Familles monoparentales : le lourd coût social et économique que l’on ne veut pas voir<!-- --> | Atlantico.fr
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La famille monoparentale est un modèle qui se répand à très grande vitesse dans les sociétés occidentales
La famille monoparentale est un modèle qui se répand à très grande vitesse dans les sociétés occidentales
©Reuters

Cécité sociale

La famille monoparentale est un modèle qui se répand à très grande vitesse dans les sociétés occidentales. Si certains y voient une simple conséquence de la modernité, cela a un coût social important pour les foyers concernés et un coût économique non négligeable pour la société.

Vincent Touzé

Vincent Touzé

Vincent Touzé est économiste senior au département des études de l'OFCE (Observatoire Français des Conjonctures Economiques).

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Atlantico : Au début des années 2000, la part des familles monoparentales était de 17,4% en France selon la CAF. Ces chiffres ont-ils augmenté depuis ? Quel coût ces familles représentent-elles en termes d'aides sociales ?

Vincent Touzé : En juin 2013, 276.530 personnes ont bénéficié du RSA avec majoration pour parents isolés. Cette majoration est perçue pour une durée limitée. Sur 2,228 millions de bénéficiaires du RSA, il y a 699.000 femmes seules avec enfants contre 51.000 hommes seuls avec enfants. Les hommes sont plus de 12 fois moins nombreux. Les parents isolés représentent donc près d’un tiers des bénéficiaires du RSA.

La Caisse d'allocations familiales (CAF) verse, en plus des allocations familiales, une allocation de soutien familial (ASF) au parent qui élève seul son enfant. Il faut noter qu’une personne qui a recueilli un enfant, qu'elle vive seule ou en couple, peut également en bénéficier. Cette allocation est de 90,40 € par mois pour un enfant privé de l'aide de l'un de ses parents en raison d’un décès, divorce ou un abandon.

Une aide à la garde d'enfants pour parents isolés (Agepi) est également versée aux parents isolés qui reprennent un emploi ou et qui suivent une formation. Cette aide est aussi versée lors de l’embauche dans le cadre d’un emploi d'avenir. L’aide peut représenter entre 170€ et 520€ par enfant.

Souvent les municipalités offrent aussi des places en crèches à des mères isolées afin qu’elles puissent exercer un emploi.

Les parents isolés soumis à l’impôt sur le revenu bénéficient d’une demi-part supplémentaire pour le premier enfant. Une telle possibilité peut encourager les couples, parents de deux enfants et non-mariés, à se déclarer comme deux parents isolés. Il faut espérer que l’administration fiscale est particulièrement vigilante à de telles comportements.

Des enfants élevés par leurs parents est toujours la solution la plus économique pour une société. En effet, recourir à des institutions ou des parents de substitution sont souvent des solutions qui peuvent s’avérer très coûteuses sans pour autant garantir de meilleurs résultats.

Il est toujours compliqué pour une personne seule d'élever ses enfants et d'occuper un emploi en même temps : dans quelle mesure les contraintes inhérentes à la famille monoparentale pénalisent-elles à la fois l'activité économiques et les finances publiques ?

Presque deux millions de familles seraient monoparentales. Plus de 2,5 millions d’enfants sont concernés. 30% de ces familles seraient sous le seuil de pauvreté. La structure de la famille monoparentale tend donc à se banaliser (près de 20% des enfants). Les causes de la monoparentalité sont multiples : divorce (principale cause dans 45% des cas), refus du père d’assumer son rôle, décès, etc. La monoparentalité peut être vu au sens stricte avec un adulte célibataire qui est la mère (85% des cas) ou le père d’un plusieurs enfants ou dans un sens élargi lorsqu’il existe un compagnon qui n’assume pas un rôle officiel. Dans un sens étendu, on trouve aussi une forme particulière de monoparentalité dans les familles recomposées. Les enfants y vivent avec seulement un de leur parent, le conjoint ou la conjointe de leur père ou mère n’assumant qu’un rôle non défini par la loi de « beau-père » ou « belle-mère ».

Une étude de l’INSEE (2008) relève que :

- les mères de famille monoparentales sont moins diplômées ;

- elles sont souvent dans une situation moins favorable dans l’emploi car elles doivent surmonter de nombreuses contraintes dont celles d’élever des enfants seuls. Il en résulte qu’elles sont plus souvent en situation de chômage ou de travail à temps partiel ;

- elles sont moins bien logées et occupent donc des logements plus petits.

D’après une autre étude de l’INSEE (2011), le niveau de pauvreté de ces familles se serait nettement accru entre 2005 et 2006.

Dans quelle mesure les familles monoparentales pénalisent-elles la progression socioprofessionnelle des enfants ? En ce qui concerne l'éducation, les familles monoparentales offrent-elles un cadre suffisant aux enfants ? Ceux-ci ont-ils tendance à être trop livrés à eux-mêmes, et avec quelles conséquences ?

