Le Nord d'Israël est en feu : bientôt une nouvelle guerre avec le Hezbollah ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
International
Des incendies brûlent à la suite de roquettes lancées depuis le Liban vers le nord d'Israël, à côté de la ville de Kiryat Shmona, près de la frontière libanaise, le 3 juin 2024
Des incendies brûlent à la suite de roquettes lancées depuis le Liban vers le nord d'Israël, à côté de la ville de Kiryat Shmona, près de la frontière libanaise, le 3 juin 2024
©ALAA MAREY / AFP

Nouveau conflit ?

La milice chiite libanaise n’a cessé d’intensifier ses tirs quotidiens de missiles sur le Nord de l’Etat hébreu

François Chauvancy

François Chauvancy

Le général (2S) François Chauvancy est consultant en géopolitique. Il est aussi l'auteur de « Blocus du Qatar : l’offensive manquée. Guerre de l’information, jeux d’influence, affrontement économique ».

Voir la bio »

Atlantico : Quelle est la réalité au Nord d'Israël concernant le climat de tension avec le Hezbollah et est-ce qu'une zone démilitarisée est garantie sur le Sud-Liban ?

Général (2S) François Chauvancy : Le Sud-Liban est actuellement contrôlé par le Hezbollah, qui entretient des relations conflictuelles avec Israël. Depuis cette zone, bien avant le 7 octobre, le Hezbollah bombardait Israël quotidiennement ou presque. Il dispose de plus de 150 000 missiles et roquettes sans oublier plusieurs milliers (ou dizaines de milliers) de combattants. La résolution 1701 du Conseil de sécurité de l’ONU avait mis fin à la Seconde Guerre du Liban en 2006. Elle appelait au désarmement de toutes les forces armées non étatiques au Liban et du départ de la région située entre la frontière israélo-libanaise et le fleuve Litani de toutes les forces armées autres que l’armée libanaise et la Force Intérimaire des Nations Unies au Liban, la FINUL. Or, cette résolution n’a pas été appliquée.

Depuis le 7 octobre 2023, 14 militaires et 11 civils israéliens ont été tués. Plus de 900 destructions ont été causées par des frappes portées en grande partie dans la profondeur des six kilomètres de la zone frontalière du territoire israélien. Pour protéger ses localités, ses infrastructures et sa population, Israël demande donc toujours le retrait du Hezbollah du Sud-Liban au-delà du fleuve Litani, comme en 1982.

Bien que la FINUL soit présente depuis 1978 avec près de 10 000 soldats, dont 25% sont européens et environ 600 Français, elle ne peut agir qu'en légitime défense et n'arrête pas les frappes du Hezbollah. Ces affrontements entraînent des représailles israéliennes qui ont tué 313 membres du Hezbollah.

La situation est celle d'un conflit où le Hezbollah, bien que puissant, évite une escalade majeure, probablement sous l'influence de l'Iran, tout en maintenant une présence active par des tirs de roquettes.

Alors que beaucoup d'institutions internationales mettent la pression sur Israël, sur le respect des droits de l'homme, en quoi le fait que l'ONU ne puisse pas garantir cette zone démilitarisée ou un contexte plus apaisé pose problème au regard des tensions avec le Hezbollah ?

Ce problème persiste depuis 1978. J'étais au Liban en 1982 dans la FINUL et la situation était similaire. En tant que casques bleus, nous n'avions le droit d'intervenir qu'en état de légitime défense, en application d’un mandat établi au titre du chapitre VI de la Charte des Nations unies et toujours en vigueur.

L'ONU est très disparate sur le terrain, avec des bataillons de différentes nationalités, équipés de manière inégale. Par définition, les casques bleus au Liban ne sont pas une force de rétablissement ou d'imposition de la paix, mais de maintien de la paix, cherchant à éviter les affrontements. Historiquement, lorsqu'ils s'interposaient face au Hezbollah, cela entraînait souvent des mines sur les routes, des prises d'otages, et des attentats. Ainsi, n'étant pas une force militaire de combat, la force des Nations Unies n'intervient pas, et finalement, on ferme les yeux sur certaines actions.

Qu'est-ce qui pourrait être le pire, entre la situation actuelle avec les roquettes ou le risque d'embrasement au regard des tensions actuelles ? 

Il y a deux problèmes majeurs : éviter l'embrasement et faire revenir les 70 000 Israéliens déplacés. Actuellement, Israël fait face à des tirs de roquettes réguliers du Hezbollah, causant une insécurité constante, bien que les pertes soient limitées. Ce que souhaite Israël, c'est permettre le retour de sa population dans les colonies et villages touchés. Ces personnes avaient été évacuées dès le début de la guerre à Gaza pour éviter qu'elles ne deviennent des otages du Hezbollah. Aujourd'hui, Israël cherche à stabiliser la situation et à rétablir la sécurité.

En revanche, Israël ne souhaite pas rééditer l'opération de 2006 pour nettoyer le Sud-Liban, préférant une pression internationale sinon celle d'autres acteurs, bien que l'efficacité soit douteuse. La question se pose de savoir si l'on peut dissocier la situation de Gaza, de la Cisjordanie et du Sud-Liban. Le Hezbollah, tout en étant un acteur de déstabilisation montre un soutien indirect aux Gazaouis par des frappes modérées mais cherche à éviter un conflit direct avec Israël qui réagit aux agressions en évitant de les initier.

Au regard de ce contexte, y a-t-il un vrai risque d'embrasement, voire même d'une nouvelle guerre avec le Hezbollah, notamment avec une possible implication de l'Iran dans les mois à venir ? 

Il y a quelques mois, ce risque aurait pu être redouté. Cependant, actuellement, il semble que les Iraniens et le Hezbollah n'ont pas l'intention de s’impliquer dans un conflit.

Israël avait anticipé cette menace en mobilisant ses unités militaires au nord et pas seulement au sud. Des brigades avaient été redéployées pour répondre à des attaques éventuelles du Hezbollah, prenant en compte la possibilité d'un troisième front, le premier front étant celui de Gaza et le second celui de la Cisjordanie.

Cependant, le Hezbollah, avec ce qui s’apparente à une infanterie légère, n'est pas vraiment capable de mener une offensive conventionnelle, ses capacités se limitant à des frappes de roquettes, de missiles antichar et à des tentatives d’infiltration. Il n’est pas en position de faire pression suffisamment sur Israël. De fait, cette disparité de l’engagement des ennemis d’Israël lui a permis de garder le contrôle sur tous les fronts et de préserver une certaine liberté d'action.

Actuellement, un embrasement ne semble donc pas probable d’autant que le soutien iranien au Hezbollah peut être considéré comme étant mis relativement en sommeil depuis le 19 mai. L’Iran fait face à d'autres préoccupations, comme préparer les élections du futur président iranien après le décès d’Ebrahim Raïssi dans un accident d'hélicoptère.

Un effort coordonné des ennemis d’Israël dans les semaines succédant immédiatement à l’attentat terroriste du 7 octobre aurait pu avoir des résultats bien différents.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !