Le CICE : un impact positif à court terme, mais malheureusement pas de changement de structure<!-- --> | Atlantico.fr
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Le CICE est un crédit d’impôt, calculé en proportion de la masse salariale, hors salaires supérieurs à 2,5 fois le SMIC.
Le CICE est un crédit d’impôt, calculé en proportion de la masse salariale, hors salaires supérieurs à 2,5 fois le SMIC.
©Reuters

Bilan à ce jour

Le montant du Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) déjà déclaré fiscalement atteint 8,7 milliards d’euros. Un montant plus faible que celui initialement annoncé.

Banque Crédit Agricole

Banque Crédit Agricole

Souvent appelé la Banque verte du fait de son activité d'origine au service du monde agricole, la Banque Agricole est un réseau français de banques coopératives et mutualistes qui est devenu depuis 19902 un groupe bancaire généraliste international.

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Même s’il est bien évidemment trop tôt pour dresser un bilan définitif du CICE, il est intéressant de se pencher sur son impact effectif depuis le début de l’année. Pour rappel, le CICE est un crédit d’impôt, calculé en proportion de la masse salariale, hors salaires supérieurs à 2,5 fois le SMIC. Ce crédit d’impôt est imputé au moment de la liquidation du solde de l'impôt sur les sociétés ou de l'impôt sur le revenu. L'excédent non imputé constitue une créance au profit de l'entreprise, qui sera utilisée pour le paiement du solde de l'impôt dû au titre des trois exercices suivants. Les entreprises bénéficient donc effectivement du crédit d’impôt à partir de l’année suivant celle du versement des salaires qui ont servi à son calcul.

Un effet pour l’instant modeste

Notre scénario initial a légèrement surestimé la croissance française pour l’année 2014 (nous tablions, en début d’année, sur une croissance de +0,8% en moyenne annuelle, contre +0,5% actuellement). L’impact favorable du CICE, tant sur les marges des entreprises que sur l’investissement, a en effet pour l’instant été décevant. Le taux de marge des sociétés non financières (SNF) a certes rebondi au premier trimestre (à 29,8%, après 29,4%), avec la première comptabilisation du CICE en tant que subvention de production. Toutefois, le repli observé entre mars et juin a douché les espoirs de reconstitution rapide de la profitabilité des SNF françaises. L’investissement des entreprises a continué à fortement reculer (0,6% et 0,7% t/t aux premier et deuxième trimestres). L’analyse de la décomposition du taux de marge des SNF est instructive. Deux éléments expliquent le repli observé au deuxième trimestre : Pour ne pas répercuter la totalité des hausses de TVA sur les prix, les entreprises ont absorbé une partie de ces hausses dans leurs marges. Hausses de TVA qui, rappelons-le, financent en partie le CICE. D’où une contribution négative du ratio du prix de la valeur ajoutée et du prix de la consommation à l’évolution du taux de marge (cf. graphique ci-dessous). Par ailleurs, les salaires réels ont continué à progresser plus rapidement que la productivité, qui a légère ment reculé. Ce repli de la productivité sur la période récente est la conséquence du tassement de l’activité observé depuis le début d’année, freinage qui ne s’est pas accompagné de destructions d’emploi. Au deuxième trimestre, l’emploi dans les secteurs marchands non agricoles a même augmenté (+8300 postes). Cette bonne performance s’explique en grande partie par la progression des effectifs dans l’intérim. Les effectifs intérimaires, comptabilisés dans le secteur tertiaire quel que soit le secteur dans lequel ils effectuent leur mission, ont rebondi sur le trimestre (+14 000 postes). Plus globalement, l’emploi du secteur tertiaire marchand hors intérim a également progressé (+11 200 postes). À l’inverse, la baisse de l’emploi dans l’industrie et dans la construction s’est poursuivie (respectivement, 8 100 et 8 800 postes).


Cliquez sur le graphique pour l'agrandir

Ainsi, à défaut d’entraîner un rebond du taux de marge, le CICE a certainement permis jusqu’à présent d’éviter un plus fort repli de ce ratio, dans un contexte où les augmentations salariales, la résistance de l’emploi et les hausses d’autres impôts (type TVA) sont venues grever les profits des entreprises. Notons que le montant du CICE étant à peu près

équivalent entre les premier et deuxième trimestres, il est logique, toutes choses égales par ailleurs, que le taux de marge ne s’améliore pas à nouveau au deuxième trimestre.

Les raisons de cet impact pour l’instant modéré sur les marges

Des montants mobilisés plus faibles que prévu. Les montants réellement mobilisés dans le cadre du CICE sont moins élevés que ceux initialement prévus. 13 milliards d’euros avaient été annoncés dans les prévisions initiales pour la première année, puis 12,3 milliards d’euros en deuxième estimation, calculée à partir des données sociales 2013.

Le montant du CICE déjà déclaré fiscalement, comptabilisé en septembre 2014, atteint 8,7 milliards d’euros.

