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La voiture tue plus par la pollution que par les accidents de la route
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Alerte aux particules

La pollution atmosphérique est bien plus meurtrière que les accidents de la route. Rien qu'en France, 20 à 40 000 décès par an dus aux particules fines sont recensés dont 3 à 6 000 sont directement imputables au trafic routier.

Rémy Slama

Rémy Slama

Rémy Slama est épidémiologiste de la reproduction, directeur de Recherches Inserm et responsable de l'équipe d'épidémiologie environnementale, Institut Albert Bonniot, Grenoble
 
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Isabella Annesi-Maesano

Isabella Annesi-Maesano

Directeur de Recherche INSERM / INSERM. Research Director FERS Directeur Equipe EPAR: EPidémiologie des maladies Allergiques et Respiratoires / Head: EPid Allergic Resp Dis Department (www.epar.fr). IPLESP INSERM et UPMC.

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Atlantico : Selon le MIT, la pollution automobile tuerait aux Etats-Unis plus surement que les accidents de la route, respectivement 53 000 et 34 000 personnes. La pollution automobile pourrait-elle être considérée comme la première cause de la mortalité "routière" ? Quel constat peut-on établir en France ? Comment expliquer cette situation ?

Rémy Slama : Dans leur estimation des décès dus à la pollution atmosphérique, ces scientifiques isolent la partie de la pollution atmosphérique qui serait due aux émissions du trafic routier et ils appliquent cette proportion au nombre de décès. En France, on est descendu à moins de 4000 décès par an sur les routes du fait des accidents, un niveau très bas par rapport au passé. Et pour ce qui concerne les effets de la pollution atmosphérique dans son ensemble, l’estimation est de l’ordre de grandeur de 20 à 40 000 décès par an dus aux particules et à la pollution dans son ensemble. Elles ont des effets sur les pathologies cardiaques et respiratoires.

L’effet sur la mortalité s’explique par des effets sur les pathologies cardiaques, les infarctus du myocarde, des accidents vasculaires cérébraux, les polluants atmosphériques créent des phénomènes d’inflammation, ils développent la plaque d’athérome qui favorise les accidents cardiaques. Cette pollution atmosphérique dans son ensemble est liée aux activités agricoles, industrielles et bien sûr au trafic routier notamment automobile. Les données qui existent sur la part de chaque secteur ne sont pas très cohérentes, il est difficile de donner un chiffre effectif. Il semble toutefois que sur les particules pm 5 ou 10 seraient émises pour 15% par le trafic routier, en milieu urbain - peut être un peu plus. Si on suppose que la toxicité de ces particules liée au trafic est la même que l’ensemble des particules responsables des décès (elles peuvent être un peu plus toxiques) alors on peut attribuer 15 % des 20 à 40 000 décès annuels liés à la pollution atmosphérique au trafic, on aurait de de 3 à 6000 décès par an dus au trafic - ce qui est grosso modo le même ordre de grandeur que les décès liés aux accidents de la route. Si l’on veut aller dans le détail, l’âge des victimes des accidents de la route et celui des morts liés à la pollution n’est pas le même. Si on résonnait au nombre des années de vie perdues, l’accidentologie entraîne un nombre plus important de nombre de vie perdues. Mais très probablement, la route tue au moins autant par la pollution qu’elle engendre que par l’accidentologie.

Isabella Annesi-Maesano : Globalement, le constat est tout a fait semblable avec des chiffres différents. A noter aussi que cela dépend de la classe d'âge. Les jeunes meurent plus d'accidents de la route que de pollution. Pour que les effets de la pollution se produisent il faut des expositions sur le long terme (chroniques) ou sur le court terme (aigus). Les effets aigus de la pollution sont observés chez les personnes déjà malades ou âgées. Les effets chroniques, on les voit chez les sujets exposés continuellement. La pollution véhiculaire ayant augmenté dans les dernières décennies, les gens ont été plus exposés dans les villes et ceux qui habitent à proximité d'axes routiers trafiqués ont été encore plus touchés. D'où l'augmentation des effets de la pollution. Maintenant, on assiste à trois phénomènes : augmentation à proximité des axes, stagnation et diminution. Les niveaux restent préoccupants.  

