Le cardinal américain qui destituerait le pape François, s’il pouvait<!-- --> | Atlantico.fr
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Burke, qui n’est pas un ami du pontife, est aussi un ultra-conservateur qui a déclaré que les catholiques américains membres du parti démocrate, John Kerry et Nancy Pelosi, devraient se voir refuser la sainte communion parce qu’ils sont pro avortement.
Burke, qui n’est pas un ami du pontife, est aussi un ultra-conservateur qui a déclaré que les catholiques américains membres du parti démocrate, John Kerry et Nancy Pelosi, devraient se voir refuser la sainte communion parce qu’ils sont pro avortement.
©ALBERTO PIZZOLI / AFP

THE DAILY BEAST

Du jamais vu depuis des siècles, le cardinal Burke, critique ultra-conservateur de François, veut obliger le pontife libéral à préciser la position de l’Eglise sur le divorce et les LGBT.

Barbie Latza Nadeau

Barbie Latza Nadeau

Barbie Latza Nadeau, est chef du bureau de Rome pour The Daily Beast.

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The Daily Beast par Barbie Latza Nadeau

ROME. Apparemment, François a des explications à donner. Au moins c’est ce que quatre cardinaux, animés par l'Américain Raymond Leo Burke, disent. Fatigué de dépendre du pontife en ce qui concerne le symbolisme et l'interprétation individuelle de la doctrine, Burke et son clan de clercs exigent que François explique ce qu’il pense vraiment sur des questions clés comme les couples de même sexe et les catholiques divorcés et re-mariés, en essayant de l’obliger à s'exprimer pour qu’il soit condamné par les conservateurs ou les progressistes en fonction de ce qu'il dira.

En septembre, les cardinaux ont déposé une liste de dubia, ou de doutes, auprès de François et de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi à propos de l'exhortation apostolique du pape Amoris Laetitia (The Joy of Love) dans laquelle il a assoupli les positions traditionnelles de l'Eglise à propos du mariage. Et ces critiques disent qu’il engage l'église vers une "grave désorientation et une grande confusion". Quand il est devenu clair que François n’a pas l'intention de répondre, les cardinaux rendent leur action publique.

S'il ne répond pas, ils menacent de lancer une "procédure formelle de correction d'une erreur grave", pour provoquer une audience du Congrès à la Curie pour voir si le pape doit êtrerappelé à l'ordre. François ne peut pas être mis en accusation (en vertu du principe Prima Sedes du Droit Canon), mais une telle mesure, qui n’a pas été mise en œuvre depuis des siècles, n’en serait pas moins problématique pour un pape aussi populaire.

Le vaticaniste Edward Pentin, qui écrit pour National Catholic Register et d'autres médias, a révélé cette affaire, ce qui a provoqué des ondes de choc jusqu’à Rome. Non seulement ce serait la plus grande crise de la papauté de François jusqu'à présent, mais Pentin dit qu'elle pourrait provoquer un schisme entre les cardinaux conservateurs et les libéraux.

"Les quatre cardinaux espèrent certainement des éclaircissements, qui vont peut-être venir. Ils craignent que les ambiguïtés, qui conduisent à des interprétations multiples concernant une question cruciale pour l'Eglise, aboutissent à des divisions dangereuses pour les âmes" dit Pentin au Daily Beast. "Ils pensent qu'ils n'avaient pas d'autre choix que de remplir leur devoir de cardinaux en rendant public leurs préoccupations pastorales quand François a décidé de ne pas répondre. Ils font également valoir qu'il est crucial non seulement pour les catholiques conservateurs, mais aussi pour tous les catholiques dans leur ensemble, car cela concerne le trésor le plus précieux de l'Eglise, l'Eucharistie, en laquelle les catholiques voient le vrai corps et le sang du Christ".

