Cela concerne plus les moyens des consommateurs. Augmenter la qualité des émissions augmente aussi largement le coût".

Regardez le dernier quart de siècle de développement chinois. La Chine était un pays "pauvre", dans le sens où son point de départ économique se situait très bas sur l'échelle du développement. Pas étonnant que les acheteurs de véhicules et de générateurs n'aient pas voulu dépenser d'argent "supplémentaire", d'entrée de jeu, pour des équipements de contrôle de la pollution.

Ce choix micro-économique était peut-être sensé pour l'acheteur individuel ces 25 dernières années. Mais si l'on additionne tout cela et qu'on calcule l'effet macro-économique de long terme ? La Chine a désormais des millions de véhicules sans pot catalytique. Pas étonnant que l'air soit aussi sale.

La Chine a atteint son point de bascule en termes de pollutions. Les Chinois vont devoir agir avant de suffoquer.

Ce que cela signifie pour un investisseur

D'où proviennent ces 3 200 $ supplémentaires ? Ils concernent en grande partie le convertisseur catalytique -- et plus précisément le coût du platine et/ou du palladium qui provoquent les réactions chimiques permettant de réduire significativement les émissions de gaz d'échappement. Sans ces métaux rares, personne ne peut fabriquer de pot catalytique.

Le palladium, en particulier, est sous les feux de la rampe dans la mesure où c'est le métal de choix pour les pots catalytiques des moteurs diesel. La demande du secteur automobile absorbe actuellement pas moins de 81% de l'offre extraite de palladium -- en hausse par rapport aux 60% d'il y a quelques années seulement.

Par ailleurs, le cours du palladium suit de très près la demande des catalyseurs automobiles. En 2000, par exemple, quand la demande de catalyseurs consommait plus de 100% de l'offre extraite (les stocks permettaient de combler le manque), les prix du palladium ont dépassé les 1 000 $ l'once.

Ce qui nous ramène à la Chine et à son problème de pollution. Il y a des raisons de croire que les Chinois commenceront à exiger plus de mesures de contrôle des émissions sur tous les nouveaux camions et générateurs, à défaut de demander le rééquipement d'anciens modèles. Et qu'est-ce que cela fera à la demande de platine et de palladium ? Elle va grimper, et les prix se renforceront.

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