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Le maire du Havre et ancien Premier ministre Edouard Philippe participe à un débat sur le "Sommet du Grand Paris", le 29 septembre 2020, à Paris.
Le maire du Havre et ancien Premier ministre Edouard Philippe participe à un débat sur le "Sommet du Grand Paris", le 29 septembre 2020, à Paris.
©BERTRAND GUAY / AFP

La droite Edouard

L’ancien premier ministre était persuadé de pouvoir attirer à lui -et à Emmanuel Macron- toute une partie des LR. La désignation de Valérie Pécresse fragilise ses plans. Mais, avec ou sans elle candidate, que représente vraiment idéologiquement la droite incarnée par Edouard Philippe ?

Benjamin Morel

Benjamin Morel

Benjamin Morel est maître de conférences en Droit public à l'Université Paris II Panthéon-Assas.

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Atlantico : Edouard Philippe a lancé son parti Horizons, quel est le portrait-robot idéologique de ce parti, dans quelle filiation s’inscrit-il ?

Benjamin Morel : C’est un parti très à l’image de ce centre-droit qui a pu rejoindre Emmnauel Macron après 2019. Il continue à la fois une tradition centriste, issue de l’UDF et du MoDem, composante de droite qu’on retrouve marginalement dans l’électorat de Macron en 2017, et de l’autre côté la tradition juppéiste. C’est une forme de droite assez classique issue du chiraquisme et de l’UMP qui s’est, à partir des élections européennes, repliée sur le vote Macron. En 2019, l’électorat a muté, il est composé aujourd’hui d’1/3 d’électeurs de centre gauche, 2/3 de centre droit, alors que l’équilibre était plutôt inverse auparavant. Ce parti a pour ambition - pour l’instant il n’y a encore eu aucune élection permettant de juger – de récupérer ce nouvel électorat macronien et potentiellement d’élargir vers les sympathisants LR.

Sur le plan des idées, quelles sont ses idées fortes ?

Édouard Philippe propose des choses très contradictoires. Un libéralisme, mais plutôt tempéré, une mise en avant de l’unité de la République et en même temps un positionnement en faveur de la décentralisation, une affirmation de la souveraineté ainsi qu’un fort attachement à l’Union européenne. C’est un spectre idéologique assez attrape-tout de droite libérale, mais qui ne va pas au bout de sa logique sur les sujets qu’il aborde. Il n’y a pas de couleur idéologique originale. Édouard Philippe a incarné une forme de juppéisme classique en développant une approche se voulant rigoureuse sur les questions budgétaires et les réformes systémiques. Cela le distingue peut-être du reste de la majorité alors que le progressisme relatif sur les sujets sociétaux marque sa différence avec le reste de la droite.

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L’ancien Premier ministre était persuadé de pouvoir attirer à lui -et à Emmanuel Macron- toute une partie des LR. Dans quelle mesure la désignation de Valérie Pécresse fragilise-t-elle ses plans ?

Cela peut lui compliquer la tâche. Ils ont un positionnement idéologique assez semblable, mais pas sur tous les aspects. Valérie Pécresse s’attache à  un conservatisme social et développe une ligne plus dure sur les sujets régaliens qui peut parler à une partie de l’électorat, mais qui peut aussi faire peur au centre droit « orléaniste ». Donc pour Édouard Philippe, elle représente une menace sur son espace politique, mais il a aussi une possibilité de s’en distinguer. Les enquêtes d’opinion montrent actuellement que Valérie Pécresse a un électorat très disparate. Elle va puiser chez Zemmour, chez Le Pen, mais aussi dans certaines enquêtes chez Mélenchon ou Jadot. Il faut se méfier de l’effet de mode ou de l’effet Schultz comme diraient les Allemands (très haut dans les sondages avant de faire le pire score du SPD). En revanche, les enquêtes montrent qu’elle prend peu à Macron pour le moment. L’électorat « philippiste » reste donc au bercail. Pour s’imposer toutefois, Valérie Pécresse a dû polariser son discours, avec, par exemple, la proposition de territorialiser les peines (ce qui à mon sens est inconstitutionnel, voire inconventionnel). En essayant de s’adresser à un électorat de droite qui est attaché à la modération, elle risque d’avoir ces propositions qui lui reviennent en boomerang. Néanmoins, la candidature Pécresse peut empêcher Philippe d’élargir sa base vers LR.