Burke, qui n’est pas un ami du pontife, est aussi un ultra-conservateur qui a déclaré que les catholiques américains membres du parti démocrate, John Kerry et Nancy Pelosi, devraient se voir refuser la sainte communion parce qu’ils sont favorables à l’avortement. Et en tant que président du conseil consultatif de Human Dignity Institute, Burke était présent quand le stratège en chef, "président-élu" Donald Trump, Steve Bannon a prononcé un discours en 2014, au cours duquel il a invité l'Eglise à coller à ses idéaux conservateurs sinon elle risque des répercussions apocalyptiques. "Nous sommes aux toutes premières étapes d'un conflit très brutal et sanglant, si les gens dans cette salle, les gens dans l'Eglise, ne se rassemblent pas et ne forment pas ce que je vois comme une église militante, pour être en mesure de ne pas simplement garder notre foi, mais de se battre contre la nouvelle barbarie, qui risque de détruire tout ce qui nous a été légué au cours des 2.000, 2.500 dernières années" a dit Bannon dans son discours .

Burke était le représentant de la hiérarchie catholique américaine au Saint-Siège, toujours drapé dans des vêtements luxueux, avec de grandes croix, qui ne sont plus à la mode sous François. Mais en 2014, il a été rétrogradé et a perdu son poste de préfet du tribunal suprême de la Signature apostoliquequelques mois après avoir qualifié l'Eglise sous ce pape "un navire sans gouvernail."

Il a été nommé patron de l'Ordre souverain militaire de Malte en haut de la colline de l'Aventin à Rome, où ses fonctions, tout en étant importantes, ont peu d'effet sur l’Eglise. Dans ce que le vaticaniste Sandro Magister a appelé un exil, Burke reste très influent auprès des catholiques conservateurs. "Il est facile de prédire que son déclassement définitif provoquerita à la fois une réaction tumultueuse au sein du monde traditionaliste, où Burke est considéré comme un héros, et une satisfaction équivalente dans le camp opposé, où il est plutôt considéré comme un croque-mitaine" Et sans doute, le pape le voit comme une épine plantée dans son flanc. The Daily Beast a demandé des commentaires à Burke par voie officielle et en personne dans la rue à Rome, mais Burke a refusé de s'exprimer.

Le Vatican a également refusé de commenter la controverse, mais lorsque François a nommé 17 nouveaux cardinaux, dont trois Américains, le pape a renoncé à ses réunions habituelles avec les cardinaux, venus à Rome en grand nombre pour cette célébration. Certains ont suggéré que le pape a évité toute réunion avec eux de peur que les cardinaux conservateurs lui demandent des éclaircissements. Dans une interview publiée vendredi dans la publication catholique Avvenire, François n'a pas mentionné la crise, mais il a rejeté globalement les critiques. "En ce qui concerne les opinions, nous devons toujours regarder l'esprit avec lesquelles elles sont exprimées. Lorsqu'elles ne sont pas exprimées avec mauvaise foi, elles permettent d’aller de l’avant. Dans d’autres cas, vous voyez tout de suite que les critiques choisissent des arguments pour justifier un point de vue préexistant ; ils ne sont pas honnêtes, ils agissent de mauvaise foi pour fomenter des divisions, Vous voyez tout de suite qu'une certaine «rigorisme» est né d'un manque, d'un désir de se cacher derrière l'armure de sa propre et triste insatisfaction. "
 dit le pape.

"Je ne suis pas sûr que les cardinaux eux-mêmes savent vraiment exactement ce qu’il faut faire, mais il y a des possibilités, ils peuvent proposer un 'conseil fraternel' dans l'espoir que François va clarifier la situation et effacer les divisions" déclare Pentin. "Cela pourrait se traduire par des courriers, ou un avertissement adressé au pape, ou encore par une demande de rétractation de propos controversés. Mais leur principale préoccupation est d'obtenir des éclaircissements, pour savoir si Amoris Laetitia l’exhortation apostolique post-synodale du Pape François sur l'amour dans la famille est vraiment en continuité avec l'enseignement du pape précédent, ou s'il y a une rupture de cette doctrine, comme certains le prétendent. La balle est fermement dans le camp du pape".

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