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Le confinement, cette figure classique de la popculture
©BERTRAND GUAY / AFP

Maintenant que nous pouvons tous en juger

L'enfermement, qu'il s'agisse d'une mise-en-quarantaine ou d'un confinement semblable à celui auquel nous sommes aujourd'hui confrontés en pleine crise de coronavirus, est très présent dans la pop culture. Films, séries et même émissions de télé-réalité en font régulièrement leurs propres représentations.

Nathalie Nadaud-Albertini

Nathalie Nadaud-Albertini

Nathalie Nadaud-Albertini est docteure en sociologie de l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS) et et actuellement chercheuse invitée permanente au CREM de l'université de Lorraine.

 

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Atlantico : "Panic Room", "Les autres", ou encore plus récemment "Swallow", trois exemples de films dans lesquels les personnages évoluent en confinement ou quarantaine. Dans chacun de ces films, la représentation qui est faite du lockdown est assez terrible, tirant bien souvent vers le dramatique. Le cinéma ne voit-il dans le confinement que son aspect effrayant ? Pourquoi une telle représentation du confinement ? Pourquoi n'aborder la question que dans des thrillers ou des films d'horreur ? 

Nathalie Nadaud-Albertini : La question du lockdown est abordée sous un aspect dramatique dans des thrillers ou des films d’horreur parce que cela implique une mise en retrait de la vie sociale. Or, nos normes et nos valeurs font que nous considérons qu’une personne doit être en interactions avec ses semblables. Si elle s’exclut de la communauté, on la perçoit en terme d’anormalité et l’on considère qu’elle souffre d’une pathologie mentale qui s’exprime à travers un lien absent, défait ou malade.

De fait, lorsque, dans un film, on représente un confinement, on l’envisage comme une rupture d’un état heureux qui permet au récit de se nouer et de progresser jusqu’au rétablissement d’un état harmonieux où les secrets sont révélés, les traumatismes dépassés, et où la pathologie du lien laisse la place à un lien sain.

On pourrait envisager des intrigues sur des personnes recluses volontairement, comme certains ermites, qui choisissent de s’exclure de la société de façon temporaire ou permanente pour y accomplir une quête personnelle, une sorte de voyage initiatique intérieur. Mais, il n’existe pas à ma connaissance de tels films, du moins parmi les films à succès.  

Retrouve-t-on cette même association entre confinement et danger dans l'univers des séries ? En quoi est-ce que la représentation qui est faite du confinement dans les films et séries est représentative de l'image que l'on s'en fait dans l'imaginaire collectif ?

Oui, on retrouve cette association. Elle intervient de façon diverses selon les séries. Par exemple, dans La Casa de Papel, on a une situation où les braqueurs sont enfermés à l’intérieur de la Fabrique nationale de la monnaie et du timbre. L’enjeu de l’intrigue est de voir comment ils vont réussir à sortir, mais aussi comment ils vont gérer le rapport avec les otages et avec les policiers à l’extérieur. On retrouve bien l’idée de danger, et ce de différentes façons. D’abord venant des policiers à l’extérieur, ensuite venant des relations entre otages et braqueurs, le tout assorti d’un questionnement sur qui est l’autre. Est-il dangereux ou non ? On le voit notamment dans la relation entre Raquel Murillo, l’inspectrice chargée de résoudre l’affaire du braquage, et Le Professeur, le cerveau de l’opération. Ils se parlent en tant qu’inspectrice et que cerveau du braquage mais ils se fréquentent également à l’extérieur où Le Professeur endosse l’identité de Salva. Un lien amoureux se crée entre eux, et finalement, Raquel bascule dans le clan des braqueurs où elle prendra le nom de « Lisbonne ».

On retrouve également l’idée d’enfermement et de danger dans Lost, les disparus. Cette série, très en vogue il y a une dizaine d’années, met en scène des rescapés d’un accident d’avion échoués sur une île. Ils doivent y vivre ensemble, coupés du monde qu’ils ont connu jusque-là et également avec « les Autres », les habitants de l’île supposés hostiles et menés par un chef spirituel, Jacob. L’intrigue repose sur l’idée de devoir survivre dans un univers où le danger est permanent et où le pire est rarement décevant en terme de violence.

Dans les séries, l’alliance entre confinement et danger se retrouve également dans le thème général de l’enlèvement. On est toujours face au même schéma : un psychopathe ayant, par le passé, souffert de liens familiaux dysfonctionnels enlève une ou plusieurs personnes pour la/les séquestrer. S’ensuivent des sévices psychologiques et/ou physiques allant parfois jusqu’à la torture, le viol ou la mort. On le retrouve dans de nombreuses séries, dont Esprits Criminels où à chaque épisode un psychopathe sévit et les profilers du FBI doivent le démasquer et l’arrêter, ou dans You où Joe, un harceleur psychopathe n’hésite pas à enfermer diverses personnes dans une cage en verre et à les tuer s’il estime qu’elles sont un obstacle à sa relation avec Beck, la jeune femme qu’il espionne jour et nuit.      

A contrario, depuis les années 2000, notamment depuis Le Loft en France, la télé-réalité de confinement est populaire. Comment expliquer qu'une situation régulièrement dépeinte comme tragique et vue bien souvent comme étant effrayante rencontre un tel succès sur le petit écran ? Cela a-t-il contribué à changer notre vision de l'enfermement ? 

Lors de l’avènement de la téléréalité en France avec Le Loft en 2001, on s’est dans un premier temps beaucoup interrogé et inquiété des conséquences d’une émission d’enfermement. On se demandait notamment quelles conséquences cette réclusion volontaire sous les yeux du public aurait sur la santé mentale des candidats. Cette inquiétude a contribué au succès de l’émission parce que les tribunes de journaux l’ont abondamment relayée et ont ainsi permis à l’émission de « faire le buzz ». Le fait d’entendre autant parler de l’émission a conduit de nombreuses personnes à regarder, pour se faire une opinion sur ce sujet qui était sur toutes les lèvres à  l’époque.

Mais ce n’est pas ce qui a conduit les téléspectateurs à continuer à suivre le programme jusqu’à la fin. C’est davantage l’attachement à tel ou tel candidat qui a fait que les téléspectateurs ont continué à regarder, et la nouveauté du dispositif qui permettait de soutenir son candidat préféré en votant pour lui. On voulait voir comment l’histoire allait se terminer tout en essayant de la faire évoluer dans le sens de son participant favori.

Aujourd’hui, les émissions de téléréalité reposant sur l’enfermement des candidats existent toujours, mais elles ne suscitent plus cette vive inquiétude. On s’est habitué à ce genre de concepts et l’on ne pense plus aux conséquences négatives de l’enfermement. On s’intéresse plutôt aux dynamiques relationnelles entre les candidats. Ainsi, récemment, on a regardé Love Island pour voir les relations amoureuses entre les participants, et éventuellement les faire évoluer via l’appli dédiée à cet effet.  

Cependant, le fait de ne plus accueillir avec anxiété les programmes de téléréalité où les candidats évoluent dans un périmètre restreint ne signifie pas que notre vision de l’enfermement a changé. Il fait toujours peur, mais on a pris l’habitude d’oublier cette crainte lorsqu’il est question d’émissions de téléréalité.

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