Laurent Grandguillaume, député en stage : ce que j’ai réalisé en passant une semaine en entreprise<!-- --> | Atlantico.fr
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Seuls 10% des députés auraient déjà eu une expérience professionnelle dans le secteur privé.
Seuls 10% des députés auraient déjà eu une expérience professionnelle dans le secteur privé.
©Reuters

Devoir de vacances

Ancrer le travail des parlementaires dans la réalité quotidienne à laquelle doivent faire face les entreprises françaises : tel est l'objectif de l'opération "Moi parlementaire, une semaine dans les pas d'un PDG". Une initiative qui a bel et bien son intérêt, comme le confirme le député de la majorité parlementaire, M.Laurent Grandguillaume, en stage chez Nature & Découvertes.

Laurent Grandguillaume

Laurent Grandguillaume

Laurent Grandguillaume est député PS de la Côte-d'Or, conseiller municipal de Dijon. 

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Atlantico : M. Grandguillaume, député au sein du groupe de la majorité parlementaire, vous avez récemment passé une semaine aux côtés d'un dirigeant d'entreprise dans le cadre de l'opération "Moi, parlementaire, une semaine dans les pas d'un PDG". Ce stage d'immersion a été pour vous l'occasion de vivre le quotidien d'un chef d'entreprise. Si vous deviez établir un compte-rendu de stage, que mettriez-vous en avant ? Quelles sont les thématiques qui vous ont particulièrement marquées ?

Laurent Grandguillaume : C’était effectivement mon dernier jour de stage aujourd’hui. J’avais déjà travaillé dans le privé et le public, et m’était spécialisé sur les questions liées aux entreprises à l’issu de mon élection en tant que député. Je me suis notamment penché sur les micro-entreprises, avec un rapport sur les artisans et les auto-entrepreneurs, et puis récemment dans le cadre de la co-présidence du conseil de simplification des entreprises, où j’ai été amené à faire une quinzaine de déplacements en quatre mois dans toute la France. Au final, je me suis rendu compte qu’il manquait quelque chose à ces déplacements, que l’on ne pouvait pas appréhender efficacement les entreprises en quelques heures.

La proposition de passer une semaine en entreprise m’a donc tout de suite intéressée. D’autant que c’était organisé juste après la session parlementaire (sur l’élaboration du Projet de loi de simplification des entreprises ndlr), et je m’attendais à ce que cela me permette de prendre du recul par rapport au travail déjà effectué. Ce qui a vraiment été bénéfique, ça a été de pouvoir relier mon travail quotidien avec la réalité du terrain.

Cette semaine de stage m’a permis de rencontrer les différents services que l’on peut communément trouver dans une entreprise : le service juridique, communication, ressources humaines, etc. et j’ai aussi apprécié de pouvoir échanger avec tous les salariés du siège, ainsi que les équipes du terrain et les délégués du personnel.

Ce qui était intéressant, c’était donc de croiser les problématiques de l’entreprise avec les problématiques que je rencontre au quotidien au Parlement. La jonction de ces deux réalités m’a apporté une nouvelle grille de lecture, plus pragmatique.

Il ne s'agissait pas de votre première expérience professionnelle dans le secteur privé. Quels changements avez-vous pu observer depuis vos premières expériences ?

Les mutations à l’œuvre dans les entreprises sont principalement le fait d'Internet qui a chamboulé en profondeur toutes les organisations et leur management. Egalement, j’ai pu constaté l’engouement pour le développement à l’étranger de Nature & Découvertes, qui ouvrira un magasin à la rentrée à Munich. Je le vois de manière plus globale pour les autres entreprises intermédiaires d’ailleurs. Les entreprises françaises ne restent plus confinées à une zone locale, on voit bien la marche vers l’internationalisation des marchés économiques.

C'est le DG de Nature & Découvertes (entreprise de taille intermédiaire de moins de 1 000 salariés), qui vous a accueilli. Quelles sont les difficultés ou les messages dont ce dernier vous a fait part ?