Deux éléments peuvent notamment justifier cet écart entre estimé et réalisé. Les déclarations des entrepreneurs soumis à l’impôt sur le revenu ou les sociétés en exercice décalé n’ont pas été intégrées dans les 8,7 milliards d’euros déjà déclarés. La complexité du dispositif ou peut être davantage son apparente complexité a pu freiner la mise en œuvre de la mesure. Par ailleurs, compte tenu de l’étalement possible de cette créance sur trois exercices, le réel impact fiscal pour l’année 2014 est encore moins important (5 milliards d’euros environ). Des choix d’affectation différents en fonction des secteurs. La part de la masse salariale concernée par le CICE (salaires entre 1 et 2,5 SMIC) diverge fortement entre les secteurs d’activité, variant de 34% à 89%(source: comité de suivi du Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi). Cette part est plus forte dans les secteurs où les salaires sont peu élevés, à l’instar des activités de services administratifs et de soutien (86%), de l’hébergement et de la restauration (89%). À l’inverse, elle n’atteint que 61% pour l’industrie manufacturière. Cette répartition sectorielle très hétérogène n’est pas neutre, puisque les choix d’affectation des montants perçus par les entreprises dans le cadre du CICE sont très différents.D’après une enquête INSEE publiée en septembre. Dans le secteur des services, 48% des entreprises considèrent que le CICE aura uneffet positif sur leur niveau d’emploi. Elles ne sont que 34 % dans l’industrie. La divergence est également très marquée concernant les salaires. Dans le secteur des services, 41% des entreprises estiment que le CICE permettra des salaires plus élevés. Elles ne sont que 26% dans l’industrie. À l’inverse, les entreprises industrielles sont plus nombreuses à estimer que le CICE sera destiné à accroître le résultat d’exploitation (52%, contre 46% dans le secteur des services). La part des entreprises utilisant majoritairement ce montant pour investir est également plus forte dans l’industrie que dans les services (58%, contre 52%).

Ainsi, si les chefs d’entreprise affectent les montants reçus dans le cadre du CICE tels qu’ils l’ont déclaré, l’impact sera plus fort en termes de taux de marge et d’investissement dans le secteur industriel. Plus important en termes de salaires et d’emploi dans le secteur des services. Ces résultats sont économiquement justifiés. Les entreprises industrielles, davantage tournées vers

l’international, sont davantage impactées par une amélioration de la compétitivité qualité de leurs produits. Elles ontdonc intérêt à investir, pour accroître à moyen terme leurs exportations. À l’inverse, compte tenu de la faiblesse des gains de productivité par tête dans le secteur des services, il est peu étonnant que les chefs d’entreprise évoluant dans ce secteur prévoient de profiter du CICE pour accroître leurs effectifs, si la

reprise attendue de l’activité se met en place. Le CICE participe alors à l’enrichissement de la croissance française en emplois. Compte tenu de la répartition sectorielle du CICE, il est finalement peu étonnant de constater que l’impact est pour l’instant plus fort en termes d’emploi et de salaires, que de profitabilité.

Notons également qu’environ 30% des entreprises, quel que soit le secteur considéré, estiment que le CICE aura un effet baissier sur les prix de vente, entretenant ainsi le mouvement désinflationniste observé actuellement (cf. prochain Perspectives France sur l’évolution des prix, publié en octobre).

Conclusion : une politique d’offre, qui devient soutien de la demande

Il n’est pas question de remettre en cause l’efficacité du CICE. Les 20 milliards d’euros par an (en rythme de croisière, à partir de 2016) auront indéniablement un impact favorable sur l’économie. Un impact positif, certes, mais pas forcément celui recherché initialement. Rappelons que le CICE a été instauré suite aux propositions de Louis Gallois, visant à améliorer la compétitivité-qualité française. Au regard du ciblage des salaires retenu, c’est la demande,

Via la résistance de l’emploi et l’effet haussier sur les salaires, qui tire pour l’instant le plus profit du CICE. En conséquence, on peut penser que d’une politique de soutien de l’offre, le CICE est finalement devenu une politique de soutien de la demande. Le CICE est donc certainement très utile à court terme, compte tenu du contexte économique morose, mais moins efficace à long terme, comme en témoignent les nombreuses politiques déjà menées en ce sens en France. Ainsi, le CICE, bien qu’utile, ne permettra peut-être pas à lui seul le changement espéré du modèle économique français. Un ciblage sur des salaires plus élevés aurait été probablement plus efficace. La consommation devrait rester le pilier de l’activité, et l’investissement, seulement suiveur de la reprise.On peut toutefois penser que la mesure du

pacte de responsabilité ciblée sur les hauts salaires, mise en place à compter de 2016, aura un effet plus direct sur l’offre, permettant réellement d’atteindre l’objectif de redressement des profits, de hausse de l’investissement et d’amélioration de la compétitivité. De plus, le cumul du CICE et du pacte de responsabilité représentera 40 milliards par an d’aides aux entreprises (en 2016-2017), ce qui devrait impacter favorablement les profits et l’investissement. Enfin, les montants du premier semestre étant faibles du fait notamment de l’étalement possible de cette créance, on peut espérer des montants plus forts que prévu en 2015 et au-delà.

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