Le cas Thomas Thévenoud : centre des impôts, Bercy, Arnaud Montebourg… qui pouvait savoir quoi sur ses problèmes d’impôts<!-- --> | Atlantico.fr
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Thomas Thévenoud.
Thomas Thévenoud.
©Reuters

Aveugles et sourds ?

Thomas Thévenoud a été épinglé jeudi 4 septembre par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique pour ses déboires avec le fisc. Démissionné du gouvernement et exclu du PS, il n'a pas renoncé à son poste de député.

Bercy pouvait-il tout ignorer de la situation fiscale de Thomas Thévenoud ? Nommé secrétaire d'Etat au commerce extérieur le 25 août, ce député proche d'Arnaud Montebourg a fait l'objet d'un contrôle fiscal déclenché par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique comme le prévoit la loi depuis le mois d'octobre 2013. Contrôle fiscal à l'issue duquel Thomas Thévenoud aura été démis de ses fonctions pour avoir déclaré ses revenus avec retard en 2012 et en 2014 et pour avoir simplement "omis" de les déclarer en 2013. L'intéressé s'estime depuis quelques années "débordé" par son engagement public.

Si la Haute Autorité a prouvé son efficacité en épinglant Thomas Thévenoud, l'usage voudrait que le secrétaire général du gouvernement eut pourtant procédé à ce genre de vérifications avant la nomination du gouvernement. La vérification est en principe faite auprès de la Direction générale des finances publiques, estime un ancien membre de cabinet à la direction du Budget. Cette pratique est-elle tombée en désuétude depuis ? "Il se pourrait aussi que la nomination de Thomas Thévenoud se soit faite dans la hâte, ne laissant pas le temps au secrétaire général du gouvernement de faire ces vérifications", estime une autre source familière du fonctionnement de Bercy. Cette même source affirme même que Bercy disposait il y plusieurs années de cela d'une cellule non-officielle qui scrutait tous les élus relativement importants. Quand bien même cette cellule existerait toujours, Thomas Thévenoud n'appartenait peut-être pas aux élus suivis de près. L'administration de Bercy est effectivement en capacité de connaître la situation de chaque élu mais les vérifications ne sont pas systématiques. Le centre des impôts dont dépendait Thomas Thévenoud qui a le premier constaté les irrégularités a toute latitude pour gérer les règlements amiables à son échelle et n'est pas tenu de faire remonter l'information. Peut-on pour autant affirmer qu'il ne l'a pas fait ? Rappelons que Thomas Thévenoud est un proche d'Arnaud Montebourg qui, au moment où les "oublis" de son protégé ont été constatés par le fisc, était encore ministre de l'Economie.

Alain Lamassoure qui fut ministre délégué au Budget entre 1995 et 1997, a confirmé l'existence d'une cellule centralisée à Bercy qui surveillait les personnalités importantes du monde politique, économique ou encore artistique. "L'administration connaissait vraisemblablement la situation fiscale de Thomas Thévenoud", estime-t-il tout en soulignant que l'échelon politique n'avait pas nécessairement été mis au courant. "Sinon, jamais Thomas Thévenoud n'aurait été appelé à participer au gouvernement. Mon sentiment est que cette nomination a été faite dans la précipitation."

Thomas Thévenoud qui s'est expliqué dans le Journal de Saône et Loire a déclaré qu'il avait en 2012 déposé sa déclaration de revenus avec retard tout comme en 2014 et qu'en 2013 l'absence de déclaration lui avait valu une taxation d'office. Une somme dont il se serait acquitté le 1er septembre 2014 pour un montant de 41 475 euros. 

Contacté par Atlantico, Jean-Marc Plantade, qui dispose d'informations plus précises sur cette affaire, estime que "venant de quelqu’un qui a, semble-t-il, trompé le fisc pendant des années, l’explication fournie par Thomas Thévenoud au journal de Saône-et-Loire est à prendre avec beaucoup de pincettes".

Jean-Marc Plantade, qui fut membre du cabinet de Christine Lagarde, revient ci-après dans le détails sur les procédures dont fait l'objet Thomas Thévenoud et sur les échelons de l'administration qui étaient visiblement au courante de sa situation :

"Si sa situation fiscale était si claire et transparente qu’il le prétend aujourd’hui il n’aurait pas été remercié aussi sèchement par le Premier ministre et le président de la République. Force est de constater que, compte tenu du climat politique pour le moins explosif, le doute ne lui a pas profité, pas plus qu’à son épouse qui s’est faite débarquer de son poste à la présidence du Sénat.

Comme pour tout contribuable, l’administration fiscale a reçu des informations des employeurs de M. Thomas Thévenoud. Elle a constaté qu’il n’avait pas rempli la déclaration qui lui avait été adressées. En effet, selon mes informations, en application des règles prévues par la procédure fiscale, plusieurs courriers lui ont été envoyés. Comme M. Thévenoud a dû faire la sourde oreille, l’administration a procédé à une taxation d’office de ses revenus.

Le foyer fiscal Thévenoud faisait bel et bien l’objet d’une procédure d’imposition d’office. C’est-à-dire que l’administration, ayant constaté l’absence de déclarations de revenus, avait d’ores et déjà procédé à une estimation de revenus (grâce aux déclarations des employeurs) et avait donc calculé l’impôt dû.

En revanche, il est certain que la Direction générale des finances publiques, la DGFIP, a été informée de la teneur de la déclaration de patrimoine faite par M. Thévenoud, alors député, à la Haute autorité en charge de la transparence de la vie publique. Les manquements constatés à cette occasion ont donc, toujours selon mes informations, été transmis à l’ensemble de la chaîne hiérarchique des Finances publiques. Y compris jusqu’au ministre du Budget. Dans ce genre de dossier, il est très difficile d’imaginer que la hiérarchie, c’est-à-dire le ministre, n’ait pas été informé…

Il faudrait donc que Michel Sapin ou son collègue du Budget explique clairement le processus de traitement par la DGFIP des dossiers parlementaires."

Quant à savoir si le ministre en charge de la fiscalité et son cabinet aient été mis au courant ? "Un loupé a pu avoir lieu au moment précis de ladite nomination", admet Jean-Marc Plantade. Puis de reconnaître, un brin sarcastique l'utilité de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique :

"Les yeux dans les yeux (rires) Thomas Thévenoud peut remercier Jérôme Cahuzac qui de ce point de vue aura permis de faire bouger les lignes." 

"Il reste malgré tout incroyable de  constater  qu’un jeune élu de 40 ans, ancien membre du cabinet de Laurent Fabius, ministre des Finances entre 2000 et 2002, se permette avec une telle légèreté de se libérer de l’obligation de payer l’impôt. Quand un ministre ne paye pas ses impôts, on est en droit de se poser quelques menues questions sur le fonctionnement de notre démocratie."

Carole Dieterich

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