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Valérie Pécresse n’a-t-elle pas la possibilité d’incarner les différentes tendances de LR et donc à empêcher toute fuite vers la macronie ?

Absolument. Elle est probablement l’une des candidates qui a l’éventail le plus large pour unifier le parti. Le problème c’est que sa base électorale, actuellement, représente environ 10-15% des inscrits, soit environ 15 à 20% des votants selon l’abstention. On estime pour l’instant une abstention élevée (50-45%), mais les élections présidentielles mobilisent toujours plus. En février, on verra très probablement une partie des abstentionnistes se réveiller, notamment dans l’électorat populaire et l’électorat jeune qui votent plus facilement Mélenchon ou Marine Le Pen. Le principal problème de Valérie Pécresse est qu’elle n’a pas de réserve de voix dans l’abstention. Donc plus l’abstention sera faible, plus elle baissera mécaniquement, ce qui la forcera à aller chercher des électeurs soit à la droite de la droite, soit chez Macron. Et il va être difficile d’aller chercher l’un et l’autre en même temps. Valérie Pécresse va réussir à tenir l’électorat LR, mais l’élargissement risque d’être plus hasardeux.

Dans la campagne qui s'annonce, Edouard Philippe va-t-il être l’avant-garde de la Macronie contre Pécresse ? ou va-t-il éviter la confrontation ?

Il a plutôt intérêt à s’y frotter. Macron a en tout cas intérêt à l’envoyer, car un président de la République ne fait campagne qu’à distance de ses rivaux. Il ne pourra pas rentrer dans l’arène et aura besoin de lieutenants capables d’incarner quelque chose auprès des différents électorats. Édouard Philippe est le meilleur au sein de la macronie pour ce qui est de l’habilité rhétorique et de l’incarnation et de popularité auprès de l’électorat de droite. Édouard Philippe a tout intérêt à y aller, car si Valérie Pécresse l’emporte c’est fini pour lui. A l’inverse, s’il arrive à incarner de manière structurelle la droite de la macronie dans les débats, il devient un peu plus incontournable pour les législatives et se met en avant comme le personnage central de la majorité pour les cinq années qui viennent. Si Édouard Philippe arrive à avoir un groupe parlementaire suffisant et une aura médiatique incontestée, la question de la succession ne se posera presque plus.

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Vous parliez d’incarnation. Edouard Philippe est certes populaire, mais à un profil très technocrate. Est-il véritablement capable d’incarner un courant ?

Le problème d’Édouard Philippe, c’est qu’il a une popularité qui n’est pas d’abord fondée sur une adhésion politique. Il plaît à la plupart des électorats, car il a donné le sentiment de bien gérer la sortie du premier confinement. Et il est parti « en pleine gloire », ce qui a été une erreur d’Emmanuel Macron s’il ne voulait pas qu’il lui fasse de l’ombre. L’ancien Premier ministre n’est pas encore véritablement entré dans l’arène et sa popularité actuelle n’est pas un problème tant qu’il ne se bat pas en son nom propre. S’il se retrouve en débat face à Valérie Pécresse, il risque de mettre l’électorat de droite en porte-à-faux, contraint de choisir entre sa candidate et son un personnage qu’il affectionne. Or, Philippe a pour lui une forme de stature d’homme d’Etat, Premier ministre en temps de crise, auquel ne peut pas prétendre Pécresse qui n’a pas encore exercé ses responsabilités.

Est-ce que Macron a vraiment besoin d’Edouard Philippe pour obtenir le ralliement de cadres de LR ?

Cela ne passe pas forcément par lui, mais il est sans doute le relai le plus efficace. Les autres barons de la droite ayant rejoint la macronie n’ont pas la même aura. Si Ciotti avait été le candidat LR, l’utilité de Philippe aurait été moindre, car certains auraient rejoint Macron sans médiation. Avec Pécresse et l’enjeu de l’électorat de droite, il devient difficile de se passer de son meilleur homme sur ce terrain. Cela ne veut toutefois pas dire que ça suffira. 

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