Courrier pour le 56, rue du Faubourg Saint-Honoré
Le couvre-feu à 18 heures ? Récit détaillé et joyeux de quelques minutes passées en Absurdistan…
C’est du vécu.
Benoît Rayski
Benoît Rayski est historien, écrivain et journaliste. Il vient de publier Le gauchisme, maladie sénile du communisme avec Atlantico Editions et Eyrolles E-books.
Il est également l'auteur de Là où vont les cigognes (Ramsay), L'affiche rouge (Denoël), ou encore de L'homme que vous aimez haïr (Grasset) qui dénonce l' "anti-sarkozysme primaire" ambiant.
Il a travaillé comme journaliste pour France Soir, L'Événement du jeudi, Le Matin de Paris ou Globe.
Le couvre-feu à 18 heures s’applique sur tout le territoire et pour tous. Les magasins restent donc ouverts jusqu’à 18h. Ce qui veut dire qu’à 17h59 on peut encore y effectuer des achats.
Je me suis rendu dans une grande surface pour y faire quelques courses. Il y avait du monde et j’en suis sorti approximativement à 17h57. Sur la route il y avait un contrôle de gendarmerie. Il était 18h passées.
« Bonjour, m’a dit poliment le gendarme. Vous ignorez qu’il y a un couvre-feu à 18h ? ». « Je le sais, ai-je répondu, mais je reviens d’un supermarché ». Le gendarme m’a dit « 18h c’est 18h ! ». J’ai tenté de le raisonner : « mais les magasins restent pourtant ouverts jusqu’à 18h. ».
« Ah, m’a-t-il rétorqué, mais ce n’est pas mon problème ». J’ai insisté : « mais si les magasins ne tirent pas leur rideau avant 18h, il est normal que je puisse en sortir après 18h ».
Je l’ai senti malheureux et perdu : « je ne veux pas le savoir. Si vous voulez comprendre pourquoi les magasins sont ouverts jusqu’à 18h adressez-vous aux autorités compétentes » m’a-t-il dit. Un peu énervé car j’étais pressé de rentrer chez moi, j’ai légèrement élevé la voix : « les autorités compétentes ? Non les autorités incompétentes ! ».
Alors il m’a indiqué que sa fonction l’empêchait de partager mon jugement mais, dans son regard j’ai cru déceler une lueur d’approbation. Il a entrepris de me verbaliser. J’ai protesté : « mais puisque je vous dis que j’étais au supermarché ».
Comme il était compréhensif, il m’a demandé la preuve que je disais vrai. « La preuve ? ». « Oui votre ticket de caisse ». Je lui ai dit que je ne les collectionnais pas. Et qu’il avait atterri direct dans la poubelle de la caissière. « Vous allez donc devoir payer » m’a dit le gendarme.
Je n’avais pas d’argent sur moi et j’ai sorti ma carte de crédit. L’air désolé, il m’a fait savoir qu’il n’était pas équipé pour ça. « Présentez-moi votre pièce d’identité pour que l’on puisse envoyer le PV à votre domicile ». « Je ne l’ai pas sur moi ». Le gendarme a relevé le numéro du véhicule dans lequel j’étais. « Comme ça on vous retrouvera ».
Quand le gendarme et moi nous nous sommes quittés, il était aux alentours de 18h30. Au cas où il y aurait un nouveau contrôle plus loin sur la route, je lui ai demandé une attestation pour éviter de perdre du temps avec un autre gendarme. « Ça ne fait pas partie de mes attributions » m’a-t-il indiqué.
J’en suis là. Je suis reparti le cœur léger. Quant au gendarme, je suis sûr qu’avec la tempête que j’ai fait souffler sous son crâne, il doit être en proie à d’indicibles tourments. Après cette victoire j’en veux une autre. Je compte me poster un peu avant 18h devant le 56, rue du Faubourg Saint-Honoré.
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