Atlanti-culture
Le coup de coeur de la semaine : "Le monde d'hier", un texte d'une splendeur exigeante
Le Théâtre des Mathurins présente une admirable adaptation théâtrale du texte le plus poignant de Stefan Zweig, l'auteur étranger le plus lu par les Français.
L’auteur
A la fois mémoires et testament intellectuel, le Monde d’hier. Souvenirs d’un Européen, est à l’évidence le texte le plus poignant de Stefan Zweig. Il l’écrit en exil, au Brésil, dans les mois qui précèdent son suicide en février 1942, après avoir été, dit-il, "le témoin de la plus effroyable défaite de la raison et du plus sauvage triomphe de la brutalité…". Lui qui fut un des plus brillants esprits de la Mitteleuropa a vu son univers balayé par les nazis et ses œuvres brûlées parce que “juives”. C’est la première fois que le livre, publié à titre posthume en 1944, est adapté au théâtre.
Thème
La Mitteleuropa, c’est d’abord l’esprit viennois, au cœur d’un extraordinaire bouillonnement intellectuel et artistique que ne bride pas, loin s’en faut, l’autorité éclairée des Habsbourg. Y fleurit une élite culturelle européenne, cosmopolite, l’équivalent en quelque sorte, pour le monde germanique, du Grand Siècle français. C’est ce “paradis” que Zweig décrit dans le Monde d’hier, avant d’en raconter le délitement après le désastre de la Première Guerre mondiale.
Points forts
Grand spécialiste de Zweig, Laurent Seksik a réalisé le tour de force d’adapter sans le trahir l’esprit du livre en un peu moins d’une heure trente de spectacle (l’original fait cinq-cents pages en Poche). Le texte de Zweig est d’une splendeur exigeante ; Jérôme Kircher, seul sur scène, le sert admirablement, sans superflu.
Points faibles
Un détail : Kircher joue à juste titre sur le ton de la confession et les quelques notes de musique qui, de-ci de-là, accompagnent le propos, troublent parfois l’attention.
En deux mots
Ne vous attendez pas à trouver sur scène une imitation d’intellectuel années trente à la mise bourgeoise. Jérôme Kircher ne porte ni lunettes ni cravate : il n’est pas Zweig, mais ce qui se passe dans la tête de Zweig, un exilé, un vagabond en bout de course, avec pour derniers biens une chaise, son livre et un verre d’eau. Et c’est vraiment réussi.
Une phrase
"J’ai vécu dans l’avant-guerre la forme et le degré les plus élevés de la liberté individuelle et, depuis, le pire état d’abaissement qu’elle eût subi depuis des siècles…"
Recommandation
Excellent
Théâtre
Le monde d’hier
La Mitteleuropa, chronique d’un paradis perdu
De Stefan Zweig
Adaptation : Laurent Seksik
Mise en scène : Jérôme Kircher et Patrick Pineau
Avec Jérôme Kircher
Informations
Théâtre des Mathurins
36 rue des Mathurins
75008 Paris
Réservation : 01.42.65.90.00.
Jusqu’au 19 juin
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