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Le match Sarkozy – Hollande va ressembler à la saison 4 de House of Cards
©Reuters

Baiser de Judas

Nicolas Sarkozy et François Hollande ont sans doute engagé une course de vitesse dont l’enjeu est de passer le premier tour des présidentielles de 2017. Hollande espère forcer le redressement de l’économie et Sarkozy doit forcer l’opposition de droite encore désunie. Aucun des deux n’est sûr, d’arriver en bon état dans sa catégorie.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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François Hollande d’abord. En décidant de ne rien changer après les élections départementales, il signifie qu'il s’est engagé dans une course de vitesse qui doit se dérouler exclusivement  sur le terrain économique. Il sait très bien que s’il s’engageait sur le terrain politique, il perdrait ce qui lui reste de crédibilité. Le premier ministre a raté la campagne pour les élections départementales en ciblant Marine Le Pen. Ça a été échec.

Ses conseils, les chefs d‘entreprise qui consultent régulièrement Manuel Valls lui ont clairement expliqué que plutôt que de détailler toutes les raisons de ne pas voter Front national, il aurait du détailler toutes les raisons de voter pour lui, pour ce qu'il fait, et pour la gauche en général.

François Hollande a donc invité Manuel Valls à revenir à temps plein sur le terrain économique parce qu'il sait mieux que quiconque que la seule chance de renverser la vapeur des pronostics pour 2017 c’est d’arriver à délivrer des résultats au niveau de l'activité et de l’emploi.

François Hollande, Manuel valls et Emmanuel Macron savent aussi qu'ils ne délivreront des résultats que si, et seulement si, ils poursuivent la politique de compétitivité qu’ils ont engagé il y a un an. D’où la détermination du premier ministre à préparer une réforme du droit du travail, d’où son projet d’assouplir le carcan fiscal pour les PME afin de déclencher des investissements, d’où sa complicité avec Emmanuel Macron pour libérer l’économie, la déverrouiller de façon à laisser les initiatives individuelles se multiplier. Parallèlement, il va poursuivre et accélérer la décru des dépenses publiques.

Pour Valls et Macron qui conduisent cette politique, comme pour la plupart des observateurs, des milieux d’affaires et des européens, c’est la seule politique possible. Elle n’est ni de droite, ni de gauche, elle est pragmatique et responsable dans le sens où elle tient compte des réalités et des contraintes internationales.

"Il faut nécessairement que nous dégagions des marges de compétitivité afin de profiter de la reprise qui souffle désormais en Europe. Il faut aussi que nous assouplissions les procédures d’embauche pour que cette reprise entraine des créations d’emplois". Sinon, on risque de connaitre une reprise sans emplois.

Tout cela, c’est assez facile à annoncer, c’est plus difficile à mettre en réaliser.

Or, pour Manuel Valls et Emmanuel Macron, c’est la seule solution pour que la famille de gauche ait une petite chance de scorer aux élections présidentielles. François Hollande est évidemment d’accord avec cette politique-là, sauf qu‘elle rencontre l’opposition de tous ceux qui à gauche, prétendent qu'il y aurait une politique alternative sans savoir précisément en définir le contenu.

Valls n a donc pas, sur le fond, à craindre des propositions de mesures qui viendraient faire concurrence aux siennes, il n’y en a pas.

En revanche, il a tout à craindre des positions politiques des uns et des autres qui jouent, à qui perd gagne. Pour Martine Aubry ou Arnaud Montebourg, chaque fois que Valls perd une partie, eux ont le sentiment de se venger et de gagner la suivante.

Le plus grave dans le genre, c’est évidement Arnaud Montebourg qui, bien qu'ayant abandonné la politique parce qu’il s’y ennuyait, tire a boulet rouge et au mépris de toute responsabilité sur son ancienne famille. En oubliant que c’est cette famille qui lui a permis d’acquérir une notoriété qui lui vaut cette influence médiatique, laquelle lui sert à polluer la vie de ses anciens camarades. C’est du joli.

Son interview aux Echos a été très mal vécue par la classe politique de droite comme de gauche (ces choses-là ne se font pas). Mais ses propos l’ont aussi déconsidéré auprès de beaucoup d’hommes d’affaires.

Martine Aubry est plus dangereuse politiquement parce qu'elle peut agglomérer une partie des députes de gauches inquiets pour leur réélection.

Martine Aubry n’a pas de programme alternatif pour autant, mais elle compte sur un scénario de rupture. Laquelle rupture serait comme en Grèce une catastrophe pour l’économie. Martine Aubry déteste Manuel Valls mais François hollande ne l’aime pas. Manuel Valls le sait, il ne se préoccupera pas beaucoup du programme de tous ces frondeurs, mais François Hollande se sentira obligé de les ménager... Ce faisant, il peut être amené à demander à son Premier ministre de freiner le rythme des réformes.

