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Le baril à moins de 30 dollars : les Saoudiens sont ils en train de gagner leur pari d’étouffer les producteurs de gaz de schiste ?
©Reuters

Perdu ! (ou presque...)

Alors que le cours du pétrole ne cesse de chuter (33 $ le baril), cette dynamique ne semble pas que négative pour les pays producteurs de pétrole. En dépit d'un déficit budgétaire de 89 milliards de dollars en 2015, le chef de file de l'OPEP, l'Arabie Saoudite, poursuit sa politique de baisse des coûts du pétrole. Un objectif serait derrière cette stratégie : barrer la route aux producteurs de gaz de schiste. Reste à savoir s'il s'agit bien de l'objectif principal.

Stephan Silvestre

Stephan Silvestre

Stephan Silvestre est ingénieur en optique physique et docteur en sciences économiques. Il est professeur à la Paris School of Business, membre de la chaire des risques énergétiques.

Il est le co-auteur de Perspectives énergétiques (2013, Ellipses) et de Gaz naturel : la nouvelle donne ?(2016, PUF).

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Atlantico : Dans un article paru dans Bloomberg, il est écrit que les producteurs de gaz de schiste ne peuvent pas être rentables avec du pétrole dont le prix au baril serait sous les 50 $. Que vous inspire cette information ? 

Stephan Silvestre : Il s’agit plus exactement des producteurs américains de pétrole de schiste. En effet, une bonne partie des puits de ce type ne sont pas rentables sous ce cours, mais pas tous. Grâce aux fulgurants progrès technologiques et logistiques, ce seuil de rentabilité descend régulièrement et il existe toujours des puits qui produisent. Pour ce qui est du gaz de schiste, son cours est aussi en baisse, là aussi en raison des progrès techniques, mais cela n’est que partiellement lié au pétrole. D’une part, les marchés sont assez séparés : celui du pétrole est mondialisé, alors que celui du gaz est encore régionalisé, opéré dans trois zones distinctes (Amérique du Nord, Europe et Asie). D’autre part, les usages ne sont pas les mêmes : surtout les transports pour le pétrole et surtout le chauffage et la production d’électricité pour le gaz. La substitution entre les deux ressources est donc assez faible. 

Comment s'organise l'extraction du gaz de schiste dans un contexte où le pétrole atteint des records de déflation ?

L’exploitation du gaz de schiste n’est pas liée directement au cours du pétrole. Cependant, elle fait aussi face à une baisse du cours du gaz due à la production américaine elle-même. Les producteurs américains ont de plus en plus de mal à trouver les capitaux nécessaires pour explorer et forer ; ils ont donc en grande partie gelé leurs investissements en exploration et en production. Cependant, il reste énormément d’équipements déployés sur le terrain et de puits déjà forés en attente d’extraction. La production, actuellement en baisse, peut ainsi redémarrer très rapidement si les cours remontent. La situation est la même pour le pétrole de schiste. Cette fois, la baisse provient de l’extérieur du pays : elle est en grande partie causée par la politique de l’OPEP et aux dissensions qui y règnent, mais aussi par la profusion de l’offre à travers le monde, notamment des pays non OPEP, chacun cherchant à augmenter sa production. Alors que la production américaine avait atteint des records en 2015, plaçant le pays au premier rang mondial, elle devrait baisser significativement en 2016. Là aussi, le premier poste dans lequel les producteurs vont couper sera l’exploration. 

Quelles sont les avantages et les limites de cette politique pour l'Arabie Saoudite ?

Sur ce plan, l’Arabie Saoudite a atteint l’un de ses objectifs. Mais elle ne cherchait pas à nuire qu’aux États-Unis : la Russie et l’Iran étaient aussi dans sa ligne de mire et eux aussi pâtissent de ce cours. Mais il ne faut pas surestimer l’aptitude de ce pays à manipuler les cours. Les dissensions dans l’OPEP constituent aussi un facteur clé, en particulier la lutte sans merci avec l’Iran. Dans un contexte si tendu entre ces deux rivaux, toute entente sur la production et les prix est illusoire. L’Arabie Saoudite elle-même souffre beaucoup du cours actuel, au point qu’elle envisage de vendre une partie de ses bijoux de famille, c’est-à-dire des parts de la société pétrolière nationale Saudi Aramco. Et il lui sera difficile de faire marche arrière : si demain elle décidait de réduire sa production pour faire remonter les cours, l’Iran, et d’autres pays, s’engouffreront dans la brèche pour récupérer ses parts de marché. Le royaume saoudien s’est engagé sur un chemin à hauts risques qu’il aura du mal à quitter. 

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