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Lance-roquettes découvert en Seine-Saint-Denis :  mais que préparent donc ceux qui trafiquent ces armes ?
©BERTRAND GUAY / AFP

Criminalité

Après la saisie d'un lance-roquettes antichar dans un immeuble à Noisy-le-Sec de nombreuses questions se posent sur le niveau d'armement du grand banditisme.

Xavier Raufer

Xavier Raufer

Xavier Raufer est un criminologue français, directeur des études au Département de recherches sur les menaces criminelles contemporaines à l'Université Paris II, et auteur de nombreux ouvrages sur le sujet. Dernier en date:  La criminalité organisée dans le chaos mondial : mafias, triades, cartels, clans. Il est directeur d'études, pôle sécurité-défense-criminologie du Conservatoire National des Arts et Métiers. 

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Atlantico : Jeudi dernier, Le Point révéle qu'une enquête est ouverte après la saisie d'un lance-roquettes antichar dans un immeuble d'une cité de Noisy-le-Sec, Seine-Saint-Denis. S'agit d'un acte isolé, d'une banale histoire de banditisme, ou existe-t-il une stratégie globale d'insurrection ?

Xavier Raufer : Gardons les fondamentaux à l'esprit : ces armes de guerre sont importées, stockées, utilisées ou vendues dans les quartiers et cités hors-contrôle, dits "sensibles" ou "populaires" par les Diafoirus-sociologues et bobo-journalistes assimilés. Pour le dire autrement, dans les quartiers de la fameuse "Politique de la Ville". 
Tous ces trafics illicites sont le fait de bandes (stables) ou de meutes (instables), toutes criminelles. "Criminelles" signifie que leurs actes devraient mener leurs caïds et noyaux durs devant des Cours d'assises, où l'on juge des crimes. Ce bien sûr, si la justice française n'était pas en perdition, depuis Mme Taubira et inclusivement, jusqu'à Mme Belloubet. 
Plus au fond, la justice française n'a jamais vraiment été à l'aise avec les infractions collectives, terrorisme et crime organisé. Le fâcheux, c'est qu'il y a du terrorisme et du crime organisé en France depuis plus d'un demi-siècle. Notre justice est certes vénérable et par construction, ne saurait foncer étourdiment dans le brouillard - mais après cinquante ans, faudrait quand même qu'elle s'y mette...
D'ordinaire, les armes type lance-roquettes antichar (LRAC, ou Bazooka) servent au grand banditisme, pour éventrer un camion blindé de transport de fonds, par exemple. Les racailles, qui manipulent déjà bien mal leurs kalachnikov, Dieu merci, n'en n'ont pas vraiment l'usage. 
Et pas de "stratégie d'insurrection" blanquiste à craindre : on est dans une logique de banditisme ; toutes les bandes ont un territoire, en sortent peu, et au-delà, sont en guerre les unes contre les autres - Hobbes, la guerre de tous contre tous, si l'on veut.
Reste un motif d'inquiétude : dans un monde où presque toutes les parois coupe-feu entre terrorisme pur et banditisme pur ont sauté (depuis la fin de la Guerre froide) et où abondent les hybrides, une racaille mutée djihadiste peut demain user d'un LRAC pour un attentat. Scénario du pire : un TGV tiré à grande vitesse au bazooka, vous avez des centaines de victimes, sans doute plus que dans un attentat aérien.

Un enquêteur a précisé que "des armes de guerre circulent dans les cités", ce que les forces de l'ordre savent "depuis des années". Au-delà de ce lance-roquette, quelle est la finalité, pour les trafiquants et criminels, de posséder des armes de guerre ? Est-elle seulement criminelle ou peut-on y voir une défiance vis-à-vis de l'État et des forces de l'ordre ? Une volonté de se préparer à une possible réaction des autorités face à l'insécurité montante ?

Ce que savent les policiers sur les trafics des cités cités, sur ce qu'on y stocke et prépare, est flou. Comme les criminologues le rabâchent depuis deux décennies, la France n'a pas de vrai service de renseignement criminel et nulle observation systématique et permanente des bandes dangereuses n'y est opérée. Preuve : chaque fois qu'une émeute grave éclate dans un quartier hors-contrôle, le gouvernement est abasourdi, semble tomber de l'armoire. Idem pour les règlements de comptes entre bandits où, trop souvent, un procureur gêné annonce qu'il "n'écarte aucune hypothèse". Le contraire de cet aveu d'ignorance est de poser un diagnostic, ce pourquoi il faut des avis experts, sur le terrain.
Enfin, je vous rappelle les trois immuables phases du comportement d'une administration française devant un phénomène brutalement nouveau et dérangeant (ici, criminel) : 
a) c'est un bobard, 
b) on le savait depuis longtemps, rien de nouveau sous le soleil ; enfin, 
c) le problème réel quoique minime, est résolu. 
M. Collomb commençait à y voir clair ; M. Castaner, lui, retourne à la case départ. Attendons sereinement la suite.

Que dit cette affaire du marché illégal des armes en France ? De la capacité des bandits à se procurer de telles armes ?

La prolifération des armes autour des métropoles obéit à une logique d'équilibre de la terreur, comme le nucléaire de la Guerre froide. Si dans un bassin criminel (au hasard, la Seine-Saint-Denis) une première bande dégotte une kalachnikov, ses voisines doivent à tout prix en trouver une, et vite ; sinon balayées, elles perdent leur business criminel. Notre doctrine nucléaire, avec le général Pierre-Marie Gallois, supposait "le pouvoir égalisateur de l'atome" : entre bandes, règne le pouvoir égalisateur de la kalach. 
Où s'en procurer ? Ici, pas de pénurie mais l'embarras du choix. Songeons à la Libye ou des arsenaux du parano Kadhafi furent éventrés par les bombardements franco-britanniques et où, longtemps, les caisses d'armes trainaient à même le sol. Elles n'ont pas été perdues pour tout le monde et, par capillarité, inondent l'Afrique - en partie, à vendre au plus offrant. Ajoutons-y les stocks d'armes des Balkans, après les guerres de la décennie 1990 : de quoi alimenter les criminels, terroristes et hybrides de l'Union européenne, au moins pour la décennie à venir. Voyez l'aisance avec laquelle les frères Kouachi ont trouvé de quoi s'armer, avant de frapper à Charlie-Hebdo. 

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