La Russie évite le défaut de paiement de peu, Poutine sait qu'il lui faudra trouver un compromis<!-- --> | Atlantico.fr
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Vladimir Poutine lors d'une visioconférence depuis le Kremlin.
Vladimir Poutine lors d'une visioconférence depuis le Kremlin.
©ALEXEY NIKOLSKY / SPUTNIK / AFP

Atlantico Business

Pour ne pas faire défaut sur sa dette, la Russie a finalement honoré le paiement des intérêts, à 117 millions de dollars. Tandis que la Cour de justice internationale ordonne à Vladimir Poutine de suspendre son offensive, l'économie russe reste menacée..

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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On imaginait revivre la sitaution de 1998, la Russie qui fait défaut sur sa dette. Au dernier moment, la Russie a finalement envoyé l'argent, en dollars, aux banques américaines créancières. JPMorgan aurait reçu l'argent jeudi après-midi.

Jusqu'au dernier moment, les Occidentaux pensait que la Russie serait incapable de verser les 117 millions de dollars correspondant au paiement de coupons (c’est à dire les intérêts) sur des obligations en dollars pour deux tranches d’emprunts émises jusqu’en 2023 et en 2043. A cause des sanctions, les ressources en devises se sont taries et Moscou doit payer sa dette en dollars, au risque que cela ne soit caractérisé en défaut.

Selon l’agence Bloomberg, les investisseurs étrangers qui ont souscrit à ces emprunts auront du mal à retrouver leur argent si la guerre se poursuit. D’autant que, depuis les sanctions occidentales, Vladimir Poutine interdit de verser des dollars aux non-résidents, seulement en roubles, mais le rouble est tombé tellement bas qu’il s’apparente désormais à une monnaie de singe dont personne ne veut.

Les trois plus grandes agences de notation financière du monde, Standard & Poor’s, Moody’s et Fitch Ratings ont, dès le début de la guerre, déclassé la dette russe en catégorie « C ». En d’autres termes, c’est l’enfer pour l’emprunteur qui est inéluctablement en risque de paiement et ne pourra plus emprunter, sauf à des taux très élevés.

Vladimir Poutine ne trouvera personne dans le monde qui acceptera de le financer. Et pour cause, il s’est mis « out of the box » de son fait, « ailleurs de la réalité des affaires ».

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La guerre, les sanctions économiques et financières, les embargos et la menace de blocage total de tout commerce avec la Russie ont complètement décrédibilisé le pays qui, pourtant, compte tenu de son faible endettement (environ 20% de son PIB) inspirait confiance aux investisseurs étrangers.

Comment refuser jadis, de prêter de l’argent en dollar ou en euro à un pays qui était un des plus gros producteurs de pétrole et de gaz du monde, avec un marché intérieur de 150 millions d’habitants, et qui en plus, possède des réserves de devises considérables, plus de 1000 milliards de dollars ? Il offrait toutes les garanties nécessaires.

Que le pays ne soit pas une démocratie aussi élaborée qu’en Occident ne semblait pas préoccuper les investisseurs et les chefs d’entreprise. On évitait le sujet dans les conseils d’administration. L’essentiel était que le pays soit politiquement calme.

Et il était calme jusqu’au jour où son chef Vladimir Poutine a décidé, à la surprise de la majorité des observateurs, il faut le reconnaître, d’attaquer avec beaucoup de violence l’Ukraine. Ce jour-là, la Russie est devenue infréquentable, parce que ses pratiques étaient intolérables. Et l’Occident s’est défendu comme il le pouvait. Pas d’engagement militaire mais des aides à l’Ukraine bien sûr, et un blocus économique et financier.

Vladimir Poutine savait que la menace nucléaire interdirait à l’Europe et aux États-Unis de répondre par les armes à cette attaque, mais il s’est trompé au moins sur deux points : le premier, en sous-estimant la résistance des Ukrainiens, le second, en pensant que les sanctions économiques ne le gêneraient pas. Deux erreurs grossières. La résistance ukrainienne est héroïque et les sanctions économiques et financières s’avèrent redoutables.

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Il avait si peu prévu que les Occidentaux s’assoiraient sur leurs intérêts économiques que Vladimir Poutine avait placé ses réserves en devises à l’étranger et notamment à New-York, à Londres ou à Paris. Un comble.

En quelque jours, la Russie a perdu beaucoup de ses recettes commerciales puisque l‘activité d’import-export est bloquée, et les moyens de paiements, donc les flux financiers sont gelés. Surtout ses sacro-saintes réserves sont enfermées dans les grandes banques centrales à l’étranger, près de 630 milliards de dollars.

Alors Vladimir Poutine continue de vendre du gaz, parce que l’Europe en a besoin (l’hiver n’est pas fini), mais ce revenu-là (en gros, 1 milliard par jour) ne suffit pas à financer le fonctionnement du pays : les retraites, les assurances sociales, les rémunérations de fonctionnaires, les services publics, et encore moins l'effort de guerre, toutes ces dépenses sont en risque de non-paiement et d’inflation explosive liée à l’écroulement du rouble.

Du coup, la Russie va avoir de plus en plus avoir du mal à honorer les paiements de coupons envers ses créanciers étrangers. Si la guerre continue, elle n'aura d'autre choix que de faire défaut sur sa dette.

La Russie serait un pays normal et respectueux du droit, elle se tournerait vers le FMI (ça arrive à des gens très bien, les Français en 1958) et dans ce cas-là, les experts du FMI arriveraient à Moscou en mobilisant les créanciers, les grandes banques mondiales en rééchelonnant la dette, et en suggérant des règles de gestion.

Mais la Russie n’appellera pas le FMI, qui d’ailleurs, ne viendrait pas. Vladimir Poutine essaiera de gérer la grogne interne, qui ne va pas manquer de s’amplifier. Dans l’état actuel de la situation, il aura même du mal à trouver des lignes de crédit chez certains de ceux qui auraient les moyens de lui en ouvrir, comme la Chine.

Vladimir Poutine n’a qu’une solution, surveiller son peuple et son entourage ou alors, dans un éclair de lucidité, ouvrir une porte à la négociation.  L’argent n’a pas d’odeur, dit-on. Sans doute, mais il a souvent la capacité de régler une crise. Parce que la crise parfois, ça rend intelligent. Si seulement si...

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