Toute la question sera de savoir si Manuel Valls en cas d’opposition interne trop frontale passera en force comme il le dit ou si, le jour venu, il cèdera aux injonctions présidentielles. Ce jour-là convaincu que François Hollande aura perdu, il partira de lui-même pour ne pas couler sa carrière avec le bateau socialiste. Allons plus loin dans le cynisme et posons-nous la question de savoir si Manuel Valls a intérêt à faire gagner François Hollande. La réponse est non.

L’intérêt de Manuel Valls est de tout faire pour développer une politique sociale-libérale à condition que les résultats n’arrivent qu’après les élections. On portera à son crédit l’amélioration, mais il  n’en fera pas cadeau à François Hollande. La gauche battue en 2017 devra se reconstruire et à ce moment-là Manuel valls pourra se présenter pour en être l’architecte.

Nicolas Sarkozy maintenant. La course de vitesse engagée par Nicolas Sarkozy est beaucoup plus politique. L’objectif de l’ancien président est de reconstruire une opposition de droite unifiée, solidaire et cohérente, le plus vite possible. Les résultats aux élections départementales ont prouvé que cette stratégie était gagnante. Il faut cependant aller plus loin qu'un simple accord électoral. Il faut une nouvelle marque, une nouvelle organisation avec des procédures claires et légitimes pour sélectionner un chef. Il faut donc aussi se mettre d’accord sur une ligne politique avec une programmation de mesures qui aient du sens.

Enorme entreprise pour Nicolas Sarkozy d’autant que la justice aussi le poursuit et s’est mise dans sa roue comme disent les cyclistes.

Entreprise difficiles parce que les barons de la droite, François Fillon, Alain Juppé, François Bayrou et les plus jeunes, NKM, Laurent Wauquiez, Xavier Bertrand, Jean-François Copé, etc, ont tous des ambitions personnelles à assouvir.

Le chantier des réformes pro-business lancé par Manuel Valls est plutôt une bonne chose pour la droite. Toutes les reformes de dérégulation qui seront mises en application par Valls sont autant de réformes en moins que la droite n’aura pas à faire. Nicolas Sarkozy n’a aucune raison d’être mécontent.

Les milieux d’affaires lui font d’ailleurs passer le message de ne pas attaquer Macron. Ce qu’il ne fait pas. Il a demandé à ses lieutenants de le faire à sa place.

Cela dit, la droite a intérêt à ce que Valls aille très loin mais n’a pas forcement intérêt à ce qu'il aille très vite en termes de résultats. Bref que Valls fasse le chantier pourvu qu'il ne soit pas achevé avant les élections présidentielles. D’autant qu'il restera à la droite à dégager un programme de campagne qui sera obligé de prendre ses distance avec ce que la gauche a fait (ou pas) ce qui ne sera pas difficile, mais qui devra aller très loin sur le front de la vérité.

La droite en 2017 ne peut pas se permettre de raconter des histoires comme François Hollande l’avait fait. Le président actuel ne perdra pas à cause de ses résultats, il perdra parce qu'il n’aura pas été capable de réaliser ses promesses de campagne.

La droite aura sans doute tiré les leçons de cette foire aux illusions.

La compétition va être terrible. Les intérêts économiques d’un côté, les logiques politiques de l’autre, sont tellement divergents que personne ne sait qui peut gagner.

Le résumé de la course n’est pas simple. François Hollande a intérêt à gagner très vite cette bataille de la compétitivité pour avoir des résultats à montrer. Son Premier ministre a intérêt à mettre en musique cette politique qui fait la part belle aux entreprises mais a-t-il intérêt a ce que cette politique produise très vite des résultats ? Pas certain.

Nicolas Sarkozy, de son coté,  doit relever le défi de l’organisation unitaire des forces politiques de droite. Ca va être compliqué. Mais parallèlement il a intérêt à ce que Manuel Valls mette en œuvre cette politique de dérégulation mais pas au point d’engendrer des résultats qui permettraient à François hollande de se redresser.

Par conséquent, Sarkozy et Hollande sont bien en concurrence frontale ; mais la logique de fonctionnement de Manuel Valls, sa trajectoire objective peut rendre service à Nicolas Sarkozy.

Si la situation politique et économique évolue selon ce scénario, la classe politique française nous fera passer la saison 4 de House of cards pour une roman à l’eau de rose

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