Bien évidemment, l’idéal pour un enfant est d’évoluer dans une structure familiale stable, bienveillante, aimante, bien éduquée et avec des ressources financières suffisantes. Les besoins de l’enfant sont satisfaits par deux parents. D’un point de vue économique, la famille forme une communauté qui permet de mutualiser certains risques. Par exemple, avoir deux parents actifs garantit une meilleure sécurité financière au cas où l’un des deux perd son emploi. Le travail à temps partiel ou le retrait temporaire du marché du travail permet aussi d’offrir un confort aux enfants lorsqu’ils sont jeunes. La solidarité est la base de la famille. Les jeunes époux ne se promettent-ils pas d’ailleurs un soutien mutuel pour « le meilleur et le pire » ? Ainsi, lorsque l’un des deux époux est malade ou devient dépendant, l’autre est là pour lui apporter son soutien gratuit. La société n’est pas mise à contribution ou seulement à la marge. Pour un parent isolé, l’assistance ne pourra venir que de la société.

En dehors des questions en lien avec la maturation psychologique et émotionnelle de l’enfant, il y a aussi des questions qui relèvent du champ économique. La transmission de capital humain est un élément clé pour le développement de l’enfant. Avoir plusieurs adultes (en général les parents) disponibles, à l’écoute et éduqués augmente indéniablement les chances de réussite de l’enfant.

Des enfants en échec scolaire, affectif et sans repère pour devenir des adultes autonomes sont des drames individuels dont la société doit particulièrement se préoccuper. A un niveau collectif, les enfants représentent l’avenir de la société, en ce sens ils sont ce qu’elle a de plus précieux. La société doit donc être très attentive à lutter contre la pauvreté des familles et la reproduction de la pauvreté. Il faut réussir à casser une dynamique de la pauvreté qui se traduirait par un cercle vicieux : les enfants de parents pauvres deviendront pauvres à leur tour. A ces malheurs individuels, s’ajoutent de nombreux coûts pour la société tels que la délinquance ainsi que la perte de richesse liée au fait que certains enfants une fois devenus adultes n’auront pas les qualifications suffisantes pour obtenir un emploi et donc produire. La collectivité a un rôle important à jouer mais il ne faudrait pas non plus ignorer les responsabilités individuelles. Sur cette question de la responsabilité, le père de la démographie, Thomas Malthus, se voulait aussi moraliste. Il défendait ainsi l’idée que : « L'obligation de s'abstenir du mariage tant qu'on ne peut suffire à l'entretien d'une famille est un objet digne de retenir l'attention du moraliste, si l'on peut prouver que la pratique de cette vertu est un des moyens les plus efficaces pour prévenir le malheur » (Essai sur le principe de population, 1798).

Chez les spécialistes anglo-saxons en matière de politique familiale, deux thèses s'opposent actuellement. Certains soutiennent que l'augmentation du nombre de familles monoparentales est génératrice de pauvreté, alors que d'autres, à l'inverse, estiment que c'est le climat de pauvreté qui déstabilise la structure familiale. Quel est le lien de cause à effet le plus pertinent ?

Le nombre croissant de divorces montre une fragilisation de la famille. Cette tendance résulte de nombreux facteurs comme la montée de l’individualisme et aussi l’émancipation des femmes qui en ayant un meilleur accès au marché du travail ont pu accéder à une véritable indépendance financière et se libérer du joug d’un mari dominant.

Les divorces sont souvent la cause première de la monoparentalité. Mais la hausse des divorces est aussi concomitante avec celle du chômage. Le chômage frappe surtout les jeunes (population en âge d’avoir des enfants) et les populations les moins qualifiées. L’absence de travail n’est pas un élément favorable pour stabiliser les couples et pour une mère de famille seule, il devient aussi très difficile d’être pleinement disponible pour trouver un emploi. Il peut être facile de tomber dans ce cercle vicieux, plus difficile d’en sortir. La hausse du nombre de familles monoparentales sans emploi est un signe d’appauvrissement de la société.

Le taux de pauvreté chez les enfants vivant dans des familles monoparentales était de 26,1% au début des années 2000, contre 6,4 % dans les autres familles. Quels sont les facteurs qui rendent les familles avec deux parents économiquement plus viables, à tous les niveaux ?

La famille est une structure de vie communautaire (cf. infra). Sur le plan économique, pour un enfant, le fait de vivre avec ses deux parents offre :

- une plus grande sécurité financière ;

- un meilleur accès au monde des adultes et à l’information qu’ils peuvent transmettre ;

- de meilleurs effets d’échelle et donc une meilleure qualité de vie matérielle car le coût de la vie est plus faible lorsqu’on vit en couple (un logement au lieu de deux, une seule voiture au lieu de deux, un seul lave-linge au lieu de deux, …).

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