La volte-face turque sur la Syrie peut-elle changer la donne à Damas ?<!-- --> | Atlantico.fr
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La Turquie aproclamé il y a quelques années sa volonté d’avoir "zéro problème avec ses voisins".
La Turquie aproclamé il y a quelques années sa volonté d’avoir "zéro problème avec ses voisins".
©Reuters

Girouette

La Turquie, qui voulait "zéro problème avec ses voisins", se retrouve avec "zéro voisin sans problème". Le résultat d'un changement de position radical à l'égard des rebelles syriens.

Ardavan Amir-Aslani

Ardavan Amir-Aslani

Ardavan Amir-Aslani est avocat et essayiste, spécialiste du Moyen-Orient. Il tient par ailleurs un blog www.amir-aslani.com, et alimente régulièrement son compte Twitter: @a_amir_aslani.

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Le 16 octobre dernier, l’artillerie turque a pris pour cible des positions dans la région montagneuse dite Azaz/Parsa en Syrie. Or contrairement au passé, cette fois, les ennemies étaient  les rebelles syriens, plus particulièrement les islamistes du mouvement ISIL, « l’Etat Islamique en Iraq et dans le Levant ». Il s’agissait là d’une première. La Turquie qui jusqu’alors était l’un des plus farouches supporters de la cause rebelle en Syrie s’est retrouvée dans le même camp que les troupes loyalistes d’Assad. Pour un bouleversement c’en est un ! A cela, il convient d’ajouter la rencontre au sommet intervenue, à Istanbul, vendredi dernier entre le ministre iranien des affaires étrangères et son homologue turc Ahmet Davutoglu. A la lumière de la recrudescence des actes de violence perpétrés, les deux ministres ont conjointement exprimé leur désarroi face à la nature de plus en plus sectaire du conflit syrien.

Si la position iranienne n’a guère évolué dans le soutien indéfectible que Téhéran apporte au pouvoir d’Assad, le changement de cap de la position turque mérite d’être souligné. Il convient de rappeler que le régime d’Ankara était l’un des premiers soutiens de la cause rebelle à ses premières heures, accueillant sur son territoire des centaines de milliers de réfugiés et fournissant une base arrière aux rebelles. Or, voici que le régime turc se voit en train de tirer sur ceux-là même qu’il soutenait il y a peu de temps encore. Il est vrai que la Turquie commence à se rendre compte qu’il n’y a aucun lien entre les islamistes « modérés » du Conseil National Syrien et ceux qui se battent sur le terrain ouvertement pour la création d’un grand Califat islamique. En fait, le Conseil National Syrien n’exerce aucun contrôle sur les rebelles qui répugnent à l’idée de dépendre de ce même conseil.

Par ailleurs, le soutien turc aux rebelles islamistes n’a jamais été vu d’un bon œil par la population turque qui n’a toujours pas compris le pourquoi du changement d’attitude d’Ankara envers le « frère » syrien Assad, qualifié ainsi naguère par Erdogan. La Turquie, avec sa population Alawite significative, représentant au moins vingt pour cent de sa population ne pouvait que difficilement continuer de soutenir la cause islamiste des rebelles. Erdogan peinait de plus en plus à justifier la contradiction entre ses prises de parole devant le portrait de Mustafa Kamal « Ataturk », père de la laïcité turque et ses positions en faveur des rebelles œuvrant pour l’instauration d’une théocratie à Damas.

Sur le plan international, le revers qu’ont subi les prétentions néo-ottomanes d’Ankara dans le monde arabe sunnite a aussi profondément secoué les velléités d’hégémonie de l’AKP, parti au pouvoir depuis plus de 10 ans. C’est ainsi qu’au lendemain du coup d’État contre le Président Morsi, la Turquie s’est retrouvée bien seule à condamner le putsch des généraux égyptiens. Ce coup d’État orchestré avec le soutien diplomatique et financier des pétromonarchies du golfe persique visait, d’abord et avant tout, les Frères Musulmans dont sont issus également Erdogan et les cadres dirigeants de l’AKP.

La Turquie qui avait proclamé il y a quelques années sa volonté d’avoir « zéro problème avec ses voisins » s’est retrouvée dans la bien délicate position d’avoir « zéro voisin sans problème ». Au lendemain de l’affaire de la flottille, ses relations avec Israël s’étaient pour le moins distendues.  Le soutien apporté aux rebelles islamistes l’avait coupé de Damas et de Téhéran. Sa politique agressive à l’égard de chypre ayant recours à la diplomatie de la canonnière pour asseoir ses prétentions sur les gisements de gaz offshore en méditerranée  l’avait coupé davantage encore de l’union européenne. Pour finir, sa condamnation du putsch du Caire l’avait ostracisé au sein des pétromonarchies arabes du golfe persique. Il fallait faire volteface. Voilà chose faite avec le rapprochement avec l’Iran.

En fait, la Turquie commence à œuvrer, sans le qualifier encore ainsi, pour la reconstruction du CENTO ou l’Organisation du Traité central (Central Treaty Organisation), plus communément appelé Pacte de Bagdad. Ce traité signé le 24février1955 par l'Irak, la Turquie, le Pakistan, l'Iran et le Royaume-Uni et plus tard en 1958 par les États-Unis qui rejoignirent le comité militaire de l'alliance, était le garant de la paix au Moyen-Orient. C’est la révolution iranienne de 1979 qui y a mis un terme. Le récent réchauffement des relations irano-américaines n’est probablement pas étranger au rapprochement irano-turc. Il s’agit peut-être là du grand retour vers l’ordre régional des années 70. Un ordre qui a su assurer la paix au Moyen-Orient. Un ordre dont le retour fait si peur aux pétromonarchies arabe du golfe persique tellement ils risquent d’être relégués au second plan.

C’est peut-être là la véritable crainte de l’Arabie Saoudite.

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