Le lourd poids du déclassement des parents sur la réussite des enfants<!-- --> | Atlantico.fr
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17% des enfants se sentent en situation de déclassement social.
17% des enfants se sentent en situation de déclassement social.
©Reuters

Effet domino

Le dernier rapport de l’UNICEF sur l’état de l’enfance de France permet de mesurer l’ampleur des dégâts occasionnés par la société "moderne".

Pierre Duriot

Pierre Duriot

Pierre Duriot est enseignant du primaire. Il s’est intéressé à la posture des enfants face au métier d’élève, a travaillé à la fois sur la prévention de la difficulté scolaire à l’école maternelle et sur les questions d’éducation, directement avec les familles. Pierre Duriot est Porte parole national du parti gaulliste : Rassemblement du Peuple Français.

Il est l'auteur de Ne portez pas son cartable (L'Harmattan, 2012) et de Comment l’éducation change la société (L’harmattan, 2013). Il a publié en septembre Haro sur un prof, du côté obscur de l'éducation (Godefroy de Bouillon, 2015).

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Influence des crises économiques et sociales sur les enfants

Ce n’est pas une nouveauté, mais le rapport chiffre à 17% le nombre d’enfants se sentant ou étant effectivement en situation d’exclusion ou de déclassement social. Il faut voir dans ce chiffre une forme d’accumulation des effets négatifs de plusieurs formes d’exclusions, sociale, professionnelle, familiale, scolaire, dépendant étroitement les unes des autres et que l’on ne peut prendre en compte de manière isolée. C’est donc, quand l’enfant est en situation d’exclusion scolaire, toute la famille qui est à aider sur tous les plans. Cependant, les professionnels de l’aide savent pertinemment qu’il faut aider ponctuellement ces familles sans les installer dans une autre forme d’exclusion qui serait celle de la prise en charge permanente des générations les unes derrière les autres. A cet effet, si le rapport insiste bien sur le fait que tout ne se joue pas forcément avant  sept ou huit ans, il souligne que l’intervention précoce est plus efficace et plus porteuse que celle intervenant à l’adolescence. En cela, elle confirme ce que l’on savait déjà des élèves décrocheurs ou sortant sans diplôme du système éducatif : le « décrocheur » est souvent un élève qui n’a jamais vraiment « accroché », même si on peut décrocher passagèrement.

L’école face à son rôle de réduction des inégalités

L’école peut surtout être le lieu où l’on dépiste la misère sociale et affective, d’autant plus que très majoritairement les enfants font « confiance » à l’école et expliquent qu’ils s’y sentent respectés par les adultes. Cependant, plus de la moitié d’entre eux estiment qu’ils ont un risque d’y souffrir de harcèlement ou de violence et 17% y sont plutôt mal. Si l’on a, dans d’autres enquêtes, pointé le manque de cadres, le manque d’autorité des adultes sur la jeunesse d’aujourd’hui comme l’un des générateurs de la violence, il faut bien se rappeler que cette violence, perceptible chaque jour dans l’actualité, s’exprime principalement entre les jeunes eux-mêmes, ce que l’enquête confirme. Au-delà des ces chiffres, il faut là encore retenir le cumul des « déclassements ». Du point de vue de ces enfants en situation d’exclusion ou de grande exclusion, pourquoi seraient-ils les seuls de la famille à se lever pour aller au travail ? Que viendraient-ils faire dans cette école à laquelle leurs parents sont allés et qui n’a pas su leur éviter le déclassement social ? Comment un enfant pourrait-il penser faire mieux que ses parents dans l’école où sont allés ses parents ? Le rapport pointe en conclusion, avec juste raison, le risque d’un rôle de l’école comme « reproducteur des inégalités sociales ». A l’autre bout de la chaîne, on a le même cumul, mais vertueux cette fois, pour la proportion d’enfants les mieux lotis, ce qui irait dans le sens de la duplication telle quelle des inégalités sociales.

Pourtant, tout n’est pas « plié » à l’école et la prise en compte de la sphère globale de l’enfant dès l’entrée à la maternelle et tout au long de la scolarité serait un levier à portée de l’école. Aides spécialisées, psychologie scolaire, coordination entre les services sociaux et scolaires, continuation des ces aides au collège, meilleure formation des professeurs, pourraient avoir un rôle à jouer dans l’amélioration globale du système de réduction des inégalités et de « résurrection » de ce que l’on a appelé le « rôle d’ascenseur social de l’école ».

Différence entre filles et garçons

Cette différence est toujours présente et elle est particulièrement intéressante. On la retrouve en termes d’intégration, de résultats scolaires et même actuellement de succès à l’embauche comme le met en évidence le chapitre de mon dernier livre consacré à l’entrée dans la vie professionnelle. Les filles s’adaptent mieux aux environnements et aux situations, intègrent mieux les codes de communication et de comportement. Il faut y voir une différence encore active entre les formes éducatives dispensées quasiment inconsciemment entre garçons et filles, à savoir que les adultes dans leur ensemble ont moins de réticence à frustrer les petites filles, à les assujettir très tôt à des tâches ménagères là où l’on a peur, par la frustration, d’entamer la « virilité » du petit garçon que l’on souhaite plus volontiers voir devenir « un vrai mec ». Cette différence encore visible est cependant à relativiser car en cours d’estompage, de l’avis de nombreux spécialistes.

Les items les plus alarmants du rapport

L’accès au soin et l’état de santé des enfants, dont 40% seraient dans un état général préoccupant, la peur de la violence venant des autres enfants, le manque de confiance dans les adultes et dans les cadres scolaires et familiaux, mais surtout les aspects cumulatifs des facteurs négatifs des différentes « misères » recensées chez les enfants. Cela rend plus prégnante la nécessité d’une aide globale, pas seulement centrée sur l’enfant en difficulté à l’école. 

Eléments positifs du rapport

Oui, on y apprend que les enfants jeunes de tous milieux bénéficient quand même globalement d’un cadre de vie correct durant leurs premières années. Beaucoup ont une chambre individuelle, ont accès aux jeux et jouets, à l’électronique et à l’internet, au téléphone portable… ce sont de bonnes et de mauvaises nouvelles à la fois puisque le premier besoin de l’enfant n’est pas matériel mais plutôt de sécurité affective : avoir un adulte à qui parler, à qui faire confiance, avec qui jouer ou échanger. Globalement, on peut dire que, pour les jeunes enfants du moins, l’encadrement des adultes « amortit » la misère et la violence des crises et les préserve d’une certaine manière. Egalement, l’école a encore une « cote de confiance » chez les jeunes et peut donc toujours servir de socle commun d’édification pour la société.

Les solutions

Il y en a de plusieurs ordres évidemment, tant tout le monde a bien compris qu’une situation de croissance, de plein emploi, de confiance en l’avenir chez les parents des jeunes, de stabilité professionnelle et familiale, seraient les meilleurs des remèdes mais cela ne semble pas pour tout de suite. Concrètement, la coordination entre les adultes gravitant dans l’encadrement de l’enfant, la coordination entre des professionnels bien formés, un dialogue apaisé entre parents et institutions, un dépistage précoce et une prise en compte le plus tôt possible dans la vie de l’enfant, seraient des pistes à portée de main. Une autre enquête, dans un autre domaine, montre qu’un nombre significatif de jeunes mères sortent de la maternité sans savoir vraiment où aller : le risque de déclassement commence dès les premiers souffles de vie.

A lire du même auteur : "Comment l'éducation change la société - Les jeunes, Discours non officiel", Pierre Duriot (Editions l'Harmattan), 2013. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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