L’étude met en évidence qu’un Américain sur cinq souffrirait des effets de la pollution automobile pour cause d’une trop grande proximité avec les autoroutes. Vivre près des autoroutes ou exercer un métier dans le transport serait-il devenu dangereux, un mode de vie à risque ?

Rémy Slama: Pour l’instant, nous ne pouvons pas prouver cette donnée en France mais ce qui est certain c’est que dans notre pays, les personnes vivant en milieu urbain sont plus exposées aux particules à raison de 10 microgramme par m2, un chiffre relativement élevé comparé aux zones rurales (de 20 à 40 % de moins selon les agglomérations).

Isabella Annesi-Maesano : Lorsqu'on vit a proximité d'axes routiers à circulation véhiculaire intense on est exposés de façon importante (plus que les niveaux préconisés). Pour les maladies professionnelles liées a de telles expositions, il y a peu de données.

Les experts du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), une agence spécialisée de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ont publié jeudi 17 octobre un rapport expliquant que l’exposition à la pollution de l’air extérieur provoquerait des cancers du poumon. La pollution engendrée par le trafic routier est-elle à l’origine de cette situation ? Quels autres effets a-t-elle sur la santé ?

Rémy Slama :Les effets établis sont ceux sur la fonction cardiovasculaire, les poumons et certains troubles de la circulation sanguine. On a par exemple une augmentation des crises d’asthme, ou des pathologies exacerbés comme la BPCO, des accidents cardiaques, des troubles de la tension artérielle. Enfin, le cancer du poumon est clairement causé par la pollution atmosphérique et comme le CIRC nous le rappelle : il est notamment du aux particules diesel et atmosphériques. Il y a également des effets probables concernant la croissance fœtale. Nous venons de publier dans la revue médicale "The Lancet" une étude qui observe une augmentation du risque de petit poids à la naissance en lien avec les niveaux de particules durant la grossesse (le bébé dont la mère est exposée aux particules pèserait en moyenne 2.5kg). Cette étude a été réalisée en milieu urbain, milieu dans lequel les particules fines sont un indicateur de la pollution liée aux véhicules. Par ailleurs, nous avions également un indicateur qui était la distance à un axe routier, qui lui aussi assurait un risque plus important de petit poids à la naissance. Nous avons donc de bonnes raisons de penser que les particules liées au trafic sont effectivement nocives pour l’homme.

Isabella Annesi-Maesano : Les polluants liés au trafic, par exemple le diesel, sont à l'origine de la cancérogenèse. Les autres effets sont des effets de morbidité et mortalité cardiorespiratoire. On a observe aussi des effets sur les AVC ou de manière plus surprenante sur l'autisme...

Quelles solutions pourrait-on imaginer pour réduire la mortalité due à la pollution atmosphérique, notamment automobile, en France ?

Rémy Slama: Dans la mesure où ce n'est pas facile d'éloigner les gens des sources, il faut plutôt tenter de limiter les émissions. Nous savons que ce n'est possible aujourd’hui, nous avons l’exemple historique du dioxyde de source, un polluant dont le niveau était élevé dans la première moitié du XXème siècle qui a considérablement baissé. Aujourd’hui, pour réduire la pollution, il faut améliorer les systèmes de chauffage, au bois notamment qui est un fort émetteur de particules et améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments.  Enfin, concernant la pollution automobile, il faudrait réduire le trafic routier et le nombre des véhicules anciens qui sont plus polluants. Certaines villes ont instauré un système prévoyant la baisse du nombre de ces véhicules mais les résultats sont mitigés. Ils s’ajoutent aux normes plus strictes sur les véhicules nouveaux. Si les Zapa ont été abandonnées, les autres options peuvent être utilisées, enfin il faut développer les modes de transport les moins polluants.

Isabella Annesi-Maesano : Moins de trafic véhiculaire et plus de voitures émettant moins de polluants, voire 0 comme dans le cas des voitures électriques. Cela peut être aussi des voitures avec pot catalyseur mais il y en a trop, certains ne fonctionnent pas et la majorité des voitures n'est pas équipée... On peut aussi penser à la fermeture des centres historiques notamment pollués, à encourager la marche, le vélo... Et puis bien sûr, il y a la protection des sujets susceptibles.

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