Affaire Tapie : "Lagarde prenait vraisemblablement ses instructions à l'Élysée"<!-- --> | Atlantico.fr
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Fallait-il choisir l'arbitrage pour mettre un terme au feuilleton judiciaire opposant Bernard Tapie à l'État ?
Fallait-il choisir l'arbitrage pour mettre un terme au feuilleton judiciaire opposant Bernard Tapie à l'État ?
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Affaire Tapie

Fallait-il choisir l'arbitrage pour mettre un terme au feuilleton judiciaire opposant Bernard Tapie à l'État ? Manifestement non d'après le procureur général de la Cour de cassation, qui envisage de saisir la Cour de Justice de la République. Christine Lagarde est menacée. Jouera-t-elle le rôle de fusible ?

Thomas  Clay

Thomas Clay

Thomas Clay, 41 ans, est agrégé de droit privé, professeur à l’université de Versailles et spécialiste de l'arbitrage.

 

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Atlantico: Le procureur général de la Cour de cassation Jean-Louis Nadal a saisi la commission des requêtes de la Cour de justice de la République chargée de juger les ministres en exercice. Une enquête devrait donc être ouverte dans le cadre de l’affaire des quelques 400 millions d'euros de fonds publics que doit verser le Consortium de réalisation (CDR)à Bernard Tapie. Il y a-t-il eu, selon vous, un « abus d’autorité » de la part de la ministre de l’économie Christine Lagarde ?

Thomas Clay : Il s’agit d’un nouveau rebondissement, même s’il était attendu. Ce que l’on peut dire c’est que les différentes voies de droit sont toutes en train de converger pour stigmatiser les modalités du recours à l’arbitrage dans cette affaire. Il est reproché à Christine Lagarde d’avoir imposé l’arbitrage favorable à Bernard Tapie en dépit des avis contraires qu’elle avait reçus de tous ceux qu’elles avait consultés, et notamment de l’Agence de participation de l’Etat et de la part d’éminents juristes.

Désormais, trois procédures sont en cours : celle devant la Cour de discipline budgétaire contre les hauts fonctionnaires qui ont appliqué les consignes reçues de leur ministre de tutelle, celle devant la Cour de justice de la République lancée aujourd’hui et celle devant le Conseil d’État puisque l’on a appris vendredi que le mémoire déposé par le Député de Courson, notamment, à propos de la décision de la ministre de recourir à l’arbitrage avait été admis et sera instruit.

Ce qui est intéressant c’est d’observer comment tous ceux qui, en 2007, ont appelé l’attention sur l’illégalité du recours à l’arbitrage en l’espèce, ou ont même refusé de s’y plier, ont été écarté du processus décisionnel par lequel la ministre a pu imposer ses vues. Reste à savoir si, elle-même, ne prenait pas ses instructions à l’Elysée, ce qui est plus que probable.


Atlantico: Il y a donc plusieurs niveaux de décisions ?

Effectivement, on peut relever trois niveaux de décisions :

  • Les hauts fonctionnaires concernés (le Président du CDR Jean-François Rocchi et le Président de l’Etablissement public de financement et de restructuration (EPFR) Bernard Scemama) qui sont actuellement renvoyés devant la Cour de discipline budgétaire ;
    • La Ministre Christine Lagarde qui a directement donné des ordres à ce niveau là.
    • Le président de la République qui a vraisemblablement donné des instructions à Christine Lagarde.

Or ils devront nécessairement répondre, chacun à leur niveau, des raisons pour lesquels ils ont engagé l’Etat dans une procédure qu’ils savaient illégale et qui a conduit à devoir verser à Monsieur Tapie près de 400 millions d’euros, alors que l’Etat était en train de gagner devant les juridictions étatiques. Cela ressemble de plus en plus à une affaire d’Etat. La complexité de l’affaire est qu’à chaque niveau de décision correspond une juridiction différente. Même pour le spécialiste, l’affaire est embrouillée. Mais comme l’Etat de droit est en train de l’emporter, il est possible que des sanctions soient prises. La question qui se pose est de savoir à quel niveau elles s’arrêteront.

En effet, si les hauts fonctionnaires refusent de porter le chapeau et prouvent qu’ils ont agi sur instruction, cela remontera au niveau de la Ministre qui, elle-même pourra soit endosser la responsabilité de cet arbitrage, soit la transmettre au niveau supérieur… Les prochaines semaines vont être intéressantes à suivre.

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