Il m’a surtout exposé les principales difficultés de l’écosystème de son entreprise, ce qui a permis une immersion rapide. Nous avons discuté de la difficulté liée à l’augmentation des loyers dans les centres commerciaux par exemple, ou bien de l’attente vis-à-vis des mesures de simplification, et de l’allègement dans le domaine de la fiscalité. Outre les mesures dont ils ont besoin, les entrepreneurs mettent surtout l’accent sur le caractère urgent de celles-ci. J’ai eu accès aux comptes d’exploitation des entreprises des sept dernières années, et au gré des discussions, le Pacte de responsabilité et de solidarité s’est imposé comme une mesure nécessaire. Il y a aussi un manque de visibilité sur les années à venir qui freine les investissements.

Selon l'Association patronale Entreprise & Progrès, seuls 10% des députés auraient déjà eu une expérience professionnelle dans le secteur privé.  Quel décalage avez-vous pu constater entre la perception du monde du travail tel qu'envisagé au Parlement, et la réalité du terrain ?

J’ai le sentiment que les deux poursuivent les mêmes objectifs, mais qu’en même temps, les deux mondes ne se connaissent que peu. Le monde du travail n’entrevoit que de loin la mise en œuvre de l’action des parlementaires par exemple. Il peut y avoir un décalage, mais que l’on peut résoudre par des liens permanents entre le monde politique et des entreprises. Je ne suis pas favorable à rendre ce stage obligatoire, mais il est vraiment nécessaire qu’il y ait un lien permanent entre les élus et le monde du travail, dans un sens comme dans l’autre.

Comment ce défaut de connaissances s'illustre-t-il concrètement au sein du Parlement ?

Le principal point, pour vous répondre, porte sur le fait qu’il y a des mutations extrêmement rapides dans les entreprises, du fait d’une économie qui bouge sans cesse, et qui n’est pas toujours suivie par le travail du corps législatif. Ce qui est vrai aujourd’hui ne le sera sans doute plus dans un an. L’entreprise a une vision opérationnelle là où le Parlement reste plus conceptuel. Et la connaissance fine du monde du travail ne peut se transmettre aux parlementaires que s’il y a un lien permanent avec eux.

Quand on voit certains débats au Parlement, on s’aperçoit qu’il y a parfois des lacunes parlementaires, avec une conception de l’économie française diminuée aux seules grandes entreprises, alors qu’en réalité, elle est principalement constituée par un tissu économique de PME/ETI. Sur la question de la pénibilité, qui est une bonne idée à la base, il faut prendre aussi la mesure de son application qui est aisée pour les entreprises de grandes taille,  mais nécessite un aménagement pour le petites.

En quoi cela modifiera concrètement votre manière d'aborder les sujets liés à la création d'emplois, et plus globalement autour de l'entreprise au Parlement ? La conception des 50 propositions sur le projet de simplification des entreprises, dont vous êtes un des acteurs importants, vous parait-elle appropriée ? En quoi ce stage les confirme ou les infirme-t-il ?

Je me suis rendu compte en discutant avec la directrice des ressources humaines qu’au-delà de la clarté de la fiche de paie - dont nous avons tous conscience du besoin - il y avait aussi un enjeu sur le recouvrement des contributions. Et il y a plus globalement eu des échanges, des questions dont je n’avais pas forcément conscience et que je vais creuser pour proposer de nouvelles mesures dans les 50 du projet de loi. Comme par exemple, les questions liées à l’urbanisme ou au recouvrement des cotisations, que je soumettrai à des expertises à la rentrée pour en évaluer la faisabilité.

A contrario, avez-vous dû faire face à des préjugés de la part des personnes que vous avez rencontré ? De quels ordres étaient-ils ?

Il n’y a pas vraiment eu de préjugés tels qu’on peut l’entendre. Ils étaient plutôt agréablement surpris de savoir qu’un parlementaire passait une semaine avec eux, et j’ai surtout ressenti de la curiosité de leur part. Les questions étaient bilatérales, et il y a vraiment eu des échanges intéressants. Les salariés ont voulu savoir comment s’organisait mon travail, comment nous traitions les textes que l’on nous soumet, comment les semaines s’organisent… Comme un besoin, une curiosité d’en savoir plus, et qu’il faut envisager de combler à l’avenir. 

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