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Le FN pas républicain au motif qu'il coupe les subventions d'un certain nombre d'associations ? Petit best-of de la Cour des comptes sur les récidives desdites associations
©Reuters

Flou associatif

Selon Christiane Taubira, le parti frontiste n'est pas compatible avec la République car le FN supprimerait les moyens financiers de certaines associations.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Atlantico - La garde des sceaux Christiane Taubira mène la fronde contre le Front national en estimant notamment que dans les municipalités conquises par le parti, "des distinctions" sont faites "entre les associations par exemple qui interviennent auprès des publics les plus vulnérables" ce qui "[rompt] le pacte républicain". Mais au regard de l'opacité qui entoure le financement des associations, n'est-ce pas plutôt une bonne chose ?

Éric Verhaeghe En fait, la politique de subvention aux associations est depuis longtemps une zone de non-droit et d'opacité, où s'exerce un très large favoritisme partisan ou clientéliste. Certains l'ont très bien compris et ont monté depuis plusieurs années un petit business tout à fait astucieux, qui repose sur l'absence de données centralisées. Une même personne peut créer plusieurs associations subventionnées chacune par les pouvoirs publics, sans que personne ne cherche vraiment à savoir s'il ne s'agit pas d'une façon déguisée de se faire salarié. Que le Front National intervienne à son tour dans la danse n'est que la consolidation de pratiques "républicaines" allègrement en vigueur partout en France. Il suffit de voir l'utilisation de la réserve parlementaire pour s'en apercevoir.

- Quelles sont les associations qui profitent le plus du système de subventions tel qu'il fonctionne en France actuellement ? (sur le million d'associations qui existaient en France en 2011, la majorité des 1,2 milliard d'euros – autres chiffres plus récents aujourd'hui ? – celles qui en profitent le plus sont les associations culturelles / 7% des associations reçoivent 70% des subventions publiques)

Éric Verhaeghe Certaines associations font profession de recevoir des subventions et ne pourraient pas vivre sans elles. Rappelons que les plus gros bénéficiaires de la politique agricole commune en France sont des associations caritatives comme les Restos du Coeur, sur le train de vie desquelles il y aurait beaucoup à dire, et qui se font d'ailleurs régulièrement épingler. La Cour des Comptes, il y a quelques années, avait pointé les dysfonctionnements des Restos du Coeur qui ont des frais de gestion élevés par rapport à leur budget global. Quand des associations récoltent chaque année plus de 100 millions d'euros et en gardent un quart ou un tiers pour leurs frais de gestion, on peut vraiment s'interroger sur la dérive du système.

- En 2012, un rapport de la Cour des Comptes pointait que l'association nationale de formation professionnelle des adultes (AFPA) avait empoché la coquette somme de 226 millions d'euros. Depuis, cette "aberration juridique", comme l'appelait la chercheuse du CNRS Viviane Tchernonog, a-t-elle changé ? Aujourd'hui, l'AFPA continue-t-elle de bénéficier de subventions auxquelles elle est loin de pouvoir légitimement prétendre ?

Éric Verhaeghe Dans le cas de l'AFPA, la problématique est évidemment celle du maintien en vie d'une structure non rentable sur le marché. L'AFPA est une sorte d'administration qui devrait se financer par les activités concurrentielles qu'elle exerce. Depuis des années, l'AFPA ne parvient pas à se mettre au niveau des exigences imposées par une saine concurrence. L'AFPA sert par ailleurs à des tas de choses autres que la formation des adultes, et c'est sans doute son problème. Il est inévitable que, tôt ou tard, l'AFPA doive se passer de ces subventions qui sont autant d'aides d'Etat remboursables, selon les critères de l'Union Européenne. 

- Toujours selon ce même rapport, les premiers bénéficiaires des subventions allouées par l'Etat étaient… les fonctionnaires eux-mêmes. Agraf, Alpaf, Association touristique, sportive et culturelle des administrations financières touchent plusieurs millions d'euros de subventions : aujourd'hui, où en est-on ? Les associations des administrations sont-elles toujours aussi bien loties ?

Éric Verhaeghe Ces subventions correspondent aux moyens attribués aux comités d'entreprise dans le secteur privé. Comme pour les comités d'entreprise, les associations de fonctionnaires vivent dans la plus grande des opacités. Comme pour les comités d'entreprise, cette opacité est souvent une façon de "fluidifier" le dialogue social. La largesse de l'Etat employeur permet d'arrondir bien des conflits sociaux et de désamorcer bien des grèves ou bien des tensions.

- Les comités de tourisme sont par exemple organisés en association. A quelle hauteur bénéficient-ils des subventions allouées par l'Etat et les collectivités locales ? Est-il vraiment légitime que de tels organismes soient organisés sous forme d'association ?

Éric Verhaeghe Le problème ne me paraît pas forcément que les comités de tourisme soient subventionnés, encore que cette forme de financement ne les pousse pas à un très grand dynamisme. Je pense en particulier ici à la capacité de ces structures à mobiliser des moyens numériques pour faire connaître la France à l'étranger. Il est souvent assez hallucinant de voir qu'en dehors de campagnes simples d'affichage sur les murs, ces comités soient incapables de concevoir de façon moderne la promotion des territoires. Il me paraît surtout gênant que les comités de tourisme soient le plus souvent incapables d'expliquer le retour sur investissement de leurs actions subventionnées. Certains comités acquièrent de petits trésors de guerre parce que leurs subventions sont surtout utilisées pour payer les salaires et très peu pour promouvoir effectivement les régions. 

- En plus de constituer un gouffre pour l'Etat, le recours systématique à des associations pour des missions qui relèvent du service public ne porte-t-il pas préjudice à la crédibilité des associations elles-mêmes ?

Éric VerhaegheJe serais plus nuancé que vous. Le recours à des formes associatives peut se justifier pour des raisons de souplesse de l'action publique. Il s'agit d'une forme d'externalisation des services qui me paraît gagnante à long terme, lorsqu'elle évite de recruter des fonctionnaires. Le problème surgit lorsque les pouvoirs publics recourent aux subventions pour compenser l'inefficacité de leurs interventions directes. Se met alors en place un cycle infernal où le citoyen paie deux fois: une première fois pour des fonctionnaires incompétents, une seconde fois pour des associations dont les moyens sont opaques. 

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